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Civ. 1ère, 30 mai 2000, n° 98-15.242

Commentaire d'arrêt : Civ. 1ère, 30 mai 2000, n° 98-15.242. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  10 Octobre 2019  •  Commentaire d'arrêt  •  3 988 Mots (16 Pages)  •  3 801 Vues

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Civ. 1ère, 30 mai 2000, n° 98-15.242 

 

        « Qui ne perçoit pas et ne définit pas ses propres obligations ne peut ressentir la fièvre de l'autonomie et de la liberté ». Cette citation de Daniel Desbiens issue des Maximes d'Aujourd'hui est révélateur de l'intérêt sur lequel nous porterons notre attention dans le cadre de cette étude. Le contrat est formé par l'échange de consentements libres et éclairés. Le principe d'autonomie de la volonté domine et signifie que contracter est un acte de liberté. Dans la réalité cependant, des rapports de force, des contraintes sociales ou économiques peuvent influencer la volonté des parties au contrat. L’article 1130  du Code Civil dispose « L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. ». En droit français, la violence, qui consiste a exercer une contrainte sur l’une des parties pour l’obliger à conclure le contrat, est une cause de nullité. Le vice de violence évoque des pressions d'ordre psychologique qui sont de nature à affecter le libre arbitre de la personne qui contracte. Ces pressions peuvent découler de la domination économique d'un des contractants qui exploite de manière abusive la faiblesse de son partenaire: on parle alors de "contrainte économique". C'est ce sur quoi cet arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de Cassation en date du 30 mai 2000 attire notre attention.

En l’espèce, Monsieur X, assuré par le Groupe Azur a été victime d'un incendie survenu le 15 janvier 1991 dans le garage qu'il exploitait. Le 10 septembre 1991, il signe un accord pour fixer les dommages à la somme de 667 382 francs, dont, en premier règlement 513 233 francs, et en règlement différé 154 149 francs. Monsieur X demande par la suite l'annulation de l'acte en invoquant une transaction conclue sous contrainte économique. La Cour d'appel de Paris, dans une décision en date du 18 mars 1998 rejette la demande formée par Monsieur X en estimant que la transaction ne pouvait pas être attaquée pour cause de lésion, celle-ci ne constituant pas une cause de nullité en droit français, et le condamne à rembourser au Groupe Azur la somme de 154 149 francs avec intérêts. Un pourvoi en cassation est alors formé par l'assuré.
La question qui se pose au juge est alors de savoir si une transaction peut être attaquée pour cause de lésion ou de violence ? 

La Cour de Cassation, dans son arrêt en date du 30 mai 2000 casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel et renvoie les parties devant la cour d'appel d'Amiens. Elle estime en effet que « si la transaction ne peut être attaquée pour cause de lésion, elle peut l'être dans tous les cas où il y a violence et par suite en cas de contrainte économique, laquelle se rattache à la violence. » Elle relève également que la condition de délai de deux ans ne figurait pas sur l’acte du 10 septembre 1991 et donc que la cour d’appel a dénaturé les termes de cet acte.

Ainsi, la transaction pouvait faire l’objet d’une action en nullité, dans la mesure où la contrainte économique à laquelle était soumis l’assuré lors de la conclusion de l’acte litigieux était  non pas constitutive d'une lésion mais du vice de violence.

        La violence peut – elle résulter de circonstances extérieures ? Autrement dit, Une situation de dépendance économique peut – elle constituer le vice de violence propice à une annulation de transaction ?

         Pour répondre à cette question, nous analyserons dans un premier temps l'intégrité du consentement mis à mal dans le cadre de la pression d'une contrainte économique perçue comme vice de violence (I) puis nous nous intéresserons à la justification que donne la  Cour de Cassation dans cet arrêt par rapport à sa solution, mais qui fait face à certaines limites (II)

I – Une contrainte économique reconnue comme vice de consentement dans le cadre de la violence : une intégrité du consentement perturbée.

Lorsque la conclusion d'un contrat se retrouve influencée, l'intégrité du consentement est perturbée, notamment et surtout dans le cadre d'une violence économique. Pour agir en attaque d'une transaction, il faut se référer aux conditions exigées pour le recours au vice de consentement en cas de violence (A). Ces conditions sont d'autant plus accessibles au contractant dès lors qu'il est admis que cette violence ne résulte pas uniquement d'un tiers, mais également des circonstances dans lesquelles l'acte fut conclu (B).

        A)  Les éléments constitutifs de la violence et les conditions de recours au vice de         consentement

        Tout contrat suppose un équilibre dans les prestations des parties. La lésion est définie comme “le préjudice né du déséquilibre entre la valeur des prestations que reçoit ou doit recevoir un des contractants et la valeur de celles qu'il a fournies ou qu'il doit fournir à son cocontractant.” Ainsi,  le rééquilibrage des prestations est le fait que l’on considère qu’il y a vice du consentement, mais que le contrat reste valable alors que le consentement est vicié. Nous pouvons d'ores et déjà bannir cette notion de lésion de notre étude puisqu'il ne s'agit clairement pas en l'espèce d'une lésion.

Pour que le contrat existe,le consentement doit être libre et éclairé. Même si il y a violence , l'annulation du contrat n'est pas systématique, pour cause de principe de sécurité juridique. Pour qu'un vice annule le contrat, il faut que sans ce vice, une des parties n'auraient pas contracté ou contracté à des conditions différentes. La violence est une pression, une contrainte. L'article 1140 du Code Civil dispose « Il y a violence lorsqu'une partie s'engage sous la pression d'une contrainte qui lui inspire la crainte d'exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. » L'article 1142 du code civil précise que la violence est cause de nullité qu'elle ait été exercé par une partie ou par un tiers. Comme tout vice de consentement, la violence doit être déterminante et illégitime, cela signifie qu’elle doit avoir gravement perturbé le cocontractant. La jurisprudence a depuis un arrêt de la Chambre Commerciale du 20 mai 1980 admis qu'il y a violence que si cette violence est illégitime. Autrement dit, la violence n’est pas un vice du consentement si elle est légitime. Mais cette affirmation a soulevé de nombreux débats puisque cela supposerait alors qu' il existerait des violences légitimes. Par exemple, la menace d’exercer son droit est légitime. Par exemple, une entreprise est dans son droit d’arrêter toute fabrication de produit tant que son cocontractant n’aura pas régularisé la situation. Cette hypothèse de cessation est admis par la Cour de Cassation et n'est pas relative à une pression illégitime. Dans l'étude qui nous intéresse, en l’espèce, il s'agit bien d'une pression illégitime car celle-ci oblige l'assuré à faire quelque chose et est donc le fait pour le contractant de signer l'acte car il a peur des représailles.

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