Erik Satie - Parade
Commentaire d'oeuvre : Erik Satie - Parade. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Pierre Mansuy • 8 Novembre 2018 • Commentaire d'oeuvre • 2 649 Mots (11 Pages) • 569 Vues
Parade: Ballet réaliste en un tableau
Le 18 octobre 1915, alors mobilisé à l'arrière du front, Jean Cocteau profite d'une permission pour rencontrer Erik Satie au domicile de Valentine Gross. De cette rencontre fructueuse, va germer dans la tête de Cocteau, l'idée d'un ballet en trois parties « en forme de poire » illustré par trois attractions foraines. Satie quant à lui exige un projet nouveau, moderne. Il reçoit alors le 1er mai 1916, l'argument poético-dramaturgique, l'histoire est simple : un théatre forain plante son chapiteau au milieu d'un boulevard parisien. Le ballet met en scène trois personnages, un acrobate, un prestidigitateur chinois et une petite fille américaine, qui essayent d'attirer le public en exécutant des extraits de leur numéro.
Pour séduire le célèbre fondateur et producteur des ballets russes Serge Diaghilev, Cocteau entraînera Picasso dans le projet.
En s'associant dans ce projet commun, les artistes vont miser gros : Satie maniera son premier orchestre symphonique, Picasso son premier décor et Cocteau son premier livret sans paroles.
Surmann p 121
2.
Musique peinture etc.
La musique de Satie, qualifiée d’avant-gardiste, fut créée pour le ballet Parade. Cependant Satie n’hésita pas à la produire en-dehors de toute représentation du ballet. Ainsi, née d’une collaboration à une œuvre d’art totale, sa fortune fit de cette composition une œuvre indépendante, qui existe sous la forme de deux partitions différentes, l’une pour orchestre, l’autre pour piano à quatre mains. Dans la partition pour orchestre furent intégrées des sonorités provenant d’objets étrangers au champ musical habituel (machine à écrire, revolver, sirènes, roue de loterie, bouteille). Ce « collage » est proche de celui pratiqué par les peintres cubistes qui intègrent des éléments extra-picturaux à leurs compositions, introduisent des éléments « authentiques » : il est intéressant de comparer les démarches de Satie et de Picasso. Cocteau aurait souhaité que davantage de bruits de la vie quotidienne ponctuent la partition de Satie. Ce dernier, tout comme Picasso, revendiquait au contraire une esthétique hostile au superflu. Les ajustements finaux, qu’ils soient plastiques ou musicaux, relevaient donc uniquement des artistes, souvent à l’encontre de l’avis de Cocteau lui-même.
Le rideau :
« Ceux qui ont vu Picasso dans l’atelier des Buttes-Chaumont peindre seul le rideau qui représente une halte de funambules en demeurent émerveillés. Il se promenait sur l’immense toile, faisant fleurir sous sa brosse des figures géantes, fraîches comme des bouquets », écrit Jean Cocteau dans L’Excelsior daté du 18 mai 1917
[pic 1]
Le rideau d'avant-scène conçu par Picasso marque dans sa carrière, une rupture avec sa période cubiste. En effet, Picasso va retrouver un style figuratif, les couleurs du rideau sont légèrement délavées, il adopte un trait cursif rappelant le charme lascif de ses périodes roses et bleues. Picasso se lance dans un projet de grande envergure, en plus d'être son premier le décor, le rideau mesure 16,40 mètres sur 10,50 l'inscrivant comme sa plus grande représentation.
La peinture est encadrée d'un rideau de théâtre, un rideau rouge ornementé de franges dorées, de draperies de velours et d'un pan de tissu grenat. A l’intérieur de ce rideau une scène de cirque avec un fond qui donne sur la campagne. Picasso tente de faire coexister l'idée du « terre-à-terre » avec celle du fantastique, bien représenter par les objets abandonnées sur le plancher et la présence d'une chimère ailée.
La peinture met en scène sept personnages autour d'une table ; un torero, un arlequin, un matelot, un prêtre, un personnage muni d'un turban et deux filles. Face à eux, une cavalière debout sur le cheval blanc ailé, tend les mains à un singe monté sur une échelle bariolée. « « « Une esthétique bien singulière qui puise son inspiration dans la comédia del arte, emprunté même au music-hall. » » »
Un décor fantasmagorique, une sorte de représentation d'un songe qui trouverait sa réalisation dans un arrière plan qui reprend les plus célèbres modèles de la peinture classique et romantique. Une colonne de marbre, des ruines, un paysage champêtre et une montagne ouverte sur le ciel.
Cette opposition entre rêve et réalité est abordée par Cocteau dans un article sur l'art cubiste publié dans «Carte Blanche»: «En somme Derain, Braque, Picasso illustrent bien cette phrase poétique de Goethe : '' Ces tableaux ont la plus grande vérité sans l'ombre de la réalité''. Peut-on mieux définir le cubisme et ce qui s'en rapproche ? »
Picasso a conçu ce rideau comme la représentation immédiate d'une coexistence propre au cirque. Celle du terre-à-terre (exprimé par le sommeil du chien et les objets abandonnés) et du fantastique (la chimère ailée). Ces deux éléments accolés plutot qu'intement mêlés : d'une moitié à l'autre du rideau (de part et d'autre de la frontière du réel, on se regarde, on s'examine.).
Et au delà des personnages, derrière eux, des draperies de velours, un peu de tissu grenat, des franges dorées : un rideau de théatre, un superbe « rideau rouge » entrouvert sur la campagne. Le plancher donne sur l'herbe. Picasso retrouve le style figuratif, les couleurs légèrement délavées, le trait cursif, le charme lascif de ses périodes roses et bleues.
Danse :
surmann p 125
II.
il convient d’étudier l’étymologie du mot « Parade » et de revenir aux sources du mot : « parader » signifie « exhiber ses appas, faire la roue devant un public médusé, offrir ses vanités à l’admiration d’autrui ». Le propos du ballet constitue un leurre de spectacle. Cocteau met ainsi en scène le phénomène dans la rue précédant le spectacle : Parade est une mise en abyme du théâtre. La parade annonçant le spectacle est le spectacle Parade. Le ballet de Cocteau est ainsi une référence au music-hall, étant présenté sur une estrade, devant une baraque foraine. Le lieu est mal défini, oscille entre intérieur et extérieur, spectacle et animation de la rue. Ce flou volontaire est dès le début du ballet révélateur : cette ambigüité vise à susciter la curiosité des passants, à les inciter à participer au spectacle.
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