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Aiesthesis de Jacques Rancière - «L'art decoratif comme art social : le temple, la maison, l'usine»

Analyse sectorielle : Aiesthesis de Jacques Rancière - «L'art decoratif comme art social : le temple, la maison, l'usine». Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  20 Mars 2015  •  Analyse sectorielle  •  2 919 Mots (12 Pages)  •  1 408 Vues

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BACHELIER MANON 2DMMB

« L'ART DECORATIF COMME ART SOCIAL :

LE TEMPLE, LA MAISON, L'USINE »

Jacques Rancière, Aisthesis,

Scènes du régime esthétique de l'art, 2011

Tout au long de ce texte publié en 2011, Aisthesis, Jacques Rancière, philosophe français, cherche à articuler les évolutions de la pensée critique face à l'association des notions d'art et de vie.

Nous reprendrons les même dispositions que lui, traitant comme trois chapitres ; qui rendent compte en même temps du caractère chronologique de son étude ; les rapports entre art et vie appliqués au temple, à la maison, à l'usine.

C'est que Jacques Rancière nous présente dès les premières pages ce qui constituera par la suite un principe relativement constant, qui est que « L'art est destiné à construire et à aménager des espaces habitables, qu'il s'agisse de loger la divinité ou de simples mortels ». L'art et la vie se trouveront articulés, dès lors que la vie humaine pourra exister et s'exprimer au sein de lieux pensés, autour d'objets usuels et décoratifs.

En effet l'art idéal tel qu'il est ici traité est un art qui offre une interaction avec l'homme, et une interaction physique, pratique, une interaction directe avec la vie. On y opposera alors, comme Roger Marx, ce qui est défini comme « les beaux-arts », « voués à la seule contemplation des visiteurs de musées », car il s'agit alors d'un art mis à distance, proposé au regard et à la rêverie, mais pas à la vie et à l'activité humaine. C'est un art qu'on ne perçoit qu'en souhaitant y assister, dans une temporalité qui n'est pas celle d'une vie de chaque instant.

Nous parlerons donc d'un art décoratif, qui s'intègre et pare directement les structures qui accompagnent la vie, s'opposant aux œuvres décidées comme œuvres et qui existent par elle mêmes ; et qui de plus souvent sont tributaires des moyens et des envies d'une classe dominante et aisée, et qui relèvent donc d'un accès restreint.

L'art décoratif se propose alors comme art social, puisque qu'il accompagne l'homme, et devient alors partie intégrante d'une société, un « art au service de fins déterminées par la société », « où l'on construit pour abriter la vie et l'exprimer ». On le veut égalitaire, pensé pour la société et non pour telle ou telle classe. Il abrite et exprime la vie, et par cette définition vient allier deux notions qu'on tente généralement à opposer : l'utile et le beau.

Nous verrons quelle conséquences ces articulations -abriter & exprimer, l'utile & le beau- ont sur la notion d'art.

« La grâce et la beauté n'en sont que les parures extérieures ; la flamme de l'esprit luit au fond du sanctuaire. Examinez le monument dans son ensemble avec la volonté d'en pénétrer le sens ; il apparaît comme un hommage à la création et à la vérité ». Ces propos de Roger Marx célèbre une œuvre au travers d'une comparaison avec un temple. Le temple se révèle comme un édifice particulièrement intéressant puisqu'il est depuis toujours l'alliance entre l'accueil des humains et une beauté ornementale au service du divin. L'alliance d'art et de vie y est de tout temps présente, mais Jacques Rancière vient à le nuancer selon les modes de pensée et de constructions qui ont permis son édification. Si les temples grecs, leur symétrie parfaite, leurs statues lisses et harmonieuses, « sont de l'art pour nous parce qu'ils ont été, pour ceux qui le faisaient, autre chose que de l'art, l'expression de la vie de leur peuple » comme le disait Hegel ; John Ruskin vient défaire cette idée en expliquant qu'il ne s'agit pas là d'un véritable art social, associant à cette perfection géométrique grecque les termes suivants : « perfection de la vie oisive », « majesté indiffèrente », « regard vide de leurs dieux » ; témoignant d'une vie idéalisée qui dès lors ne serait plus la vie réelle. Ce ne serait pas non plus « l'expression de la liberté d'un peuple », puisque que les hommes qui l'ont édifié n'étaient que des forces physiques mises au service d'une directive de construction, d'une décision d'architecture prise par un seul maître.

Dès lors, on estime qu'un art social au service de la société se doit d'être un art collectif, pensé par et pour le collectif. Il doit allier « l'adaptation à une fin fonctionnelle et la libre expression de l'imagination ». Il doit en effet répondre à un besoin humain, pratique, fonctionnel, mais aussi apporter joie et satisfaction à ceux qu'il prétend servir, et ce alors par « l'expansion du soi », soit l'action satisfaisante de la libre expression.

Et c'est ici que Ruskin vient nous parler de l'art gothique, qui s'exprime également dans les lieux de cultes religieux. Il concède que cet art est « imparfait », comparé par exemple à la rigueur grecque, mais que cette imperfection tient du résultat d'une force collective libre ; l'édifice étant exécuté « par des artisans d'inégal talent mais tous également soucieux d'imprimer leur marque ».

On arrive à une nouvelle difficulté de l'art social : Hegel dira que cet art gothique échoue à « imposer à la matière les formes de l'idée », qu'il s'agit par conséquent d'un art bancal, incomplet car n'étant pas l'expression fidèle d'une pensée créatrice. Mais Ruskin décidera au contraire de défendre un art « humain », imparfait mais par conséquent voué au « progrès » ; et qui surtout exalte le travail de l'homme dans « la joie à exécuter », dans le geste « impatient » qui exécute, et qui s’exécute au nom de la libre expression. Ruskin explique donc la puissance de cet art gothique et symboliste comme « l'assimilation

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