Frank Lloyd Wright - Dessins
Commentaire d'oeuvre : Frank Lloyd Wright - Dessins. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar jojopou • 1 Mai 2021 • Commentaire d'oeuvre • 1 974 Mots (8 Pages) • 507 Vues
Artiste : Frank Lloyd Wright
Œuvre : Mr. And Mrs. James Bryan Christie House, Bernardsville, New Jersey, Exterior perspective from east
1940
18″x 35 1/2″
Graphite et crayons de couleur sur papier
Localisation : Museum of Modern Art
Introduction
L’architecte Frank Lloyd Wright continue de fasciner avec ses nombreuses réalisations d’une architecture qui semble toujours d’actualité. Nous avons accès aujourd’hui, à travers différentes institutions publiques, à un grand nombre de ses dessins réalisés en atelier au fil des ans. Dans ses œuvres, l’architecte donne une large place à la nature et au paysage, ce qui est le cas du projet de la résidence du couple James Bryan Christie au New Jersey. À partir d’un rendu produit en 1940, nous observerons comment l’architecte s’est inspiré des estampes japonaises en circulation à l’époque, mais également comment l’architecture organique définie par Wright lui-même s’exprime dans cette œuvre. Après avoir présenté le contexte historique de l’architecte, et plus particulièrement son intérêt pour les estampes japonaises, nous aborderons les influences formelles de celles-ci dans l’œuvre de l’architecte et le rôle de la nature dans la production artistique de Frank Lloyd Wright.
Contexte historique
Construite en 1940 dans la banlieue de Bernardsville au New Jersey, la résidence du couple Christie est un bel exemple des « prairies houses » de Frank Lloyd Wright. Ces maisons se distinguent par leur étendue horizontale qui préfèrent profiter du vaste espace au sol plutôt que de s’étaler verticalement, contrairement à la mode de l’époque. Wright développe ce type d’architecture en début de carrière, alors qu’il est embauché chez Adler Sullivan, l’une des plus importantes firmes d’architecture de Chicago de l’époque. Il se fera remarquer par ses talents de dessinateur et parviendra à obtenir le plus haut salaire de la ville pour ce genre de poste. Peu à peu, le jeune architecte reçoit des commissions pour des bâtiments domestiques pour des clients à l’extérieur de la firme, mais c’est en découvrant cette activité parallèle que la firme mit fin à son contrat. Wright, alors en bonne situation financière et jouissant d’une nouvelle clientèle en plein essor, loua un studio et y apposa ses lettres sur la façade. Daniel H. Burnham, architecte bien en vue de Chicago, lui offrit de faire les Beaux-Arts de Paris à ses frais afin qu’il perfectionne ses connaissances vis-à-vis des styles architecturaux. Wright déclina cette offre, préférant poursuivre ses travaux vers une nouvelle architecture. En février 1905, Frank Lloyd Wright fit un voyage au Japon d’où il reviendra avec plusieurs estampes japonaises de l’ukiyo-e. Durant près de deux décennies, Wright aura non seulement une carrière d’architecte florissante, mais il sera également grandement actif dans la marchandisation des estampes japonaises aux États-Unis. Il en fera lui-même la collection où bon nombre seront plus tard saisies lors de querelles entre marchands ou vendues à de grands musées américains comme le Metropolitan Museum of Art de New York. Cet intérêt pour les estampes japonaises débuta probablement lorsqu’il visita la World’s Columbian Exposition à Chicago en 1893. Le Japon avait alors érigé le pavillon Ho-o-den pour l’occasion où de nombreuses estampes furent exposées. Cet événement et ses nombreux voyages au Japon influenceront le travail de l’architecte sur les deux continents. Ses réalisations sont diverses et nombreuses, mais on connait aujourd’hui l’œuvre de l’architecte majoritairement grâce à ses bâtiments résidentiels. Les premières résidences dessinées par Wright se situeront en banlieue de Chicago, sur de grands terrains boisés. La résidence Christie reflète en soi le style que conservera l’architecte tout au long de sa carrière ; bâtiment horizontal, larges baies vitrées, grands débords de toits et présence du matériau nu.
Estampes japonaises
Frank Lloyd Wright se démarque par la richesse de ses dessins et rendus. Son intérêt et sa compréhension pour les estampes japonaises se traduiront dans son trait de crayon. L’ukiyo-e, terme évoquant un « monde flottant », est une forme de dessin largement produite au Japon à cette période dont Wright fit la collection. Ces dessins se caractérisent par une ligne légère, des couleurs contrastantes et par une absence de profondeur par la perspective principalement. Le dessin de la résidence de Bernardsville de Wright reprend ces caractéristiques des estampes. La nature qui entoure le bâtiment est en quelque sorte aplatie, sans nuances, ombres ou perspective pour situer la profondeur du site. L’architecte illustre plutôt les arbres par de légères lignes où l’énergie et la rapidité de la main de l’artiste se font sentir. Chacun des feuillages des arbres est traité avec la même couleur et la même valeur, retirant ainsi toute profondeur à l’espace. Les éléments constituant la nature ne sont donc que des silhouettes dont l’intérieur fut colorié à l’aide de crayons de couleur. Cette technique rappelle les estampes japonaises où l’encre vient délimiter chaque région par la ligne et non par la couleur. Frank Lloyd Wright reprend également une autre caractéristique des estampes : l’aplanissement de l’espace. À travers l’herbe comme à travers les arbres, il applique la couleur au crayon par des traits horizontaux et verticaux, parallèles aux bords du papier. Plutôt que d’aligner ses traits selon certains angles afin de suggérer une topographie et des irrégularités, Wright traite l’ensemble des surfaces uniformément afin de rompre avec l’idée d’une profondeur suggérée. Toutefois, l’architecte représente la résidence Christie selon une perspective parfaite. En effet, Frank Lloyd Wright utilise une perspective à deux points de fuite afin de représenter les deux volumes perpendiculaires de la résidence formant un « L ». Ce point de vue présente fièrement l’horizontalité du bâtiment et toute la réflexion effectuée en amont afin de bien l’adapter à la pente du site. De plus, bien qu’il ne se serve pas de l’ombre dans le décor naturel, il en ajoute au bâtiment alors orienté est, face au lever du jour. Les larges débords de toit viennent freiner les rayons du soleil qui auraient tendance à réchauffer l’intérieur de la maison de façon trop importante en raison des grandes fenêtres en bandeaux. L’architecte représente donc cet aspect technique par ces ombres. Frank Lloyd Wright joue donc avec le contraste apporté par l’aplat du décor inspiré des estampes japonaises et par la perspective réelle afin de porter toute l’attention sur son bâtiment. L’un des derniers rapprochements que l’on peut faire avec l’illustration de la résidence Christie et les estampes japonaises réside dans la position du dessin sur le papier. Bien que bénéficiant d’une feuille beaucoup plus large que la taille de son dessin, l’architecte choisit de n’utiliser qu’une partie correspondant au trois quarts de la longueur et la moitié de l’espace disponible verticalement. La portion utilisée est également placée de façon arbitraire à la droite du papier, laissant une large part blanche tout autour. Cette utilisation de l’espace n’est pas sans rappeler le procédé des estampes qui résultait en une unicité de chaque papier estampillé en raison des déplacements des feuilles à chaque impression. La feuille de Wright rappelle ces papiers aux tours vierges sortant tout juste de la presse. L’architecte prend donc des caractéristiques formelles des estampes japonaises afin de les glisser dans son travail pour en faire bénéficier ses bâtiments.
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