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Le Persée De Cellini

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Par   •  24 Février 2013  •  1 846 Mots (8 Pages)  •  3 941 Vues

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« Persée tenant la tête de Méduse » (1545 – 1554) - Benvenuto Cellini (1500 – 1571)

Le « Persée » est une sculpture de Benvenuto Cellini, célèbre orfèvre, médailleur et sculpteur de la Renaissance maniériste. Elle a été exécutée en bronze, entre 1545 et 1554, 15 ans après le retour au pouvoir des Médicis. Cosme Ier de Médicis, qui était à ce moment là Duc de Florence (de 1537 jusqu’en 1569), le prend donc à son service. Il lui demande alors de fondre un groupe présentant Persée et Méduse qui serait exposé à la Loggia dei Lanzi à Florence, où le duc voulait y laisser son empreinte. A travers cette sculpture le duc voulait en fait symboliser la victoire des Médicis sur les Républicains de Florence qui les avaient expulsés de Florence en 1494.

La sculpture mesure 3 mètres 20, c'est-à-dire deux fois moins que ce que le sculpteur avait prévu initialement afin de faciliter sa réalisation. Le socle lui mesure près de 3 mètres et est entièrement dédié à la sculpture.

Cellini fut donc contraint à la réalisation d’un célèbre épisode mythologique. Dans la mythologie grecque, Persée était le fils de Danaé et de Zeus. Danaé vint se réfugier sur l’île de Sériphos, après que les flots l’eurent jeté elle et son fils sur les rivages de l’île, où régnait Polydecte. Ce dernier tomba amoureux de Danaé, qui n’en répondit pas. Alors afin d’éloigner Persée qui était en mesure de protéger sa mère, Polydecte lui confia une mission, qu’il jugeait impossible à remplir : lui rapporter la tête de Méduse, l’une des trois Gorgones, créatures monstrueuses dont le regard pouvait changeait en pierre celui qui avait le malheur de le croiser, et Méduse était des 3 Gorgones, la seule mortelle. Chaussé des sandales ailées du Dieu Hermès, coiffé du casque du Dieu des morts Hadès volé aux Grées au cours de son périple, et armé du bouclier que lui a prêté la déesse Athéna, il parvint a trancher la tête de Méduse, il rapporta alors la tête de la Gorgone à Polydecte et la brandit devant lui et ses convives qui furent alors transformés en pierre.

En seulement quelques semaines, Cellini approuve un premier modèle en cire où la composition s’inspire de modèles étrusques du héro tenant à bout de bras la tête de la Gorgone, mais aussi par la pose, où le vainqueur domine le vaincu. Les premiers modèles de Cellini témoignent déjà des difficultés qu’il rencontra. Le sculpteur s’est imposé de couler la statue en un seul bloc (afin d’éviter les imperfections de la Judith de Donatello), défi considérable vu que la technique de la fonte d’une statue en bronze de cette hauteur a été perdue dès l’Antiquité.

Pour parvenir à couler la statue d’un seul tenant, Cellini recourt à la technique de la cire perdue. La sculpture est façonnée en cire sur un moule creux en terre. La cire est ensuite recouverte d’une chape en terre. La cire est alors fondue (perdue). Le bronze est ensuite coulé dans l’interstice entre les deux couches de terre. Une fois le bronze refroidi, il s’agit de fendre l’enveloppe extérieure en terre pour dévoiler la statue.

Là où Cellini a innové, c’est qu’il a représenté son Persée piétinant le corps de la Gorgone décapitée. Avant de l’exécuter, Cellini commença par le corps de Méduse. Il choisit de la représenter sur un bouclier et un coussin, puisqu’il doit la faire tenir sur un socle étroit, de plus ces deux objets rappellent les circonstances de la mort de Méduse, surprise dans son sommeil. Ses jambes sont repliées vers elle, la gauche retenue par sa main gauche qui retient carrément la cheville, et la main droite retombant vers le bas, le long du socle (ce bras rompt d’ailleurs avec la surface du piédestal). Du cou décapité, s’échappe un torrent de sang qui donne une illusion de mouvement, ces filets de sang, joliment ondulés sont plus décoratifs que repoussants. La forme compliquée dessinée par le cadavre montre vraiment un corps contorsionné. La position de son corps est d’une grande complexité. A noter cette caractéristique de l’art maniériste italien, de rallonger les phalanges des doigts, ici avec la main tombante de la Méduse le long du socle.

Persée piétine le corps de Méduse. Il est représenté dans une nudité héroïque, coiffé d’un casque ailé. Si on passe derrière la sculpture on peut d’ailleurs observer un autoportrait de Cellini lui-même, qu’il a réalisé par le biais du casque ailé et de la chevelure du Persée . Il porte une épée de la main droite, et brandit de la main gauche la tête du monstre, tandis qu’il incline légèrement la sienne vers l’avant, d’un geste élégant de dignité. On note une précision élégante et gracieuse des détails, qu’ils soient anatomiques ou matérielles. Le mouvement de sa main droite contrebalance avec la flexion de sa jambe gauche. Cette flexion et l’inclinaison de sa tête contribuent aussi au mouvement de la sculpture. Son bras gauche levé bien haut et son bras droit tenant l’épée, effectuant un mouvement vers l’arrière achèvent cette recherche du mouvement dans le style caractérisant le maniérisme : Les mouvements des bras opposés, puis le mouvement de sa jambe droite et celui de sa tête dessinent des formes serpentines, comme le maniérisme les apprécie si bien. Le Persée de la version définitive possède plus de force et de souplesse que le modèle. Cellini explique qu’il étudia un modèle vivant pour comprendre les problèmes que posait la réalisation d’un personnage de grande taille.

Autre caractéristique principale de cette sculpture, c’est que le spectateur est invité à tourner autour de la composition pour en saisir tous les aspects (bien que l’emplacement de la statue la rende difficilement accessible), car Cellini, bien dans l’esprit maniériste l’a conçue pour qu’elle ait huit points de vue.

Cellini s’est ici exercé à l’exploration d’un impact émotionnel, notamment par le biais du visage de la Méduse ayant la beauté sensuelle des représentations classiques. Il évacue alors la suggestion de douleur physique, et y substitue un contraste sensuel entre la chair tendre et soyeuse des joues et les écailles de la chevelure serpentine, et ce procédé est si efficace qu’il provoque presque une révulsion physique chez Persée. Cette subtile différenciation de texture des surfaces, et cette délicatesse de détail jouent un rôle crucial dans le succès du Persée. Dans cette composition définitive, il n’y a aucune suggestion du combat qui vient de se dérouler, la violence de l’acte est comme figée par l’élégance de la pose. Persée reste insensible et le corps de Méduse est soigneusement ordonné.

Aussi, l’écrivain Siebers dans son livre « The Mirror of Medusa » paru en 1983, note que vue de derrière, la statue montre que le Persée est le double de Méduse, et pas seulement de derrière, dans leur visage apparait des similitudes physiques. Ainsi les cheveux du héro rappellent les serpents qui entourent la tête de la Gorgone, les pommettes des deux personnages sont délicates, ils ont tous deux un nez aquilin et les yeux baissés. Cela a été interprété comme étant une fusion entre le bien et le mal, de cette manière Cellini mêle intimement le héro et le monstre.

L’extraordinaire socle en marbre est de la plus pure Maniera. Le choix des matériaux a été influencé par les artistes de l’Antiquité, et par le voyage de Cellini à Venise (1546). On observe dans ce socle, quatre niches d’environ un mètre haut chacune, où dans chaque côtés où se trouvent quatre grandes statuettes en bronze représentant Mercure, Athéna, Jupiter et Danaé, personnages primordiaux dans le mythe de Persée. Le bloc lui-même est sculpté de motifs en forme de guirlandes, de têtes de bélier, de coquilles et de bustes de déesses. Enfin, un bas-relief en bronze illustrant la libération d’Andromède par Persée est installé sur la base du socle.

L’inspiration de Cellini pour cette œuvre emblématique vient de plusieurs sources, notamment de certaines œuvres de Donatello, et de Michel Ange. L’œuvre fait ainsi pendant à la Judith de Donatello réalisé entre 1455 et 1460, conservé au Palazzio Vecchio de Florence. L’ajout par dessous du corps du monstre décapité n’est pas sans suggérer une analogie avec cette Judith, mais par opposition à l’horreur de Judith, le Persée reste ici insensible. Le bras de Méduse, pendant le long du socle n’est pas sans rappeler l’attitude de l’Holopherne de Donatello.

Le David de Donatello, réalisé entre 1430 et 1432, et conservé au palais du Bargello de Florence, a aussi pu influencer Cellini, notamment en lui montrant comment rendre l’anatomie dans le bronze de façon plus convaincante que ce qu’il n’avait fait auparavant, notamment avec la Nymphe de Fontainebleau.

Mais l’œuvre qui influença sans doute le plus Cellini fut le David de Michel Ange, réalisé entre 1501 et 1504, et conservé la Galleria dell’Academia à Florence. Les parallèles entre le David et son Persée, n’échappèrent pas à Cellini, par les contorsions du corps, les rendus anatomiques, qui sont cependant plus prononcés chez le Persée, mais aussi par cette recherche de forme serpentine, et une pose d’une grande grâce.

L’ensemble constitue une affirmation du pouvoir des Médicis et fait allusion à la sécurité, et à l’abondance établie par Cosme, le nouveau Persée. L’un des distiques en latin rédigés à l’occasion de son inauguration témoigne de l’importance de cette œuvre : « la nature était jadis l’archétype de l’art, mais depuis que Cellini a coulé son Persée, l’art est devenu l’archétype de la nature ».L’inversion maniériste est caractéristique de l’époque, Cellini montre ici qu’on est plus dans le domaine de l’esthétique que dans celui de l’éthique. Cette œuvre, apparut en milieu de carrière de l’artiste, lui vaudra une admiration unanime. Mais cette admiration ne compensera pas les tensions vives existant entre le duc et Cellini, si bien que ce dernier ne recevra plus aucune commande d’importance. Le succès de son œuvre en inspirera plus d’un, Antonio Canova par exemple, qui réalisa « Persée tenant la tête de Méduse » en 1801, exposé aujourd’hui au musée du Vatican, Henry Charles Fehr, sculpteur et architecte de l’art Victorien s’inspira aussi directement de la composition de Cellini en réalisant « Persée secourant Andromède » en 1893, conservé à la Tate Gallery de Londres, ou bien même encore Salvador Dali qui a réalisé un Persée en l’honneur de Cellini en 1976.

Le talent de Cellini contribue beaucoup à animer les cercles artistiques florentins au milieu du XVIème siècle, et aide à faire oublier la rhétorique vide du style de Bandinelli qui était à l’époque, l’ennemi juré de Cellini. Sa puissance d’imagination, son sens très sur du décor et sa brillante technique ont fait de lui un des plus grands sculpteurs maniéristes, en lui donnant les armes idéales pour tenir ce rôle d’artiste de cour qu’il est appelé à jouer sous Côme de Médicis. Son Persée est véritablement le symbole de la sculpture maniériste florentine, et l’icône de la dévotion parfaite d’un artiste envers son œuvre, car il ne faut pas oublier que Cellini a mit 9 ans pour réaliser cette œuvre emblématique, et il le raconta dans sa Vie, il a donné a son Persée toute sa volonté car son honneur était en jeu.

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