Contrat administratif et loyauté
Dissertation : Contrat administratif et loyauté. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar makeu • 21 Février 2017 • Dissertation • 1 687 Mots (7 Pages) • 1 764 Vues
Edouard Laferrière, vice-président du Conseil d’Etat de 1886 à 1898, affirmait dans son Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux (1887), que « la matière des contrats est peut-être celle où les règles de compétence sont les plus complexes ».
En effet, tout d’abord, pour que le contrat soit administratif, l’un des signataires doit être une personne publique et des clauses exorbitantes du droit commun doivent être insérées dans le contrat. Ensuite, le contrat administratif n’est que secondaire dans les prérogatives de puissance publique, la première étant l’acte administratif unilatéral. L’acte émane d’une seule volonté, il n’est donc pas utile d’y consentir. Au contraire, le contrat incarne la rencontre de plusieurs volontés, il y a donc concurrence entre les parties et celles-ci doivent consentir au contrat.
Pour que le contrat se passe dans de bonnes conditions, la loyauté est primordiale. La loyauté désigne plus spécialement soit la sincérité contractuelle, dans la formation du contrat, soit la bonne foi contractuelle, dans l’exécution du contrat. Elle sert à assurer une certaine harmonie sociale, évitant ou maitrisant les conflits qui peuvent avoir lieu en son absence. Traditionnellement, la loyauté est envisagée comme une obligation à laquelle doivent se conformer les parties au contrat.
Cette notion a toujours été présente dans les contrats, mais suite à l’arrêt du Conseil d’Etat, 2009, « Commune de Béziers », elle a conquis une place plus importante en droit administratif. La loyauté peut être comprise comme un principe, ou directive d’interprétation, mis à la disposition du juge administratif. Elle devient alors un outil d’interprétation. Le juge administratif peut se prévaloir de « l’exigence de loyauté des relations contractuelles » pour vérifier si les irrégularités alléguées par les parties au contrat sont passibles d’être invoquées devant lui dans le cadre du recours de plein contentieux. Il détermine ainsi, au regard de cette exigence, si un vice affectant les conditions de validité du contrat entraîne ou non son annulation.
Comment, grâce au principe de loyauté, la position du juge a-t-elle évolué dans le cadre du contrat administratif ?
Pendant longtemps, le juge des parties au contrat n’était qu’un juge de nullité (I). Depuis quelques années avec le développement de la notion de loyauté, on assiste à une refonte des pouvoirs du juge (II).
I. La notion de loyauté discrète : le juge du contrat, seulement un juge de nullité
La pratique des recours formés devant le juge, par les tiers (A) et les parties (B), contre des contrats administratifs ont été sources de complexité et d’insécurité juridique.
A. Un contentieux complexe, signe d’insécurité juridique pour les tiers
L’élargissement des voies de recours ouvertes aux tiers a pu être source de complexité et d’atteintes excessives à la stabilité des relations contractuelles.
Dès le début du XXème siècle, dans l’arrêt de 1905, « Martin », remis en cause en 2014 par l’arrêt « Tarn-et-Garonne », le Conseil d’Etat a permis, d’une manière libérale, à tout tiers d’obtenir l’annulation pour excès de pouvoir des actes unilatéraux pris pour la passation ou l’exécution d’un contrat administratif - des actes dits « détachables ». Au cours des années 1990, une telle annulation a cessé d’être sans effets avec l’arrêt de 1998, « Ville de Lizieux » : « l’annulation pour excès de pouvoir d’un acte détachable n’est plus dépourvue de conséquences sur la vie du contrat, (…) elle est susceptible d’en affecter l’exécution, voire même de conduire à son anéantissement ».
Dans le même temps, dans l’arrêt de 1996, « Cayzeele », le Conseil d’Etat a admis, avec la même libéralité, que les clauses réglementaires d’un contrat administratif peuvent être contestées devant le juge de l’excès de pouvoir.
Les pouvoirs du juge du contrat ne permettaient pas non plus de proportionner la décision rendue à la gravité des vices relevés. Les relations contractuelles pouvaient ainsi être mises à néant sans nécessité. En outre, un intérêt pour agir insuffisamment rigoureux, combiné à un large éventail de moyens invocables, augmentait d’une manière déraisonnable la vulnérabilité des relations contractuelles.
B. Un contentieux complexe, signe d’insécurité juridique pour les parties au contrat
Dans les recours formés par les parties à un contrat administratif, des irrégularités pouvaient entraîner la disparition rétroactive du contrat. Combinée à un office trop restreint et trop mécanique du juge du contrat, cette situation a généré des risques nouveaux d’insécurité juridique.
En effet, les parties peuvent invoquer devant le juge du contrat les vices portant sur le choix du cocontractant, telle l’absence de mise en concurrence, mais également les irrégularités qui entachent le contrat lui-même : par exemple, le fait qu’il porte sur une matière dans laquelle l’administration ne peut contracter, comme la police administrative d’après l’arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat de 1932, « Ville de Castelnaudary ». Les irrégularités peuvent aussi entacher les conditions dans lesquelles la personne publique a conclu le contrat : les vices du consentement empruntés au droit civil, mais également des vices propres à la nature administrative du contrat, tenant par exemple à l’incompétence du signataire du contrat. Ainsi, les vices pouvant entacher le contrat administratif sont nombreux, ce
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