Le sport, un dépassement de soi ?
Fiche : Le sport, un dépassement de soi ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Lenaïg Guillerme • 11 Septembre 2023 • Fiche • 1 614 Mots (7 Pages) • 524 Vues
Corpus de Séquence 1 – Le sport, un dépassement de soi ?
DOCUMENT 1 : Extrait de Fief de David Lopez
Jonas habite dans une petite ville coupée en deux. Deux collines qui se font face : d'un côté les tours, de l'autre le quartier résidentiel et ses maisons luxueuses. Jonas et ses potes sont "des pavillons". Ni de la cité, ni des quartiers chics. Jonas vit seul avec son père. Côté boxe, il essaie de satisfaire son entraîneur, mais il n'a pas suffisamment la niaque pour percer.
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Laisse le sac, dit monsieur Pierrot. J’ai déjà entendu cette phrase des milliers de fois. J’en remets un petit coup, parce que ça me démange. Je prends une claque derrière la tête pour ma désobéissance et rappelle à monsieur Pierrot qu’en boxe on n’a pas le droit de frapper là. Ça le fait marrer. C’est fou l’amour qu’il arrive à donner en traitant les gens comme de la merde. Il m’en lance une deuxième et celle-ci je l’esquive, et on se quitte sur un sourire quand je me mets à trottiner pour initier l’échauffement. Tout le monde me suit.
On commence par les bras, on envoie des directs en trottinant, on fait toujours tourner les épaules. Il y a des miroirs partout, je m’en sers pour regarder derrière moi et vérifier que chacun suit mes directives. Il est narcissique le boxeur. Il passe des heures à boxer devant la glace, à se scruter à la recherche de la bonne gestuelle, celle qui ne laisse aucune ouverture, qui permet d’aller toucher sa cible. Et à mesure qu’il la trouve cette gestuelle il y prend goût, les courbes que dessine un crochet gauche, suivi d’un uppercut, il admire l’expression que ça donne au corps, cette puissance que ça dégage, la beauté de cette violence déployée, fluide, le mouvement rendu parfait, perpétuellement répété. Et il se regarde, il se voit atteindre cette osmose entre la tranquillité de l’esprit et la violence du corps. C’est ainsi qu’il arrive à dissocier la haine de la volonté de faire mal. Ainsi qu’il accepte la douleur. Ainsi la défaite.
David LOPEZ, Fief, 2017
DOCUMENT 2 : Jean-François Dortier, Après quoi tu cours ? Enquête sur la nature humaine, 2016
Jean-François Dortier est un sociologue français. Il est l’auteur de nombreux articles de vulgarisation scientifique sur les sciences cognitives, la philosophie, la sociologie, etc.
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Pourquoi s’engage-ton dans un sport ? Et pourquoi persiste-t-on ?
Une des explications les plus en vogue dans le domaine est la théorie de l’autodétermination (TAD) d’Edward Deci et Richard Ryan, deux éminents psychologues de l’Université de Rochester (État de New York). Cette théorie a pris corps sur l’effet négatif des récompenses sur la motivation. Contrairement à la théorie de la carotte et du bâton qui voudrait que les gens agissent […] pour obtenir des récompenses ou éviter des sanctions, cette théorie stipule que la motivation principale vient du plaisir intrinsèque de réaliser telle ou telle activité. À l’école, les élèves ne s’impliquent vraiment dans une matière […] que s’ils y trouvent goût et pas simplement pour obtenir de bonnes notes. Au travail, les gens préfèrent gagner moins mais faire un job qui leur plaît plutôt que l’inverse. En sport, même si une belle récompense vous tend les bras (courir pour perdre trois kilos avant l’été), il y a peu de chances que vous vous imposiez cette épreuve si la course ne vous plaît pas.
La théorie de l’autodétermination pourrait se résumer à une formule : « Je cours parce que j’aime ça. » Cette distinction entre motivation intrinsèque (agir pour le plaisir) et extrinsèque (pour la récompense) a connu un succès important et s’est répandue dans les cours de psychologie. Mais au fil du temps, l’opposition intrinsèque/extrinsèque s’est révélée bancale dans certains cas. Dans la plupart des sports par exemple, la motivation intrinsèque (la recherche du plaisir) est très liée à la recherche de récompenses. Un amateur de tennis qui ne connaît aucune réussite et perd tous ses matchs ne va pas s’accrocher longtemps. La course à pied appelle aussi des récompenses (ou « motivation extrinsèque ») qui ne sont pas négligeables : on court aussi pour perdre des calories, pour se maintenir en bonne santé, pour accomplir des défis personnels (courir 5 kilomètres, puis 10 kilomètres) qui renvoient à des gratifications morales […].
Finalement, E. Deci et R. Ryan, ayant pris conscience de cette difficulté, ont abandonné la distinction entre motivation intrinsèque et extrinsèque au profit d’une distinction entre « comportement autonome » et « comportement contrôlé » : « La motivation autonome consiste à se comporter selon son propre gré et ses propres choix, tandis que la motivation contrôlée consiste à se comporter en fonction de pressions et d’exigences de résultats spécifiques provenant de forces perçues comme externes à soi-même. » Autrement dit, ce qui compte dans la motivation n’est pas tant que j’agisse (courir, étudier, travailler) en fonction d’une récompense ou pour le plaisir, mais que cela vienne de moi. Agir de façon autonome, de mon propre chef : voilà l’un des ingrédients principaux de la motivation.
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