Quel est le rôle du designer ?
Dissertation : Quel est le rôle du designer ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Mathou Rouch • 19 Mars 2020 • Dissertation • 2 981 Mots (12 Pages) • 894 Vues
C.W.Mills a pu parler du design comme d'un « man in the middle », que l'on a traduit par « l'homme pris entre deux feux » ; Robin Kinross fait échos à cette expression en lui préférant la formule de « l'homme de la marge ». Cette formule pourrait se comprendre de diverses manières : le designer serait-il une personne dont le rôle vient en complément ? Une personne intervenant en marge des projets car possédant des qualités de généraliste peu reconnues ? Ou bien une personne en marge de plusieurs disciplines telles que l'industrie, la politique, l'art, la production,... car à leur exacte croisée ?
Cela pose d'abord la question de ce qu'est fondamentalement le design. Un designer va travailler sur les frontières de beaucoup de domaines, il en est donc en marge car il n'en est pas spécialiste, il y prend seulement part d'un point de vue global, comme si chacun d'eux était un maillon du processus de création, production, commercialisation du produit.
Le designer devrait-il donc être consulté dès le fondement d'un projet pour en éviter les contradictions ou les erreurs ? La place du designer devrait-elle se trouver aux sources, et non plus justement à la « marge » ?
Le design est une pratique reliée au quotidien, produisant l'action modeste d'influer sur nos attitudes quotidiennes. Il observe, analyse, et fait appel à la réflexion pour envisager un monde meilleur car plus pratique, plus intuitif, plus naturel en quelques sortes. Ces éléments forment la base de ce que l'on pourrait décrire comme étant la vocation du métier de designer. Mais cette discipline restant encore très floue, de nombreux théoriciens ont tenté à plusieurs reprises de définir quel est le rôle du designer. Comment se positionne-t-il par rapport à la commande ou par rapport à ses activités ?
Le design prenant sa source dans l'industrie, il paraît normal qu'il soit intimement relié à la production de masse. Mais de nos jours, comment le designer peut continuer à prétendre travailler pour un monde meilleur pour tous alors qu'il participe au développement de cette société de consommation devenue problématique? Nous verrons donc en premier lieu quels sont les rôles du designer lorsqu'il sort de sa discipline pour s'engager plus particulièrement dans un domaine qui le constitue : un design d'institution, un design auteur, industriel, universel, local,... pour ensuite nous intéresser à son rapport ambigu au marché et à la place qu'il y occupe et qu'il devrait y occuper.
Le designer est à la croisée de plusieurs disciplines, ce qui le rend difficile à définir. De plus, depuis la fin des grandes idéologies tel que l'étaient les modernes, les démarches se multiplient et rendent l'identification du design d'autant plus complexe. On pourrait même presque dire qu'il existe une pratique du design différente pour chaque designer.
Charles et Ray Eames se sont par exemple plus engagés sur la voie de l'exploitation des matériaux moulés, qui offrent de nouvelles possibilités techniques et d'expérimentation formelles. On peut le remarquer à travers leur méridienne et leurs plastic molded chair. Les designers sont en fait ceux qui vont donner une forme aux nouveaux matériaux, ils n'en sont pas proprement les inventeurs. Leur rôle se centrerait plutôt ici sur la capacité à innover grâce au transfert de ces nouveaux matériaux, découvert par exemple chez les militaires, dans une utilisation plus courante.
D'autres se sont plus tournés vers un design institutionnel ou tourné vers la culture comme Jean Widmer pour la signalétique du centre pompidou. Son rôle se tournera alors plus vers une réponse assez stricte à la commande, où l'image transmise est d'une grande importance et se doit d'être d'une grande précision et d'une grande justesse. Mais cela n'empêche pas le designer d'y inscrire son parti pris, et il peut d'ailleurs, en travaillant pour la culture, trouver une façon de défendre son travail face aux commandes plus destinées au marché et au divertissement.
Certains choisiront de s'inscrire dans une démarche politique et sociétale, le plus souvent contestataire. C'est le cas d'archizoom et de superstudio qui se sont placés dans la contestation des modernes. Ils proposaient alors des images de projets utopiques d'un monde futuriste, parfois envisagé comme de réels projets, parfois laissé à l'état d'idée sous forme d'image. D'autres ont contesté la société capitaliste par un retour à une production artisanale, comme on peut le remarquer dans les affiches psychédéliques de woodstock. Cette contestation du monde capitaliste s'est aussi faite par un retour à une production locale ou encore par l'autoproduction, avec la chaise d'Enzo Mari par exemple où l'utilisateur prend part à la création de l'objet, ce qui permet quelque part de redonner de la dignité au produit et à la démarche.
Les designers américains, scandinaves ou japonais se sont, de façon assez globale, plus tournés vers la recherche d'un design universel. Cela s'est exprimé en passant par la production de masse industrielle chez les américains, qui paradoxalement produisait en quantité, pour tout le monde, mais aussi dans l'individualité. Chez les scandinaves, cette volonté d'universalité s'est plus exprimée par la recherche d'un standard, et les japonais quand à eux, adoptèrent la solution « caméléon » pour infiltrer les intérieurs.
Chez les modernes, on retrouve par exemple avec Dieter Rhams une volonté d'être un designer-médiateur de la lisibilité de l'objet, pour le rendre facile et intuitif d'utilisation. Par exemple avec ses variations de radios, en mettant en valeur un bouton par sa couleur ou sa taille, il montre de façon évidente son rôle premier : allumer ou éteindre le poste. Son rôle ici reste assez collé au tout premier but du designer qui était de tendre vers un monde plus logique, plus pratique, plus beau et plus durable.
On remarque donc ici que les positions du designer face à sa discipline sont extrêmement multiples car très individualisés depuis les années 60. Leurs ambitions sont vraiment différentes selon leur pratique, leurs valeurs, leurs centres d'activités... . Le designer se placera alors à la fois comme un innovateur exploitant de nouvelles technologies, comme un auteur travaillant pour des commandes officielles, comme un industriel, comme un diffuseur ou distributeur de productions, parfois même comme un designer-artiste contestataire, etc...
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