Dialogue entre Voltaire et le chevalier de Rohan

Voltaire et Rohan ne s'apprécient guère.

On raconte même qu'ils auraient eu une altercation un soir à la Comédie Française dans la loge d'Adrienne Lecouvreur. Le chevalier de Rohan, jaloux du succès de Voltaire auprès de la comédienne, aurait prononcé quelques paroles devant celle-ci pour faire valoir la haute nobless face au roturier.

Dans cette discussion, Voltaire et Rohan argumentent leur vision par rapport aux contes philosophiques. Voltaire, en écrivant, dans sa chambre, voit Rohan arriver. Il prend la parole :

- Tiens, Chevalier de Rohan. En voilà un moment que je ne vous avais plus vu. Que faites-vous là ?

- Mon cher François-Marie Arouet, votre présence m'avait manquée, dit-il avec ironie. Je suis venu vous faire part de mon point de vue sur vos contes philosophiques.

- Mais je n'ai que faire de votre avis mon ami, répondit Voltaire avec un sourire narquois.

- Je compte vous le donner tout de même, je juge cela important. Pour moi, vos contes philosophiques ne servent qu'aux enfants.

- Puisque vous insistez, je vais vous répondre. Comme vous n'avez pas l'air très informé, je vais vous rafraîchir la mémoire. Les contes philosophiques sont des mises en scène des aventures de personnages humains bien définis mais irréels. Ils font appel au merveilleux, à l'exotisme et à l'ironie.

- C'est ce que je dis : les enfants aiment le merveilleux, l'irréel. Vos contes ne sont lus que par des enfants je vous l'en assure.

- Les contes sont destinés aux enfants. Les contes philosophiques c'est un autre cas. Ils cherchent à éduquer le lecteur en lui plaisant, en lui imposant une réflexion plus ou moins approfondie. Le lecteur doit donc réfléchir lui-même et se forger sa propre opinion, ce qui développera son esprit critique.

Les enfants ne peuvent réfléchir tels des adultes.

- Mais la morale est trop souvent implicite, et les lecteurs n'ont pas forcément envie de réfléchir sur le texte pour savoir ce qu'il veut réellement montrer, dire, défend Rohan.

- Elle suscite l'imagination du lecteur, elle veut le conduire vers la sagesse et l'aider à devenir quelqu'un de meilleur en lui donnant une leçon par la critique des mœurs et de la société actuelle, répond Voltaire.

- Foutaises ! Foutaises ! Le lecteur a souvent tendance à se focaliser davantage sur l'histoire et, pris dans l'action et dans l'irréel, il en oublie le véritable sens ! s'écria Rohan.

- Vous ne le savez sûrement pas, mais les contes philosophiques permettent une popularisation de la philosophie car, accompagnée du conte, tout le monde peut y accéder et mieux comprendre le texte.

- Mais vous ne comprenez pas que les contes philosophiques ne sont pas pris au sérieux car ils s'éloignent trop de la réalité. En effet, tout le monde peut y accéder, mais pas tous sont capables de comprendre le texte et de saisir la morale de l'histoire.

- La plupart des lecteurs sont capables de comprendre la morale cachée derrière l'histoire.

Un conte philosophique est une synthèse entre une littérature d'amusement, qui est de distraire, et une littérature d'idées, qui est de faire réfléchir, de critiquer.

...