L'esquisse Mise à L'honneur
Note de Recherches : L'esquisse Mise à L'honneur. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar lavariole • 17 Juin 2014 • 1 359 Mots (6 Pages) • 792 Vues
Denis Diderot nous dit quelque part: «Pourquoi une belle esquisse nous plaît-elle plus qu’un beau tableau ? C’est qu’il y a plus de vie, moins de forme.» Ce précepte, il faut parfois le rappeler aux artistes trop lucides. Nous gardons la formule pour la faire servir en exergue à ces quelques lignes sur l'esquisse, appréhendée ici comme une étincelle qui allume une autre lumière.
Pour l'architecte, le sculpteur ou le peintre; le croquis, le "bozzetto"-modelé en cire ou en argile- et l'esquisse dans leurs pures acceptions ne sont pas autre chose que la configuration d'une mesure, rendue sensible par une action rapide et spontanée, engrangée pour fixer la composition, avant de l'exécuter sur une échelle plus grande. L'artiste recrée à partir de cette perception première. Le procédé est, il va de soi, dans le jeu instinctif et l'effet cherché. En eux se produit une surcharge faisant jaillir l'incandescence souhaitée. Qui ne croit pas à cette vertu qui laisse voir sans détour l'effet éclatant sous la forme la plus concise? L'artiste puise dans cette réserve, parvient à adapter à l'idée, le rythme et la couleur qui conviennent. Les mots de création, recréation, reviennent comme autant de rappels de cette pratique qui s'acquitte diligemment de sa tâche. Elle est la première tentation qui porte à la communion celui qui veut laisser après l'oeuvre achevée, une genèse visuelle et émotive. Si fébrile que soit cette étape, si dévorante d'énergie qu'elle se veuille, si ingénieuse en sa beauté inachevée qu'elle soit, elle permet à l’artiste de livrer ses impressions furtives, à peine travaillées, juste ébauchées. L'inachèvement du dessin l'ouvre sur un au-delà du trait, et c'est ainsi que l'oeuvre reçoit sa forme adéquate, exprimée selon le modèle, à moins qu'une intention particulière et bien circonstanciée ne vienne dicter à l'artiste de faire autrement pour élargir ou accentuer un effet. C'est dans ce va et vient que vit l'art, non comme un moyen de transcender l'idéal, mais comme une expression mimétique totalement libre et libérée.
Esquisser, c'est faire sortir de soi cette pulsion, ce grand silence qu'on veut célébrer. Quand on a dit cela, on a tout dit, ou à peu près. Qu'importe si le moment soit hâtif, le temps ne se suspend pas. Mais l'artiste sait que l'esquisse lève les interdits. Il peut tout oser, se délivrer des entraves, inventer, biffer, recommencer comme dans un palimpseste. Le moi de ses rêves, l'audace a charge de le lui restituer. Aux coups de crayon ou de pinceaux donnés avec la franche liberté d'un geste créateur qui se situe parfois en deçà des règles conventionnelles, succède le raffinement des moyens d'exécution qui permettent de clore l'espace originel. L'artiste peut alors aboutir à d'étonnantes compositions, à des réussites telles qu'on ne sait ce qu'il faut le plus louer: les prémisses ou l'inlassable travail qui suit.
Ce n'est vraiment pas une leçon académique qui a fait recette au début du quattrocento où la gloire naissante de certains maîtres faisait remplir les ateliers; ce n'est pas une coïncidence gratuite si la génération de peintres italiens a joint à son culte pour l'esquisse une admiration active pour Léonard de Vinci dont le talent était déjà mûr; lui qui remplissait ses carnets de notes et de croquis poussant à l'extrême la recherche de l'expression liée à un raffinement de la beauté du détail. On se délecte à voir son admirable "homme de Vitruve" où l'artiste étudie les proportions du corps humain, se donnant, au nom même d'une nécessité intérieure, la possibilité de travailler inlassablement pour arriver à cette exigence qui serait la promesse et le gage. Certes il avait du génie et il n'avait pas besoin d'être prolifique. On sait dans quelles conditions, avec quelle âpre obstination, à travers combien d'étapes, a été réalisée la "Sainte Anne" (tableau resté inachevé à la mort de l'artiste): trois cartons de préparation, plusieurs versions peintes, vingt années de labeur soutenu. L'exigence n'est inscrite dans aucune loi, mais elle apparaît dans les traits où se distinguent l'ivresse du détail qui confère à Sainte Anne, la Vierge et l'enfant la mystique sensuelle la plus profonde.
On ne saurait jamais mesurer la force de l'élan initial. Pierre Paul Rubens, astreint à broder
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