Le paysage naissance et évolution d’un genre

LE PAYSAGE

Dans un article publié en 1953 dans la Gazette des Beaux-Arts et intitulé la théorie

artistique de la Renaissance et l'Art du paysage Ernst Gombrich écrit :

« Ainsi, alors qu'on considère d'habitude que la découverte du monde est le

principal motif qui explique l'essor de la peinture de paysage, nous avons presque

envie de renverser la formule et d'affirmer l'antériorité de la peinture de paysage sur

le sentiment du paysage ; Mais il n'est pas nécessaire de pousser cet argument

jusqu'aux limites du paradoxe ».

Trente six ans plus tard Anne Cauquelin, philosophe, intitule un ouvrage

L'invention du paysage et affirme : « la notion de paysage et sa réalité perçue sont

bien une invention».

La notion de paysage n'est-elle donc pas évidente? Qu'est-ce-que le paysage?

S elon les dictionnaires:

· Etendue de terre que l'on embrasse d'un seul point de vue.

· Etendue de pays que l'on voit d'un seul aspect et considérée du point de

vue de son pittoresque (Quillet).

· Dessin, tableau représentant un site champêtre. Un tableau qui

représente un paysage (Larousse).

· Genre de peinture, genre pictural.

La notion semble donc assez floue et le même terme désigne:

- ce que l'on représente

- la représentation elle-même.

La notion de paysage est différente selon que l'on se place du point de vue du

géographe ou de celui de l'historien d'art.

Les géographes font en effet une différence entre la perception visuelle du paysage

qui est à l'origine de la représentation et son statut spatial. Pour le géographe la

question esthétique, bien que fondamentale, est secondaire. La primauté est donnée

aux « processus qui sont à l'origine des paysages » (ex : la formation d'une corniche

calcaire ou l'évolution des techniques de construction) ainsi qu'aux rythmes

saisonniers qui modifient le paysage.

Pour certains géographes comme Jean-Claude Wieber de l'école de Besançon, la

vue n'est pas le seul sens qui permette d'appréhender le paysage. Tous les sens à

l'exception du toucher (le paysage implique la distance) contribuent à appréhender le

paysage. Il rejoint en cela la théorie d'Alain Corbin.

Le mot paysage apparaît tardivement dans le vocabulaire occidental car la notion

même de paysage est le fruit d'une « invention » récente.

La «notion de paysage n'existe ni partout, ni toujours» affirme Augustin Berque et il

existe ainsi des civilisations non paysagères.

Dans Cinq propositions pour le paysage il énonce des critères de comparaison

objectifs qui permettent de distinguer les civilisations paysagères de celles non

-paysagères:

« Quant à moi, j'ai empiriquement adopté les quatre suivants, pour distinguer les

civilisations paysagères de celles qui ne le sont pas:

1. usage d'un ou de plusieurs mots pour dire « paysage »;

2. une littérature (orale ou écrite) décrivant des paysages ou chantant leur

beauté.

3. des représentations picturales de paysages

4. des jardins d'agrément. »

De ces quatre critères le premier est le plus discriminant. L'absence de ces quatre

critères implique qu'une civilisation est considérée comme non-paysagère. (il est

cependant admis que l'absence de représentation de l'environnement n'implique pas

qu'il n'existe pas de rapport visuel entre les êtres humains et leur environnement ).

A. Berque, comme Alain Roger dans son Court traité du paysage, accordent aux

civilisations qui remplissent au moins une des quatre conditions le statut de «protopaysages

».

Pour A. Roger les sociétés antiques et médiévales sont «proto-paysagères»

puisqu'on y trouve :

- des jardins (4)

- des représentations littéraires et picturales (2/3)

Pour Berque la seule «société paysagère» bien avant l'Europe du XVème siècle est

la Chine, dès le IVème siècle.

En Chine il existe plusieurs mots pour désigner le paysage comme par exemple :

shanshui: montagne et eau

fengjing: vent et scène

Dans Cinq propositions pour le paysage Berque fait référence à l'Introduction à

la peinture de paysage (Hua Shanshui Xu) de Zong Bing (375-443).

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