Exemple de dissertation critique sur «L’Étranger»
Dissertation : Exemple de dissertation critique sur «L’Étranger». Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar cathou99 • 12 Octobre 2018 • Dissertation • 1 042 Mots (5 Pages) • 4 448 Vues
Exemple de dissertation critique sur «L’Étranger»
extrait de L’influence d’un livre (1837)
de Philippe Aubert de Gaspé
Au début du 19e siècle, en sol canadien, la littérature existe surtout oralement par des chansons, des contes et légendes qui servent à la fois de divertissement lors des soirées et de véhicule des valeurs chrétiennes de l’époque. Les différentes représentations du diable et de ses victimes tout comme les interdits religieux occupent une large part de ces histoires. Dans «L’étranger», légende canadienne tiré du roman historique L’influence d’un livre (1837) de Philippe Aubert de Gaspé fils, est-il juste d’affirmer que l’étranger est le seul responsable du malheur de Rose Latulipe? On verra qu’ils contribuent l’un et l’autre au sort tragique de la jeune fille. Cette dissertation abordera la facilité avec laquelle Rose prend plaisir à défier les interdits, le pouvoir de séduction de l’étranger et leur responsabilité mutuelle dans le drame puisqu'ils se choisissent.
Il est faux de prétendre que cette légende montre l’étranger comme le seul responsable de l’avenir brisé de Rose Latulipe car, malgré la promesse faite à son fiancé Gabriel, Rose prend plaisir à défier les interdits. On peut a priori constater que les comportements de Rose sont contradictoires. Sa vie s’annonce heureuse avec son fiancé «qu’elle [aime] comme la prunelle de ses yeux» (l. 5). La comparaison souligne la valeur de son attachement, sa sincérité. Pourtant, elle apprécie davantage se divertir et plaire à d’autres, voire se mettre en danger, on la qualifie d’ailleurs de «scabreuse» (l. 3), d’«éventée» (l. 4), de «coquette» (l. 10). Ces adjectifs traduisent bien le caractère frivole de Rose. Qui plus est, elle fait preuve d’audace et d’imprudence quand elle tient à poursuivre sa danse avec l’étranger dont les comportements en inquiètent plusieurs. En dépit de la mise en garde d’une parente lui rappelant son devoir de fiancée et de bonne chrétienne, elle répond fièrement, et surtout à forme impérative : «Allons, tantante, […] roulez votre chapelet, et laissez les gens du monde s’amuser.» (l. 56-57) Ici, Rose se croit au-dessus des règles, des conventions sociales et religieuses, et seule à décider de ses choix. On peut donc dire que la jeune fille contribue à son malheur par son caractère irréfléchi et désinvolte et par sa difficulté évidente à respecter le code moral de son époque.
On peut toutefois affirmer que l’étranger est tout aussi responsable du malheur de la jeune fille puisqu’il abuse de son pouvoir de séduction afin de lui faire perdre toute chance de bonheur et de salut. Certes, les demandes empressées du riche étranger, qui sait tenter Rose, ont pour but de semer en elle la confusion, de la posséder le plus vite possible. Les marqueurs temporels présents dans les expressions telles que «être à moi toute la veillée» (l. 67), «à moi pour toujours» (l. 67-68) et «rien ne pourra nous séparer à l’avenir» (l. 73-74) montrent l’insistance croissante et intense du séducteur. En outre, loin de se contenter des timides réponses de la jeune fille, il est prêt à jurer pour prouver la vérité de ses intentions et pour faire en sorte que chez Rose «le sang qui [coule] de sa main [soit] le sceau qui […] l’attache [à lui] pour toujours.» (l. 148-149) Cette image forte montre qu’il a su manipuler puis voler son âme, qu’il lui inflige cette marque de conquête terrifiante et honteuse pour le reste de son existence aux yeux des chrétiens, marque métaphorique qui fait d’elle une incorrigible «brebis égarée» (l. 164). On comprend, en fait, que l’étranger symbolise celui par qui le mal arrive sournoisement, mais sûrement, mal auquel il est difficile de résister.
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