Extension du domaine de la guerre

L’extension du domaine de la guerre

Un rapport du Secrétariat général de la défense et de la sécurité intérieure, traitant des risques liés aux progrès technologiques, estime qu’à l’horizon 2030 il sera question de robots tueurs et de missiles hypersoniques. Cette guerre du futur démontre avec acuité l’évolution constante du domaine de la guerre.

La guerre consiste en un affrontement armé entre Etats. Cette définition restrictive se justifie par la vocation pacificatrice de l’Etat en son sein. En effet, l’état de nature est un état de guerre de tous contre tous. Dès lors, l’Etat devient nécessaire pour assurer la sécurité, la paix, l’honneur et l’ordre entre les hommes qui se soumettent à ce contrat social. Cependant, si la définition de la guerre est restrictive, les conflits de puissance entre Etats n’en sont pas moins quasi-permanents, les conflits qui se sont succédés au cours du siècle précédent ont été les plus nombreux et les plus meurtriers de l’histoire de l’humanité. Les Etats modernes œuvrent alors à l’instauration d’une paix durable.

Toutefois, le défi de réduction du domaine de la guerre et d’instauration d’une paix durable est mis à mal puisque la guerre a subi une grande extension. Les guerres entre puissances politiques muent tout d’abord vers des conceptions plus idéologiques et culturelles, voire gagnent le domaine économique. Les conflits récents ont ensuite changé d’échelle. En effet, la guerre s’est élargie à des groupes interétatiques, comme en témoignent les guerres civiles ou les guerres d’indépendance. La guerre connait désormais une dimension universelle avec la lutte contre l’islamisme radical.  La définition de la guerre peut alors revêtir une conception plus large incluant les conflits entre personnes ou groupes ethniques. Les rapports sociaux se faisant de plus en plus conflictuels, il devient nécessaire de prévenir la guerre en réaffirmant la vocation pacificatrice de l’Etat.

Dès lors, comment le domaine de la guerre s’est élargi ? Comment prévenir l’état de guerre pour le préserver d’une extension toujours plus poussée ?

Si l’Etat moderne vise la restriction du domaine de la guerre pour asseoir une paix durable (I), la société contemporaine se heurte à une extension du domaine de la guerre (II). Il est alors urgent de prévenir la guerre pour endiguer l’extension de son domaine (III).

1.  La restriction initiale du domaine de la guerre en faveur de la paix

La construction de l’Etat moderne est fondée sur un rejet de la guerre de tous contre tous et le règlement pacifique des droits internationaux.

L’état de nature est fondamentalement hostile. Il s’agit d’une guerre de tous contre tous selon Hobbes (Léviathan). En effet, les individus sont l’expression d’un principe d’autoconservation et sont donc animés par la défiance et attaquent l’adversaire par anticipation. L’homme est donc un loup pour l’homme. L’Etat devient alors nécessaire pour assurer la sécurité de ses membres. Mais il faut un Etat fort pour que les hommes se plient volontiers au règne de ses lois (Machiavel – Le prince). L’Etat détient donc le monopole de la violence légitime (Max Weber – Le savant et le politique).

Si l’Etat permet de maintenir la violence en son sein, la guerre constitue donc un conflit de puissance entre plusieurs Etats. La guerre n’est pas une relation entre l’homme et l’homme mais entre l’Etat et l’Etat (Rousseau – Contrat social). Et la guerre entre Etats est alors une valeur absolue puisque l’histoire s’écrit à travers les batailles et les conflits deviennent de grands moments de la conscience collective. Il est possible d’observer que la guerre est quasi permanente dans nos sociétés, entre la guerre de cent ans, la guerre de trente ans, la guerre froide ou encore les deux guerres mondiales. Cet état conflictuel permanent engendre des horreurs qui deviennent insupportables et initie une volonté de règlement pacifique des droits internationaux pour asseoir une paix durable entre les Etats.

        Le refus de l’horreur marque les esprits de nouvelles valeurs de paix. Les valeurs essentielles de la société moderne sont la prospérité économique et l’amélioration des niveaux de vie. Dès lors, une paix durable est nécessaire pour éviter les déconstructions et les reconstructions perpétuelles qui entravent la progression de la société. Ainsi, émergent des valeurs communes à tous les hommes pour la lutte pour les droits de l’homme et la paix. Depuis 1961, Amnesty international œuvre alors pour promouvoir et faire respecter les droits inscrits dans la déclaration universelle des droits de l’Homme (1948). De même, les prix Nobel de la paix sont la récompense accordée à la personnalité ayant le mieux contribué au rapprochement des peuples, plutôt qu’à leur division, et à la propagation de progrès pour la paix. Mais les rapprochements les plus prégnants demeurent les organisations collectives à l’image de l’Union européenne ou de l’OTAN qui permettent une réduction indéniable du domaine de la guerre et œuvrent en faveur d’un règlement pacifique des différents internationaux. La guerre ne doit être conçue que comme l’ultime recours, afin de continuer la politique par d’autres moyens (Clausewitz – De la guerre) puisque la violence politique est considérée comme un échec de la raison par Kant. Le rôle de l’ONU est alors ici primordial pour asseoir une paix mondiale en fournissant une plateforme de dialogues entre les Etats.

        Si la volonté de l’Etat moderne est de réduire le domaine de la guerre à son minimum, la société contemporaine se heurte à une extension du domaine de la guerre.

1. L’extension contemporaine du domaine de la guerre  

Le domaine de la guerre a connu des évolutions tant au niveau de sa nature que de son échelle.

L’extension du domaine de la guerre touche d’abord sa nature.

Si le monde a connu de nombreuses guerres politiques, le 20ème siècle est marqué par des guerres davantage idéologiques. En effet, lors de la Seconde guerre mondiale, l’Allemagne nazie exalte le chef de l’Etat et la discrimination raciale et prétend instaurer un nouvel ordre. Cette idéologie s’étend à l’extermination des peuples, comme en témoignent les camps de concentration et d’extermination dont Martin Gray en a fait la douloureuse expérience (Au nom de tous les miens). Son livre retranscrit la tragédie qu’il a vécu lors de la Shoah en perdant sa famille assassinée dans des camps d’extermination de l’Allemagne nazie. La guerre froide constitue également une guerre idéologique opposant les partisans de la démocratie libérale aux fervents défenseurs du communisme soviétique. La particularité de cette guerre réside ici dans une opposition évitant l’affrontement direct. Les deux camps montrent alors leur puissance par le biais de la propagande exaltant les réussites de chacun des modèles.

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