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Pippo Delbono. Le Corps De L'acteur. (ou La nécessité De Trouver Un Autre Langage), Six Entretiens Romains Par Hervé Pons

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Par   •  19 Juin 2013  •  10 300 Mots (42 Pages)  •  1 741 Vues

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Introduction

Ce fut une épopée de géants. Nous la vécûmes en fourmis. Nous triomphâmes ainsi. Succès par la porte basse. Mais une altération en nous, après des années écoulées, s aggravant sans cesse, nous avertit présentement de lafaille qu’en géant ilfallait surmonter, désormais dans nos organes installée, étrangement petite encore, mais gran¬dissant posément, pour le dérèglement définitif de tout notre être en vain livré aux regrets.

Henri Michaux, « La Faille » in La Vie dans les plis.

« Je suis fait de contradictions et mon théâtre est pétri de contradictions, parce que j’ai peur des mé¬thodes qui peuvent faire oublier la vie. »

Théâtre de l’altérité, de la faille, de la marge, théâtre-handicap à la frontière entre l’art et la vie, théâtre d’images, concert rock, plan-séquence sur la misère humaine... Les qualificatifs, du pire au meilleur, pleuvent sur le théâtre de Pippo Delbono comme si l’enjeu était de définir cet encore indéfini là. Ne faudrait-il pas toutd’abordqu’il veuille bien se laisser définir ? Il y aurait comme un essaim de définitions possibles sans qu’aucune ne puisse, à elle seule, recouvrir toutes les propositions mises enjeu dans le théâtre de Pippo Delbono. Optons pour un théâtre de la contradiction. Un théâtre professionnel qui se rêve amateur, un théâtre amoureux qui montre la violence, un théâtre de l’humanité qui emprunte ses chemins de traverse. Un théâtre qui échappe à toutes définitions et ainsi se garde de délivrer des dogmes.

Ainsi, ces six entretiens romains, ne pouvaient que naître d’une contradiction.

Tard dans la nuit, à la Chartreuse de Villeneuve- lez-Avignon en juillet 2002, alors que j’expliquais à Pippo Delbono, que j’avais été incapable d'écrire un article sur son spectacle Guerra parce que j'étais trop bouleversé, il m’a demandé de suivre son travail et... d’écrire.

Depuis, du Havre à Calais, de Rome à Arles, j’ai suivi la compagnie pour assister à tous les spectacles et aux stages. Quant au projet d’écriture, il s’est imposé dès le début, comme une « réflexion » sur l’art de l’acteur. Outre les moult péripéties autobio¬graphiques déjà amplement racontées dans divers ouvrages, notamment Mon théâtre , Pippo, à l’occa¬sion de ces entretiens, avait envie de s’attacher plus spécifiquement au travail de l’acteur.

« J’ai choisi de réfléchir à une autre façon d’envi¬sager l’art de l’acteur car mon parcours avec la compagnie m’a amené à travailler différemment avec les acteurs. »

Votre théâtre se situe à la frontière entre l'art et la vie, d'Il Tempo degli assassini (Le Temps des assassins) à Gente deplastica (Gens de plastique), il s’agit d’un travail essentiellement basé sur le corps. Pourquoi revendiquez- vous telle nécessité alors que de manière générale le théâtre occidental est plutôt celui du texte, de la langue et de la psychologie ?

PIPPO DELBONO. - Je ne revendique rien, par contre je peux raconter et transmettre mon parcours. Dès mes premières expériences scéniques, et notamment d'il Tempo degli assassini, ma recherche s’est basée sur les principes dramatiques qui peuvent être expri¬més par le corps. Il ne s’agit pas de la quête d’une virtuosité physique, acrobatique ou contorsionniste, mais d’une recherche de la force interne à chaque mouvement. Cette quête est le fondement du training et de réchauffement que j’ai pratiqués pendant pres¬que vingt ans. Un principe du travail de l’acteur qui a été nourri par mon parcours personnel que j’ai essayé de faire connaître lors de stages, mais je ne souhaite plus en faire pour le moment, je préfère raconter mon histoire en évoquant mes choix techni¬ques, car je ne souhaite pas créer de méthode et éditer des dogmes sur la façon dont doit se comporter un acteur sur le plateau. Lorsque le travail devient mé¬thode c’est la mort du théâtre, de la vie. C’est le théâtre bourgeois.

Au cours de ma vie d’artiste, j’ai été confronté a différentes formes d’art, notamment le théâtre asiati¬que que j’ai beaucoup aimé. Un travail basé sur le corps et son étude afin de parvenir à tisser un réseau de contradictions à l’intérieur du corps pour que la majeure partie des mouvements effectués en soit le fruit. Il s’agit d’un travail technique précis et méticu¬leux des mains, des pieds, de la tête, du bassin, qui permet de trouver dans son corps les contradictions énergétiques nécessaires à la vitalité théâtrale.

À partir de cette recherche fondamentale s'inven¬tent un certain nombre d’exercices qui permettent de trouver l’énergie qui prend sa source à l’intérieur du corps, au niveau de la colonne vertébrale, des lom¬baires. Je cherche à isoler mes différents flux énergé¬tiques, à les canaliser et à me les approprier. Ces exercices sont d’une grande simplicité : sauter en tentant de se servir de cette force-là, pousser un mur, non pas avec la force des bras mai s avec celle du dos...

J’ai commencé ce travail il y a plus de vingt ans et je continue de m’en servir. J’ai trouvé dans mon bassin, à la chute de la colonne vertébrale, la néces¬sité de ma présence sur un plateau de théâtre. Ce n ’est pas pour rien que la médecine chinoise et d’autres aussi s'intéressent essentiellement aux mêmes zones. L’énergie vitale s’y concentre. C’est là que réside ma pensée.

Le training, réchauffement et votre travail d’acteur qui en découle, s’articulent ainsi autour de cette quête de l’énergie, de la pensée du corps.

Oui, une fois l’énergie domestiquée, réchauffe¬ment se construit, petit à petit, autour des différentes parties du corps : la tête, le dos, l’estomac, les jambes. Je tente de dissocier mes membres afin que chacun devienne indépendant. C’est un moment im¬portant du travail. La tête, le dos, la main, trouvent leur propre autonomie énergétique. Le ventre est le plus important et demande le plus de concentration et de travail.

Une fois cet exercice de base effectué et un peu éprouvé, une autre tâche s’annonce : chercher dans le corps des principes dramatiques proches des prin¬cipes théâtraux. Grâce à une série d’exercices fondés sur des changements de rythme :

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