Dissertation de philosophie sur: revient-il à l’État de décider de ce qui est juste ?
Dissertation : Dissertation de philosophie sur: revient-il à l’État de décider de ce qui est juste ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Delphin78 • 14 Mars 2023 • Dissertation • 2 762 Mots (12 Pages) • 525 Vues
À celui qui nous demanderait s’il revient ou non à l’État de décider de ce qui est juste : nous pourrions répondre par un étonnement. D’emblée, on serait amené à lui reconnaitre ce pouvoir décisionnaire en raison de sa prééminence, de son importance. Il est légitime à décider de ce qui est juste, car c’est une organisation juridique, judiciaire et politique qui occupe des fonctions dites « capitales ». Il assure premièrement la sécurité de tous sur un territoire donné qu’il administre légitimement. Il veille secondement au respect des lois. Quand on songe à l’État, c’est la figure du juge, rendant la justice en conformité au droit positif qui émerge. L’État en cela, décide, c'est-à-dire énonce, promulgue des principes, des règles capables d’assurer le maintien de la société. La justice donc est nécessaire et même capitale en ce qu’elle permet à l’ensemble des partis qui compose la société de faire « corps ». Mais l’on nous demande ici s’il « revient » à l’État de déterminer ces principes de justice : comme s’il nous était possible, au regard de faits, de lui dénier ce droit. Est-ce là son rôle de décider de ce qui est juste ? Peut-il « décider » lorsqu’il est affaire de justice ? Le sujet nous amène à nous demander si ce droit, ce pouvoir décisionnaire relève exclusivement de l’État et s’il est en mesure d’être toujours juste. La justice n’est-elle qu’affaire d’État ? Nous répondrons à cette question en trois temps. Il s’agira dans un premier temps de démontrer que l’État, en raison de son rôle, est pleinement légitime, a le droit de déterminer, de décider de ce qui est juste. Nous objecterons secondement en relevant le caractère « faillible » de l’État et en nous demandant s’il n’y a de justice que dans un État. Finalement, nous montrerons que si l’on en regarde à la nature même de l’État, une impossibilité pratique intrinsèque à sa composition l’empêche de décider convenablement de ce qui est juste.
Tout d’abord, l’Etat, en raison de son rôle, est pleinement légitime, a le droit de déterminer, de décider de ce qui est juste ou non.
C’est justement l’État qui dans la société est le garant de la justice et du bon ordre. C’est dans un climat de guerre civile en Angleterre que le philosophe Thomas Hobbes écrit le Leviathan. C’était une « guerre de tous contre tous » nous dit-il. Dans cet état fictionnel qu’il théorise, Hobbes affirme que l’insécurité, la violence dans tout ce qu’elle a de paroxystique et l’intolérance régnaient. Il reprend d’ailleurs la citation de Plateau en affirmant : « l’homme est un loup pour l’homme ». Dans cet état-là, il n'y avait pas de justice, seulement de l’injustice. La situation devenant insupportable, les hommes décidèrent, d’un commun accord, d’abandonner leur liberté naturelle pour gagner en sécurité. Cela s’est fait par la signature d’un contrat passé avec un souverain, un dirigeant suprême qu’est le « Leviathan ». Désormais, c’est lui qui rendra justice, qui déterminera ce qu’il est bon ou non de faire afin de pallier l’impossibilité qu’il y a pour le particulier à remplir cette tâche lui-même. Il agit donc au nom de l’intérêt général. Il revient donc à l’État de décider de ce qui est juste, légal et autorisé en ce qu’on lui reconnait ce droit : il est légitime à le faire. Nul autre que lui ne saurait remplir cette fonction.
Non seulement il est légitime à déterminer ce qui est juste, mais il dispose en plus du pouvoir et d’un cadre propice lui permettant de faire cela. Dans l’Esprit des lois, Montesquieu affirme qu’un État juste, idéal ou le despotisme et l’abus de pouvoir ne seraient pas, doit reposer nécessairement sur la séparation des pouvoirs. Le pouvoir législatif permet de légiférer par la création, la proposition de lois nouvelles. Le pouvoir judiciaire permet à ceux qui le détiennent (les juges) de rendre justice en appliquant strictement le droit positif. L’exécutif (ici le gouvernement) se charge quant à lui d’exécuter ces mêmes lois, de veiller à une stricte application. L’État donc, de par son organisation, les pouvoirs, les pouvoirs qu’on lui reconnait (parmi lesquelles la justice) est en mesure, à la capacité de déterminer ce qui est juste ou non. Qui d’autre que l’Etat pour occuper une pareille fonction ? C’est une puissance qui dispose de la force nécessaire pour non seulement édicter des principes de justice, mais aussi pour veiller à leur juste application. À quoi bon décider de ce qui est juste si on n’a pas une police pour veiller au respect de cette même justice ? Nos sociétés démocratiques actuelles reposent sur le système de tripartition formulé par Montesquieu dans l’Esprit des lois. Les juges rendent une justice préalablement décidée et les forces de l’ordre (parfois même l’armée) sont là pour intimer le bon respect de ce qui a été défini comme étant « juste ». L’État donc, en raison du rôle qu’il tient dans la société, de son organisation et de la puissance dont il dispose, est légitime à déterminer ce qui est juste ou non. Il agit au nom de l’intérêt général et les particuliers lui font confiance, s’en remettent à lui pour déterminer de ce qui est bon ou non. Néanmoins, l’État a beau être puissant et fort, il ne faut pas oublier qu’il n’est pas infaillible. Nous serions ainsi dans l’erreur si nous affirmions que ce pouvoir décisionnaire lui est entièrement intrinsèque.
Cependant, le caractère « faillible » de l’État et parfois même son incompétence nous font nous questionner sur la possibilité qu’il y a pour lui à décider de qui est juste et par-dessus tout à appliquer cette même justice.
Il est en effet des situations, des moments où l’État lui-même se livre à l’injustice. L’exemple parfait est ici le cas d’Alfred Dreyfus. Dreyfus est juif et Alsacien, à la fin du 18 ème l’État Français l’accuse d’ « intelligence avec l’ennemi ». Dreyfus passe devant un tribunal qui le condamne malgré l’incohérence intrinsèque à l’affaire. Il est alors destitué de sa fonction et expédié dans un bagne en Guyane « l’ile du diable ». Le problème ici, c’est que Dreyfus est en réalité innocent. Les lettres échangées avec le camp adverse ne viennent pas de lui, mais de quelqu’un d’autre et cela, la justice Française le savait. Pourquoi donc n’a-t-elle pas reconnu son innocence ? C’est tout simplement qu’il y avait un risque pour elle à le faire, car l’armée, outragée dans cette histoire, aurait très bien pu se rebeller contre le pouvoir en place si la défaillance du système judiciaire français venait à être révélée. Elle a ici agit au nom du principe que l’on nomme « la raison d’État ». En des circonstances particulières, l’État peut outrepasser le droit positif, se montrer injuste lorsqu’il se juge menacé dans son intégrité. En sacrifiant Dreyfus, il se protège lui-même et veille à la pérennité du « corps social ». Il revient ainsi à l’État de décider de ce qui est juste, mais il n’applique pas toujours les principes de justice. Un autre exemple pourrait nous amener à douter de la possibilité qu’il y a pour un État à être juste réside dans Antigone de Sophocle. Le roi Créon, oncle d’Antigone, se refuse à mettre dans la sépulture le corps de Polynice, frère d’Antigone, mort dans sa quête du pouvoir. Antigone désobéit à l’ordre de Créon et met son frère en terre : elle est alors condamnée à mort. « Nul n’est au-dessus des lois » affirme créon après la condamnation. Son acte ici obéit aux lois, mais est considéré illégitime et donc injuste en ce qu’il dévoit une justice dite « divine » qui recommande pourtant la sépulture pour chaque mort.
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