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Analyse linéaire : L' Etranger de Camus

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Par   •  19 Mai 2022  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 763 Mots (8 Pages)  •  1 078 Vues

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FICHE TEXTE 15 OE3

Dans cet extrait, le narrateur nous fait partager un instant d’insouciance qui sera mal interprété par la personne avec qui il le partage. On retrouve ici l’amertume de l’incipit : la difficulté à vivre avec les autres , à s’extraire de leur jugement et le fait de privilégier la sensation aux sentiments, faute d’être capable de bien le cerner ou le restituer.

Nous allons prouver que tout commençait comme une scène empreinte de légèreté et de sensualité mais se clôt sur un constat d’un affreux pessimisme qui condamne le narrateur à une solitude terrible : celle qui ne se vit que parmi les autres. 

Nous verrons ainsi en quoi cette scène s’apparente à une scène de rencontre amoureuse mais sans idéalisation de l’être ‘’aimé’’ puis comment elle signe l’irréductible solitude du narrateur, condamné à essuyer le jugement des autres.

Cette scène reprend les  topos de la rencontre amoureuse tout en les détournant un peu. Tout d’abord, dans les romans, la scène de rencontre amoureuse est souvent un moment suspendu qui arrache le narrateur à son ennui, à sa désolation et l’on retrouve un peu de cela dans cet extrait. En effet, le narrateur nous arrache d’emblée à tout ce que pourrait avoir de sinistre un lendemain d’enterrement, comme pour masquer ce moment et le remplacer par un autre plus agréable. C’est comme si le narrateur voulait s’engluer dans le présent, tremplin vers un avenir qu’on souhaite entrevoir  le plus vite possible et la chronologie des événements s’enchaîne comme si le narrateur ne voulait pas se laisser le temps de la réflexion  . L’énonciation reste en effet très proche des actions relatées, comme en témoigne l’emploi massif du passé composé  qui exprime des actions passées en lien avec le présent de l’auxiliaire ( « j’ai eu de la peine à me lever » (l. 1),  « j’ai pris le tram » (l. 3), « j’ai plongé ») pour les actions de premier plan, en alternance avec l’imparfait pour composer un arrière-plan  : «  Là j’ai plongé dans la passe. Il y avait beaucoup de jeunes gens. » (l. 4). C’est ce choix du discours qui donne l’impression au lecteur que les événements se déroulent dans le présent de la lecture, comme si ces actions n’avaient pas plus d’importance que si elles s’enchaînaient de nouveau dans leur grande banalité et que seul importait la rencontre fortuite et merveilleuse que cette succession d’actions rendra possible .

De plus et à partir de là, on se prépare à un coup de foudre, à un amour au premier regard, à une forme d’affinité élective qui sonne comme une évidence. Ici, même si la femme n’est pas une inconnue et qu’elle nous est présentée dans sa trivialité (côté ordinaire voire vulgaire, au sens de banal et même grossier si ça renvoie à des besoins primaires) et en excluant tout phénomène Stendhalien de la ‘’cristallisation’’* (ce n’est qu’ une dactylo qui avait su -plus que parfait de retour en arrière /passé qui sonne comme révolu désormais- réveiller son désir sexuel), la rencontre avec Marie Cardona apparaît ainsi comme une suite naturelle à son envie d’aller se baigner, en lien avec un passé indéterminé («  à l’époque », l. 6) C’est ce qui explique à la fois la connivence rapide qui les réunit – sensuelle avant même toute parole rapportée, « j’ai effleuré ses seins  » (l.  5-6)  – et l’absence du portrait de Marie qui aurait figuré dans ce topos romanesque s’il s’était agi de leur première rencontre.

Enfin, cette scène est d’une grande sensualité.  De Marie, on apprend rien de plus que son nom, son prénom et sa profession, ce qui importe d’elle c’est son corps, évoqué au fil des perceptions de Meursault et d’un instantané (à l’imparfait de description) qui la représente riant les cheveux dans les yeux (l. 9-10). L’image de Marie se construit donc au travers des sensations qui caractérisent cette scène de baignade, relevant de la sensualité du jeu amoureux, de la beauté et de la quiétude du paysage qui les entoure : « il faisait bon » (l. 10), « j’avais tout le ciel dans les yeux et il était bleu et doré » (l. 12), « quand le soleil est devenu trop fort [...] nous avons nagé ensemble » (l. 14-16). Très vite, les corps sont pris dans un engourdissement qui réduit peu à peu Marie à son  ventre où se réfugie Meursault en se couchant dessus , en savourant la chaleur, l’environnement liquide et en se laissant bercer par les battements, du ventre et non du cœur. Ainsi est reconvoqué sans qu’on le dise explicitement son lien avec sa mère défunte dont il ne dit rien. La scène peut alors se charger d’une toute autre signification, ce besoin de contact, de chaleur, de repos peut se lire comme celui d’un enfant qui, perdant sa mère, regrette le paradis de sa vie intra utérine, qui lui permettait de ne pas être exposé trop tôt à un monde hostile. Ceci anéantit alors toute la force sensuelle de cette scène et l’insistance sur le ventre et les seins de Marie se comprend autrement. Ainsi, tout concourt à faire de cette scène l’évocation d’une rencontre plus sensuelle qu’ amoureuse.

         Pourtant, quand la scène de baignade, heureuse et gaie, s’achève  ( à cause de l’ardeur du soleil qui fait se lever Marie que suit Meursault) et que le dialogue s’engage dans une continuité badine (montrant à demi-mot un jeu de séduction par la complicité intime qu’elle instaure), avec la comparaison que fait Marie de leur bronzage : « je suis plus brune que vous. » (l. 17-18), sorte d’invitation sensuelle, qui donne à l’ensemble une tonalité joyeuse en harmonie avec cette jeune femme dont on souligne le rire (« elle a encore ri », l. 19) et le goût pour les films comiques, cette situation va vite dégénérer . On voit d’abord que le couple garde ses distances : Meursaut invite Marie et elle lui répond au DI mais jamais il n’est question vraiment d’un rendez-vous amoureux (il s’agit d’aller voir un film, d’avoir envie de voir Fernandel , en général, sans qu’ait été exprimé le plaisir de le faire ensemble à un moment précis).

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