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L'erreur manifeste d'appréciation: causes et conséquences

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Par   •  20 Mai 2016  •  Dissertation  •  1 776 Mots (8 Pages)  •  4 813 Vues

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Dissertation :

Le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation : causes et conséquences

« Ou s’immiscer dans le domaine de l’administrateur ou sacrifier les droits des individus ». La formule du président Letourneur résume le dilemme devant lequel est placé le juge.

Selon un arrêt du Conseil d’Etat rendu en assemblée le 2 novembre 1973 (Librairie François Maspero) l’administration dispose d’un pouvoir discrétionnaire lorsque les textes n’ont pas fixé les conditions dans lesquelles doit s’exercer son action ou lorsque la décision revêt un caractère de technicité poussée. Lorsqu’il est saisi, le juge exerce un contrôle de la légalité du motif de la décision administrative et un contrôle restreint des appréciation de l’administration limité à l’erreur manifeste d’appréciation.

Dans l’appréciation de la validité d’un acte administratif, la jurisprudence admet un certain contrôle d’appréciation, même en matière de pouvoir discrétionnaire, lorsqu’il s’agit du contrôle de l’erreur manifeste. Le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation des faits est un contrôle de la qualification juridique qui est effectuée lorsque l’erreur a été trop grossière. On parle d’ « erreur manifeste d’appréciation ».

Le juge peut effectuer un contrôle, dit minimum ou restreint, sur la qualification juridique des faits pour sanctionner l’erreur manifeste d’appréciation relative à une décision administrative. Une décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation lorsque l’administration s’est trompée de manière grossière dans l’appréciation des faits qui ont motivé sa décision. Le juge du référé précontractuel ne contrôle pas l’erreur manifeste d’appréciation d’une commission d’appel d’offres, il peut se borner à exercer son contrôle sur le bien-fondé des motifs indiqués par la CAO pour rejeter une candidature (CE 28 avril 2006, Abraham bâtiment travaux publics). Le juge administratif contrôle bien évidemment la légalité externe des décision discrétionnaires : incompétence, vice de forme ou de procédure. Il contrôle également certains éléments de la légalité interne : erreur de droit, faits matériellement inexacts et détournement de pouvoir. Avec ces différents moyens, le juge s’assure seulement des bases sérieuses de l’appréciation administrative et cantonne donc son contrôle à la périphérie du pouvoir discrétionnaire. En effet, il n’exerce aucun contrôle sur la qualification juridique des faits (c’est en cela que le contrôle est dit restreint). Cette lacune va motiver l’introduction de l’erreur manifeste d’appréciation dans le contentieux des appréciations discrétionnaires.

L’idée est apparue tout d’abord en matière de fonction publique à l’occasion du contrôle des équivalences d’emploi ou de diplôme. Dans l’arrêt du 15 février 1961, Lagrange, le conseil d’Etat estime qu’il doit relever une absence manifeste d’équivalence. Tout en admettant le pouvoir discrétionnaire de l’administration, il estime qu’il lui appartient de censurer les erreurs très graves, les erreurs évidentes. A partir de là, la notion a été étendue en matière de remembrement rural en vue de contrôler le classement des parcelles dans les différentes natures de culture (CE 13 juillet 1961, Delle Achart). De même, la jurisprudence fait appel à la notion d’erreur manifeste en matière d’urbanisme, et notamment de permis de construire (CE 29 mars 1968, Société de lotissement de la Plage de Pampelonne). Le jurisprudence a également appliqué cette notion en matière d’interdiction de publication étrangères (CE 2 novembre 1973, Société anonyme Librairie François Maspero).

Ainsi, comment soumettre le pouvoir discrétionnaire sans le dénaturer ?

Nous observerons tout d’abord que le juge met en place un contrôle respectueux de la marge d’appréciation de l’administration (I) puis dans une seconde partie, que le contrôle permet de prévenir l’arbitraire dans l’action administrative et de soumettre l’administration au droit (II).

  1. Un contrôle respectueux de la marge d’appréciation de l’administration

Nous verrons que le contrôle refuse de se substituer à l’administration (A) et qu’il permet en outre de procéder librement à certaines qualifications juridiques ou au choix de certaines mesures (B).

  1. Un refus de se substituer à l’administration

Pendant longtemps, la Haute juridiction administrative a rejeté toute idée d’un contrôle du pouvoir discrétionnaire : les appréciations discrétionnaires n’étaient « pas susceptibles d’êtres discutées devant le Conseil d’Etat statuant au contentieux ». De plus, dans ce type d’appréciation, les autorités administratives bénéficiaient (et bénéficient encore) d’une tolérance, d’un droit à l’erreur (une erreur simple n’entraine pas l’illégalité de l’acte).

        Pour autant, la libre volonté de l’administration ne peut s’exercer n’importe comment. Par conséquent, ce n’est pas le pouvoir discrétionnaire en tant que tel qui est en cause, mais plutôt le choix auquel il oblige.

        L’idée s’est ensuite imposée que si l’administration « a le droit » de commettre une erreur, celle-ci ne peut dépasser un certain seuil de gravité, ne peut aller au-delà du raisonnable. Cette erreur si grossière, c’est l’erreur manifeste. Son introduction dans le contentieux administratif répond donc à la volonté du juge de mieux contrôler le pouvoir discrétionnaire tout en respectant le choix fait par l’administration.

        En introduisant l’erreur manifeste, le Conseil d’Etat impose aux autorités administratives le respect d’un minimum de logique et de bon sens, opérant ainsi, un rapprochement avec la notion de détournement de pouvoir qui a pour objet de soumettre l’administration à un minimum de moralité.

        Comme tout pouvoir, le pouvoir discrétionnaire reste soumis à la légalité. Cependant, l’intervention du juge s’est longtemps limitée à un contrôle minimum.

        Puis ce contrôle minimum s’est élargi à l’erreur manifeste d’appréciation, moyen pour le juge de contrôler la qualification juridique des faits, c’est-à-dire le choix opéré par l’autorité administrative.

  1. Un refus permettant de procéder librement à certaines qualifications juridiques ou au choix de certaines mesures

Dans l’arrêt Lagrange, le Conseil d’Etat estime que l’appréciation qui lui est déférée « n’est pas susceptible d’être discutée » devant lui mais qu’ « il lui appartient néanmoins d’examiner si cette appréciation ne serait pas manifestement erronée » (CE Sect., 15 février 1961). Cela signifie que désormais, même en cas de pouvoir discrétionnaire, l’appréciation administrative des faits, qui prend la forme de la qualification juridique des faits, n’échappe pas à tout contrôle administratif. C’est donc « de l’intérieur même que le juge restreint la portée de la libre appréciation autorisée par le pouvoir discrétionnaire ».

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