Quelle est la conception de l'honneur dans Le Cid

1. Quelle est la conception de l’honneur dans  ‘Le Cid’ de Pierre Corneille ? Répondez à cette question en mettant l’accent sur le dilemme cornélien et le conflit psychologique intense ainsi que la souffrance douloureuse de ses personnages principaux.

Pierre Corneille (1606-1694) est une référence de la littérature du Siècle des lumières (17ème).  Il est considéré comme étant ‘à l’ origine de la tragédie française classique (Peters, S. 2005).  ‘Médée’(1635), ‘L’Illusion comique’ (1636) ou encore ‘Polyceute’ (1643) sont autant de chefs-d’œuvre démontrant tout le génie de Pierre Corneille qui était admiré et envié à travers le siècle.

L’une des pièces les plus connues de Pierre Corneille  ‘Le Cid’.  Cette tragi-comédie, tirée d’une pièce espagnole de Castro ‘Mocedales del Cid’ fut le centre d’une polémique qui donna lieu à la ‘Querelle du Cid’.  Les puristes lui reprochaient de ne pas respecter les règles des trois unités de la tragédie.  Selon Scarlyn Wilson (1979), ‘Le Cid’ qui raconte les amours contrariés de Rodrigue et Chimène à la cour d’Espagne, met en exergue le Code de l’Honneur Espagnol.  Le thème de l’honneur est omniprésent tout au long de la pièce.

‘Le Cid’ est marqué par l’éthique féodale qui plaçait l’honneur par-dessus tout.  Le héros cornélien ne cherche jamais de compromis quand il s’agit de son honneur.  C’est une force qui régente la vie du héros.  Dans cette analyse, nous verrons, en premier lieu, comment l’honneur dans ‘Le Cid’ est le précurseur du dilemme cornélien.  En deuxième lieu, nous le verrons comme étant la source de conflits psychologiques et en troisième lieu nous verrons comment il plonge les personnages principaux dans de douloureuses souffrances.

Le dilemme cornélien surgit quand le héros se retrouve obligé de faire un choix.  Devoir et honneur vont de pair.  Le héros cornélien a des devoirs envers sa famille, son pays et sa maîtresse.  Il est évident que ces trois axes le place dans des situations où il se retrouve à choisir.  Peu importe le choix, ce sera toujours au détriment des deux autres.

Lorsque Don Diègue, le père de Rodrigue est nomme précepteur du fils du roi, cela contrarie Don Gomès, le père de Chimène.  Ce dernier, se sentant lésé par sa non nomination, humilie Don Diègue par un soufflet (Acte 1, scène 3).  Accablé par la vieillesse, Don Diègue sent sur lui le poids du déshonneur.  Pour lui, l’honneur perdu, le devoir n’a plus de sens.  Il dit dans son monologue (Acte 1, scène 4) :

« …mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ?

Compte, sois de mon prince, a present gouverneur »

Il veut laisser sa place au Compte car ayant maintenant perdu son honneur, il n’est pas digne de la responsabilité donnée par son roi.  Puisque  que son honneur est tombé dans un ‘précipice’, il doit choisir entre la mort et la vengeance.  Don Diègue va alors partager ce déshonneur avec son fils Rodrigue, malgré le fait qu’il sache sa passion pour Chimène. Fin psychologue, il joue la carte du devoir.  Il lui impose le poids de son affront en disant que ‘l’honneur de tous deux’ (Acte 1, scène 5) est sali.  Il fait comprendre à son fils que l’honneur aussi bien que le déshonneur se transmet comme un patrimoine.  Il dit :

« Venge-moi, venge-toi ;

Montre- toi digne fils d’un père tel que moi. » (Acte 1, scène 5)

Rodrigues se retrouve plongé dans un dilemme cornélien.  Il se doit de venger son père mais en faisant cela il perdra Chimène.  Dans son monologue dans la Scène 6 de l’acte 1, il dit :

« Il faut venger un père et perdre une maîtresse ».

L’amour du héros pour Chimène est aussi important que son devoir envers son père.  Le choix qu’il doit faire changera le cours de sa vie.   Il sait toutefois que le choix qu’il fera aura un sacrifice comme conséquence.  Il dit :

« Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,

Ou de vivre en infâme

Des deux côtés mon mal est infini. » (Acte 1, scène 6)

Chimène fait face elle aussi à un dilemme.  Son devoir filiale envers son père la met maintenant dans un situation cornélienne.  Rodrigue ayant tué son père, elle doit le venger.  C’est le seul moyen de laver le déshonneur qui est maintenant sur sa famille.  Elle réclame la mort de son amant.  Elle dit :

« Et quoi que mon amour ait sur moi de pouvoir,

Je ne consulte point pour suivre mon devoir :

Je cours sans balancer ou mon honneur m’oblige. » (Acte 3, scène 3)

Chimène aussi conçoit l’honneur comme étant par-dessus tout, même de son bonheur.  Elle fera son devoir même si cela veut dire perdre l’homme qu’elle aime.

Ainsi nous voyons que l’honneur dans ‘Le Cid’ mène les personnages à faire des choix qui ne sont pas guidés par le cœur.  Dans le combat entre l’amour et l’honneur, c’est ce dernier qui prime.

A travers la pièce, on voit à quel point ce poids du devoir et de l’honneur est la cause de conflit psychologique intense chez ceux ayant un choix à faire en sacrifiant quelque chose.  

Au moment de faire son choix, Rodrigue a l’âme troublé. Il pèse le pour et le contre.  Trouver la solution s’avère dur d’abord.  Il est en proie à un conflit intérieur que lui seul peut résoudre.  Il y a un conflit d’intérêt.  Il déclare :

« Je dois à ma maîtresse aussi bien qu’à mon père ». (Acte 1, scène 6)

Les pensées conflictuelles de Rodrigue sont bien dépeintes dans son monologue. Ce dernier montre la progression de ses pensées qui l’amène à la fin à prendre sa décision finale.  Il consulte son cœur et sa raison. L’un le pousse à choisir de sauver l’honneur et l’autre à préserver son amour.

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