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L'aventure et la mort : Entre tentation et répulsion

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Par   •  18 Juillet 2018  •  Dissertation  •  4 078 Mots (17 Pages)  •  712 Vues

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[pic 1]      L’aventure      [pic 2]                                               

L’aventure et la mort : entre tentation et répulsion

Sujet :

« Un lieu commun voudrait que l’aventurier accomplisse ses exploits au mépris du danger, au mépris de la mort. Or c’est exactement le contraire : il a besoin de la mort, de sa proximité, de sa familiarité pour éprouver la vie, pour donner une forme à sa vie. »

Marc Courtieu, L’aventure et la mort, in L’événement dans le roman occidental du XXe siècle, Continuités et ruptures, 2007.

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Plan possible :

I- La mort, le risque et le danger : les « précieux épices » (sic) de l’aventure (Jankélévitch) :

1) L’aventure est impensable sans référence à la mort frôlée.

2) Le risque et le danger donnent un « sens » à la vie et ouvrent de nouveaux horizons existentiels.        

II- Mais la confrontation de la mort et du danger risque d’engendrer larmes et regrets :

1) Loin d’être un choix, le danger et la mort de l’aventure relèvent a priori d’un destin irrévocable.

2) Certes le danger est indispensable à l’aventure, mais il risque d’en constituer la face tragique.

III- L’aventure comme quête d’immortalité :

1) L’aventure ne donne pas seulement un « sens » à la vie ; elle est la vie elle-même.

2) Raconter/écrire l’aventure comme moyen pour immortaliser l’être.

Rédaction intégrale :

Le lieu commun est de présenter l’aventure comme une suite de péripéties et de rebondissements, constituant le plus souvent la trame d'une histoire fictive ou réelle. Il s’agit le plus souvent d’un événement fortuit transcrit dans l’avenir et marqué au sceau du hasard et de l’imprévu. Or si par instinct l’homme cherche le plaisir et la vie et craint la douleur et la mort, l’aventurier, homme extraordinaire par essence, trouve dans la prise du risque et dans la confrontation du danger une nécessité inhérente à l’esprit de l’aventure. Marc Courtieu braque ses projecteurs sur ce paradoxe en affirmant péremptoirement qu’« un lieu commun voudrait que l’aventurier accomplisse ses exploits au mépris du danger, au mépris de la mort. Or c’est exactement le contraire : il a besoin de la mort, de sa proximité, de sa familiarité pour éprouver la vie, pour donner une forme à sa vie. » Le propos soumis à notre réflexion semble s’inscrire dans l’intention de distinguer deux réalités antagoniques dans le portrait de l’aventurier : une réalité de surface qui le présente abusivement comme un homme ordinaire marqué comme par instinct par le « mépris » et la précaution. La seconde, plus profonde, en fait paradoxalement un être courageux qui fait même de la confrontation de la mort un catalyseur pour valoriser la vie.  Autrement dit, si le « mépris de la mort » semble inscrit dans les viscères de tout être vivant, ce sentiment disparaît dans le portrait de l’aventurier qui accepte stoïquement de faire face à la mort et au danger. De même que le bien n’a aucune valeur en l’absence de la possibilité de faire le mal, la confrontation de la mort chez l’aventurier ne présuppose aucunement une négligence de la vie, mais plutôt une manière subtile pour revaloriser son existence et garantir son propre accomplissement. Implantée dans les abysses de l’aventurier, cette confrontation constitue un moyen indispensable pour réaliser un sursaut d’orgueil, le dépassement de soi-même en vue de donner une valeur à son acte à titre immédiat ou même posthume. Toutefois, défier la mort semble d’ores déjà un pari perdant. Malheureuse parenthèse dans la vie humaine, l’aventure risque parfois d’être tragique valorisant par ricochet une vie sédentaire plus sereine et plus paisible. Comment donc la valeur de l’aventure est consubstantiellement liée à une éthique de courage et d’abnégation capable de transformer paradoxalement la prise de risque en tentation et la confrontation de la mort en hymne à la vie. Ce choc frontal n’est-il pas à vrai dire un défi perdu d’avance dans une expérience aussi hasardeuse et aussi incertaine que l’aventure ? Dans ce sens, si l’Odyssée d’Homère, Au cœur des ténèbres de J. Conrad et le premier chapitre de L’aventure, l’ennui, le sérieux de V. Jankélévitch s’accordent parfaitement sur l’importance capitale du danger et du risque mortel dans toute aventure, il n’en demeure pas moins que ces œuvres s’échinent à retracer le chemin fatidique de certaines aventures qui ont débouché sur des larmes et des regrets. Finalement, loin d’être le signe d’une indifférence à l’égard de la vie, l’aventure, en faisant du risque son point nodal, est bien avant tout une quête d’immortalité, un plaisir permanent qui se vit en réalité et même en fiction.

        

Dans son livre L’Avènement de l’aventure, Sylvain Venayre affirme que « l’aventure est impensable sans référence à la mort frôlée ». Le risque mortel serait ainsi le moyen ad hoc pour garantir son intensité et son sens à la vie.  

Peut-on parler d’aventure sans danger et sans mort ? La théorie et la pratique s’accordent sur cette caractéristique incontestable de l’aventure : le risque. Ainsi, c’est parce qu’elle est « surgissement de l’avenir » pour reprendre Jankélévitch, « irruption de la conjoncture et de l’instant imprévisible » que l’aventure suppose la présence de la mort et du danger. Partir à l’aventure, c’est d’abord endosser sa condition de mortel pour faire face aux dangers et à l’imprévisible que cache un avenir obscur. La mort serait au dire de Jankélévitch « le précieux épice (sic) de l’aventure » (p171), « l’aventureux en toute aventure », comme elle est le « dangereux en tout danger » et le « douloureux en toute douleur » (p159). Par un permanent effet de miroir, la vie n’est tout entière que fréquentation de la mort et c’est finalement cette proximité permanente qui est la véritable vocation de l’aventurier. Moment névralgique de l’aventure, la confrontation du danger jalonne également le parcours épique emprunté par Ulysse dans l’Odyssée d’Homère. Il est en effet confronté à la vengeance de « Poséidon, Seigneur des Terres, qui lui en veut encore pour ce Cyclope dont il a crevé un œil » (I, 68,69). Cet «ancêtre tutélaire » (J.-C. Ruffin) de l’aventure doit chemin faisant faire face aux puissances terribles qui risquent de l’anéantir à tout moment et à condamner ses retrouvailles avec sa famille et patrie en chimère. D’ailleurs, mise à part Pénélope, tous les Ithaciens croient Ulysse mort étant convaincus dans leur for intérieur de l’impossibilité de séparer son périple de la mort. En ce sens, Ulysse ressemble à un certain égard à Charlie Marlow qui, en suivant les traces de Kurtz, semble « assailli par les puissances des ténèbres » (p146) et, comme par folie, semble prêt à « marchander son âme au diable » (p146). Cette éthique stoïcienne se voit renforcée d’un caractère jouissif chez le personnage de Marlow qui, contrairement à ses compagnons marins qui sont d’« espèce casanière » portant toujours avec eux « leur foyer », fuit le « repos » et cherche à exister intensément, lui, qui est le seul encore « voué à la mer ». L’arrivée dans la brousse africain, remonter le fleuve-serpent (p49) du Congo dont le tracé sur la carte est fascinant ne conduit pas à un Eden oublié, car plus il progresse à rebours, plus il descend vers l’enfer pour découvrir les horreurs et les exactions des colons, mais aussi la sauvagerie de certains indigènes : « Débarquer dans un marécage, marcher à travers bois, et dans quelque poste de l’intérieur, se sentir encerclé par cette sauvagerie, cette absolue sauvagerie – toute cette vie mystérieuse des solitudes, qui s’agite dans la forêt, dans la jungle, dans le cœur de l’homme sauvage. Et il n’y a pas non plus d’initiation à ces mystères. » Bref, une aventure sans prise de risque n’en est pas une et serait peut-être un simple événement voué à l’oubli et à la décadence.

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