Peinture : "Les Romains de la décadence" Thomas Couture
Commentaire d'oeuvre : Peinture : "Les Romains de la décadence" Thomas Couture. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Elise Bessin • 27 Février 2022 • Commentaire d'oeuvre • 3 868 Mots (16 Pages) • 927 Vues
Commentaire d’œuvre « Les romains de la décadence »
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Les Romains de la décadence, Thomas Couture, 1847,huile sur toile, 472x772cm, Paris, Musée d’Orsay
Introduction :
Les romains de la décadence est une œuvre plus connue sous le nom d’Orgie romaine. C'est une huile sur toile réalisée par Thomas Couture commandée par l’État en 1846 alors qu’elle est encore en cours d’exécution et est exposée au Salon de peinture et de sculpture l’année suivante. L’Orgie romaine, destinée à entrer dans la collection royale, est une scène monumentale puisqu’elle mesure 4m72x7m72. Ses dimensions la mettent alors au rang de plus grande toile de toute la collection de peintures du musée d'Orsay où elle est actuellement exposée dans de la grande nef.
Thomas Couture est né à Senlis en 1815 et mort près de Paris en 1879. Il déménage avec sa famille dans l’actuel quartier du Marais à l’âge de 11 ans. A Paris, Couture se forge une culture artistique, il entre dans l’atelier d’Antoine-Jean Gros puis dans celui de Paul Delaroche où il apprend les principes néo-classiques et académiques. A partir de 1831, il étudie à l’école des Beaux-arts de Paris et décide de se lancer dans la course pour le prix de Rome. Malgré sa détermination, il échoue 6 fois au concours avant d’obtenir le deuxième prix. Cela ne suffit pas au peintre qui, suite à tous ces échecs, va préférer privilégier l’exposition de ses œuvres au Salon pour se faire remarquer. Ainsi, Thomas Couture présente plusieurs œuvres au Salon dont une très importante pour sa carrière en 1847 : Les romains de la décadence. Il est alors le tableau le plus acclamé par la critique cette année là. D’ailleurs, encore aujourd’hui, c’est l’œuvre la plus célèbre de l’artiste parmi toutes celles qu’il a pu réaliser.
Mais alors pourquoi cette orgie antique a t-elle un tel succès au Salon de 1847 et comment reflète elle les mœurs de la bourgeoisie sous la Monarchie de Juillet ?
I) L’énorme succès d’une peinture académique au Salon de 1847 face à la montée des artistes libéraux
1) Succès d’une immense peinture d’histoire au Salon
Quelques années avant de réaliser les Romains de la décadence, Thomas Couture expose une œuvre au Salon de 1844 intitulée L’Amour de l’or, son premier vrai succès. Suite à cette exposition, il rencontre Charles Hugo, l’un des fils de Victor Hugo, qui le félicite et écrit dans une lettre à son père : « Il va en faire un second aussi grand que le Radeau de la Méduse, c’est une orgie romaine. Ce sera plein de grandeur et de fantaisie. » Effectivement, Couture va réaliser une énorme scène d’orgie romaine quasiment du même format que le tableau de Géricault.
Couture réalise Les romains de la décadences à l’abri des regards dans son atelier installé faubourg Poissonnière. Beaucoup de rumeurs circulent au sujet de l’immense toile qu’il est en train de peindre puisqu’il n’apparaît que très rarement en public jusqu’au Salon de 1847. Le peintre a mis près de 3 ans pour achever l’œuvre et lorsqu’il l’expose enfin, les Romains de la décadence sont acclamés aussi bien par le public que par le jury du Salon. Au Salon, c’est le tableau qui attire le plus l’attention et qui est le plus apprécié, le peintre obtient même la médaille d’or du jury et recevra la Légion d’honneur en 1848 grâce à cette œuvre.
En réalité, cette immense toile est quasiment impossible à manquer de par ses énormes dimensions. Avec ses près de 5x8m, l’œuvre recouvre Les Noces de Cana (actuellement le plus grand tableau du musée du Louvre) et prend place d’un mur entier à elle seule comme à Orsay.
La presse spécialisée aussi rédige des critiques très élogieuses pour commenter le tableau. Par exemple, le rédacteur en chef du Journal des Artistes écrit : « cette magnifique conception est traitée non pas seulement en peintre d’un immense talent, mais en historien profond, sérieux, élégant et suave tout à la fois. ». Une critique très positive qui insiste sur le fait que la peinture traite d’un sujet historique puisqu’en effet, Les romains de la décadence est une peinture appartenant au grand genre de la peinture d’histoire, jugé le plus noble au XIXe siècle par l’Académie car elle doit non seulement représenter des actions humaines, il faut que l’artiste sache tout peindre mais la peinture doit aussi faire réfléchir le spectateur et l’élever moralement, c’est-à-dire lui transmettre un message moral en mettant en scène les vertus ou les vices.
2) L’illustration d’un vers de Juvénal
Afin d’expliciter le message moral que renvoie sa peinture, Couture cite dans le livret du Salon deux vers tirés de la Sixième Satire du poète romain Juvénal qu’il a illustré avec sa toile : "Plus cruel que la guerre, le vice s'est abattu sur Rome et venge l'univers vaincu". Juvénal ici dénonce la décadence du peuple Gallo-romain sous l’Empire puisque de nombreux empereurs organisent des orgies à Rome et s’adonnent à toutes sortes de débauches avec des invités aisés, surtout suite à la colonisation de la Grèce sous l’Empire après la fin de la République.
Une orgie désigne dans l'Antiquité une fête ou un très grand festin en l'honneur des dieux de l’ivresse et du vin (Dionysos chez les grecs ou Bacchus chez les romains). Lors d’une orgie, les invités se livrent à toutes sortes d'excès surtout liés à l'alimentation, l'alcool et au sexe.
Des auteurs comme Juvénal et Tacite condamnent ces excès qu’ils jugent indécents et égoïstes non seulement parce que certains riches consommaient uniquement avec ostentation, non par goût des aliments, mais pour affirmer leur appartenance à l’élite sociale et car d’après l’idéal romain, un bon chef doit savoir contrôler son corps qu’il s’agisse de désirs alimentaires ou sexuels.
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