Développement et prolongement de l'influence abstraite
Mémoires Gratuits : Développement et prolongement de l'influence abstraite. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar • 11 Novembre 2014 • 1 759 Mots (8 Pages) • 1 277 Vues
Développement et prolongement de l'influence abstraite[modifier | modifier le code]
L’influence du développement de la science et de la technique propres à la peinture, sur l’évolution de l’art plastique est bien établie. De plus, l'invention puis l'évolution de la photographie au xixe siècle libère la peinture de la représentation de la réalité.
Cependant, des domaines apparemment forts éloignés de la peinture ont aussi amené des modifications dans la position des artistes.
Ainsi, dans la seconde moitié du xixe siècle, l’optique physiologique fait d’importants progrès sous l’impulsion de l’Allemand von Helmholz (1821-1894). Elle distingue deux étapes dans la vision : au niveau de l’œil, les rayons lumineux produisent une « impression » et ensuite les nerfs de la rétine les transmettent au cerveau où ils apparaissent sous forme de « sensations ».
Certains artistes sont influencés par ces nouvelles connaissances. Les « impressionnistes » avaient, eux, déjà tenté de rendre l’« impression » (la première étape) que leur faisait la nature. D’autres peintres vont reconnaître qu’il est vain d’essayer de restituer la nature sur une toile avec une objectivité totale. Car les « sensations » (la deuxième étape) viennent « perturber » le processus de création et elles apparaissent fort complexes. Elles ne sont pas un simple enregistrement passif d’informations de formes et de couleurs, mais impliquent des mécanismes neurologiques apportant d’autres résultats. Il va plus s’agir de rendre les résultats de l’introspection que de copier plus ou moins fidèlement les effets de la nature.
František Kupka (1871-1957), pionnier de l’abstraction en peinture, a rapidement saisi l’impact de cette nouvelle conception de la vision sur la finalité de l’art, jusqu’alors perçue comme une imitation de la nature. Les « sensations » du peintre s’inscrivent maintenant en priorité dans sa vision. Kupka s’intéresse à l’aspect psychophysique des couleurs :
« il nous semble donc plus opportun de considérer et d’interroger les sensations de lumière, de caractère et de valeur différentes, en tant qu’elles suscitent en nous des états d’âme. »
On va parler de « l’œil solaire ».
Les avancées dans un autre domaine scientifique, celui de la compréhension de la nature ondulatoire, à la fois de la lumière et du son, ouvrent également de nouvelles perspectives. Elle amène la mise au point par des chercheurs d’instruments de projection de lumière colorée. Ceux-ci sont utilisés avec accompagnement musical. L’un des inventeurs de cette « color music » (« musique chromatique », qui s’appellerait actuellement « son et lumière »), Wallace Rimington, écrit en 1895 :
« En peinture, la couleur a seulement été utilisée comme l’un des éléments de l’image. Nous n’avons pas encore eu d’images dans lesquelles il n’y ait ni forme, ni sujet, mais seulement la pure couleur. »
Il écrit également :
« …En fait, il n’y a jamais eu d’art pur de la couleur ne s’occupant que de la couleur seule et ne se fiant seulement qu’à tous les changements subtils et merveilleux, ainsi qu’aux combinaisons dont la couleur est capable en tant que moyen de sa propre expression. »
À cette époque, ses concerts de « color music » eurent du succès. Il n’est donc pas étonnant de trouver un article publié en 1908 portant le titre « Les lois d’harmonie de la Peinture et de la Musique sont les mêmes » (Henri Rovel). Son contenu, dans l’esprit de la musique chromatique, aura une grande influence sur les peintres Kandinsky (1866-1944), Larionov (1881-1964) et à nouveau Kupka. Dans un autre article, Rovel confirme : « La vie est caractérisée par la vibration. Sans vibration, il n’y a pas de vie. Le monde entier est soumis à cette loi. »
Définition[modifier | modifier le code]
Dans les arts plastiques, l'art abstrait est un « langage visuel » né au xxe siècle. Il n'essaie pas de représenter « les apparences visibles du monde extérieur[réf. nécessaire]», mais tente de donner une contraction du réel ou encore d'en souligner les « déchirures »[réf. nécessaire]. L'art abstrait peut se passer de modèle et s'affranchit de la fidélité à la réalité visuelle et ainsi des créations plastiques mimétiques. Il ne représente pas des sujets ou des objets du monde naturel, réel ou imaginaire, mais seulement des formes et des couleurs pour elles-mêmes.
Le peintre Vassily Kandinsky est considéré comme le fondateur de l'art abstrait. Il a peint sa première aquarelle abstraite Sans titre en 1910. Selon le philosophe Michel Henry ; « Kandinsky appelle abstrait le contenu que la peinture doit exprimer, soit cette vie invisible que nous sommes. »[réf. nécessaire]
Au début du xxe siècle, ce terme incluait aussi le cubisme ou le futurisme, genres dans lesquels il y a bien volonté de représenter le monde réel, sans l'imiter ou le copier, mais plutôt en en montrant les qualités intrinsèques. On représente ce qu'on sait d'un objet plutôt que ce qu'on en voit.
L'art abstrait utilise un langage formel, pictural et linéaire pour créer une composition indépendante du rapport aux références visuelles existantes dans le monde sensible. L'art occidental a été, de la Renaissance jusqu'au milieu du xixe siècle, sous-tendu par la logique de la perspective et une tentative de reproduire l'illusion de la réalité visible. La découverte et l'accès grandissant aux arts et cultures extérieurs à l'Europe ont insufflé d'autres modèles de description et permis une expérience visuelle de l'artiste libérée des contraintes de la représentativité. Certains, suivant une mouvance impressionniste, se sont essayés à la déformation de caractères d'imprimerie moderne, voire de symboles Sanskrits. À la fin du xixe siècle, de nombreux artistes ont ainsi estimé nécessaire de créer une nouvelle forme d'art assimilant les changements technologiques, scientifiques et philosophiques de leur temps. Les sources dont les artistes tirent leur arguments théoriques sont diverses et reflètent les préoccupations sociales et intellectuelles dans tous les domaines de la culture occidentale de cette époque.
L’abstraction indique un point de départ, une nouvelle représentation de la réalité et de l'imagerie dans l'art. Depuis le réalisme du début du xixe siècle et l'apparition du daguerréotype, une représentation exacte du réel est réalisée. L'écart entre art et réalité, thème classique de la représentativité artistique, a traversé le miroir de l'exactitude visuelle. L’abstraction s'inscrit dans cette continuité, cette constante recherche d'une représentation juste du réel. Elle se veut une réponse à ces nouvelles formes récemment apparues, considérées malgré leur exactitude technique comme partiales, incomplètes. L'idée de sublimation de la réalité disparaît au profit d'une abstraction extérieure à sa représentation tangible, l'art ne vise plus la vraisemblance la plus grande, le réalisme le plus exact, car il peut être supplanté, résumé, au moins théoriquement par les nouvelles formes de représentation automatisée, puisqu'une représentation parfaite est susceptible d'être extrêmement difficile à atteindre. Le travail artistique prend des libertés, en modifiant par exemple la couleur et la forme d'une manière qui soit visible et contenue dans une essence concise qui peut être appelée « abstraite ». La résultante ne comporte plus les traces de l'abstraction, les références et le reconnaissable disparaissent au profit des effets visibles, des formes géométriques, des lignes épurées ou foisonnantes, des couleurs uniques ou mêlées. Ainsi, l'abstraction géométrique ne conserve aucune des références naturelles et réalistes des entités présentées. Art figuratif et Abstraction totale sont presque incompatibles, à ceci près que la représentation figurative (ou art réaliste) contient souvent une abstraction partielle.
L'abstraction géométrique et l'abstraction lyrique sont le plus souvent totalement abstraites. Parmi les très nombreux mouvements artistiques pré-abstraction, ceux qui incarnent une part substantielle et notable d'abstraction sont le fauvisme, pour son usage des couleurs, clairement et délibérément altérées par rapport à la réalité, et le cubisme, qui modifie de façon flagrante les formes de la vie réelle. Enfin le futurisme, dans sa volonté de dé-figurer le réel par le dynamisme et le cinétisme, parvient à un art abstrait, notamment avec Giacomo Balla[réf. nécessaire].
Développements[modifier | modifier le code]
C’est à la même époque, en 1911, que le compositeur russe Scriabine (1872-1915), qui avait probablement connu Rimington, présente sa symphonie Prométhée, le Poème du feu dont l’exécution nécessite la présence d’un clavier à couleurs dans l’orchestre. Scriabine voulait s’adresser à tous les sens de ses auditeurs pour leur donner la perception d’un monde en vibration constante.
En peinture, en adoptant cette nouvelle vision du monde, l’artiste ne va plus tenter de le reproduire en l’imitant. Il va surtout s’inspirer de ses sensations, visuelles et acoustiques, pour en donner une vision intérieure plus conforme aux nouvelles données scientifiques. Il faut rapprocher l’art du continuum vibratoire de la nature. Gauguin écrira : :« Pensez à la part musicale que prendra désormais la couleur dans la peinture moderne. La couleur qui est vibration de même que la musique est à même d’atteindre ce qu’il y a de plus général et partant de plus vague dans la nature : sa force intérieure. » L’accent est donc mis sur une fonction émotionnelle de la couleur identique à la fonction émotionnelle de la musique. Ce sera « l’œil musical ».
Dans la même veine, d’autres chercheurs ont réussi à transposer en inscriptions graphiques les vibrations sonores. Les clichés qu’ils en ont tirés ont été publiés et certains seront utilisés par les artistes séduits par ces nouvelles perspectives. Les jalons de la peinture abstraite sont ainsi placés.
Comment s'est développée l’abstraction sur le plan pictural ? Jean-Louis Ferrier (critique et auteur de L’Aventure de l’art au XXe siècle) voit trois fondateurs à parts égales :
Vassily Kandinsky, véritable précurseur, qui écrit en 1910 dans son ouvrage Du Spirituel dans l'Art, et dans la Peinture en particulier, que l'idée de l'inutilité de la représentation lui a été soufflée par un de ses tableaux posé par erreur sur un côté ;
Piet Mondrian, qui a obtenu ses structures géométriques abstraites par dérivation progressive d’une de ses peintures d’un parc à huîtres en contre-jour de la mer ;
Kasimir Malevitch, qui a recherché la simplification extrême aboutissant au fameux « Carré noir sur fond blanc ».
Pour ces trois artistes, le passage de la figuration à l’abstraction s’est opéré assez lentement entre 1910 et 1917. Mais le genre aura été bien préparé par l’évolution picturale générale de l’époque, qui aura fondé aussi le cubisme, le rayonnisme, le futurisme, etc., et même le ready-made (1913) : l’abstraction n’a pas été une révélation isolée, elle fait partie d'un contexte global extraordinairement créatif dans tous les arts. En particulier les artistes impressionnistes avaient déjà produit des toiles quasi-abstraites, toutes adonnées à la lumière (par exemple dans certains tableaux de Bonnard, les personnages sont presque invisibles).
Parmi ces différentes évolutions, aujourd'hui encore, l’abstraction reste la plus mal acceptée par le public, car un tel tableau ne « représente » rien, ce qui parfois choque le goût, les habitudes, la formation ; une œuvre abstraite doit en effet s’aborder dans un esprit différent des œuvres figuratives.
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