Étude du film Le dictateur de Charlie Chaplin
Dissertation : Étude du film Le dictateur de Charlie Chaplin. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar • 6 Mai 2015 • 2 103 Mots (9 Pages) • 2 062 Vues
HDA : Fiche analyse « le Dictateur » C . CHAPLIN
Période : Epoque contemporaine, XX ème siècle
Arts du visuel / cinéma
Thématique : ?uvre d’art et pouvoir : résistance
Le Dictateur (le film) dans l'histoire
Pour comprendre correctement le Dictateur de Chaplin, il faut absolument tenir compte du moment de sa réalisation entre 1938 et 1940. Le schéma ci-dessous permet de situer le film dans son contexte historique précis.
Fiche technique :
Titre « Le dictateur » ( titre original = the great dictator)
Date de sortie USA : 15 Oct 1940 (en France sortie en Avril 1945)
Scénario et réalisation : Charles CHAPLIN
Format : Noir et blanc, 35 mm
Genre : Comédie
Durée : 125 minutes
Distribution : (principaux personnages)
Charles Chaplin = le barbier juif+ Adenoid HYNKEL (dictateur de Tomanie, directement inspiré d’Adolf Hitler)
Jack Oakie = Benzino NAPALONI (dictateur de Bacterie, son nom est la contraction de Napoléon et de Mussolini dont il est la caricature)
Reginald Gardiner = Commandant SHULTZ
Henry Daniell = GARBITSCH (contraction en anglais de garbage et rubbish/déchet et ordure) ce nom évoque Goebbels le ministre de Hitler
Billy Gilbert = Maréchal HERRING ( “le hareng” contraction de Hermann Goering, autre dignitaire nazi qui inspire ce personnage)
Paulette Godard = Hannah
Maurice Moscovitch = Mr JAECKEL
Synopsis:
Au cours de la première guerre mondiale, un barbier juif, soldat sur le front, sauve la vie du pilote SCHULTZ. Devenu amnésique, le soldat après quelques années à l’hôpital retrouve sa boutique désormais placée au c?ur du ghetto. Hynkel le dictateur de la Tomanie qui est presque le sosie du barbier a mis en place une politique de discrimination envers le peuple juif. Accusé de comploter contre le régime, le barbier est arrêté et se retrouve en prison en compagnie de SCHULTZ devenu un opposant. Les deux compères s’évadent pendant que la Tomanie envahit l’ Osterlich. Des soldats vont ensuite confondre Hynkel (qui sera arrêté comme fugitif) et le barbier juif ( contraint de prendre la place du dictateur et d’improviser un discours à la radio dans lequel il prendra position pour la liberté, l’ égalité et la fraternité des hommes soit l’exact contraire des thèses habituellement prônées par le véritable Hynkel).
Les références historiques : (source Michel Condé)
Hynkel est évidemment une caricature de Hitler: on reconnaît notamment sa moustache, ses uniformes ou encore sa manière de parler lors de meetings ou à la radio. Chaplin montre bien d'ailleurs tous les instruments dont Hitler s'est servi pour constituer son personnage et imposer sa propagande aux Allemands: avec ses uniformes, Hitler aimait ainsi se montrer en militaire, en chef de guerre prêt au combat, par opposition aux autres hommes politiques en civil désignés alors comme des lâches; par ailleurs, en public, il ne discutait pas, il ne parlait pas mais il criait, il hurlait sa haine des démocraties et des Juifs, notamment lors des meetings du parti nazi. Mais à l'égard des «bons» Allemands, il montrait aussi un visage plus aimable comme lorsqu'il posait pour les photographes avec de jeunes enfants sur les bras ou qu'il arborait un costume traditionnel comme celui que porte Hynkel lors de la chasse aux canards sur le lac.
Dans cette propagande, les meetings comme celui mis en scène à la fin du film jouaient un rôle essentiel: ils devaient montrer la force et la puissance des troupes nazies rassemblées autour de leur chef. Un de ces meetings fut d'ailleurs filmé par une cinéaste pro-nazie, Leni Riefenstahl: Le Triomphe de la volonté, film réalisé en 1935, fut largement montré en Allemagne et en Europe pour servir la cause hitlérienne. La scène finale du Dictateur est ainsi une réponse et un démenti apporté à toute cette propagande.
Outre le cinéma, un instrument fut particulièrement important pour diffuser la propagande nazie: la radio. À cette époque en effet, la télévision était inconnue, et les discours de Hitler retransmis essentiellement par la radio ont été largement écoutés par les Allemands de plus en plus favorables à ses propos guerriers et racistes.
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Mais la réalité qui se cachait derrière la propagande est largement dévoilée dans Le Dictateur. Les Juifs sont cantonnés dans des ghettos où ils subissent les violences des bandes armées: SA et SS ont d'ailleurs exercé des violences bien pires que celles montrées dans le film. Des détails comme le mot «Jew» («Juif») inscrit sur la vitrine d'un magasin sont authentiques, les nazis voulant ainsi dissuader les «Aryens» d'acheter dans les magasins juifs (marqués d'un «Jude» en allemand).
Finalement, le barbier va connaître un sort plus dramatique encore puisqu'il sera envoyé dans un camp de concentration : ici aussi, le fait est véridique puisque les nazis ont ouvert les premiers camps de concentration dès leur arrivée au pouvoir (Dachau en 1933, Buchenwald en 1937). Ils y enfermèrent des Allemands opposés au nazisme et des Juifs arrêtés arbitrairement lors de pogromes [c'est-à-dire des manifestations violentes dirigées contre les Juifs] comme «la nuit de Cristal». Très vite, les violences exercées dans ces camps furent connues à l'étranger même s'il ne s'agissait pas encore de véritables camps d'extermination (comme Auschwitz qui sera équipé fin 1941 de chambres à gaz).
On rappellera également que Hynkel suspend les persécutions contre les Juifs quand il essaie d'obtenir de l'argent du banquier juif Epstein (quand celui-ci refusera, il relancera les persécutions): ici aussi, Chaplin fait référence à des faits réels, à savoir que les nazis ont pris toute une série de mesures pour déposséder les Juifs de leurs biens et notamment les plus fortunés d'entre eux comme la famille des banquiers Rothschild (dont une branche était installée depuis des siècles en Allemagne). Jusqu'à l'entrée en guerre, les nazis forcèrent par toutes sortes de moyens les Juifs à quitter le pays mais ils les empêchèrent également de transférer leur argent à l'étranger: les Juifs pouvaient donc quitter le pays mais ils étaient ruinés.
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Outre la répression politique et le racisme des nazis, Chaplin dénonce la volonté guerrière de Hitler: contrairement à beaucoup de ses contemporains, le cinéaste était bien conscient que la volonté de domination militaire de Hitler ne se limiterait pas à quelques régions frontalières l'Autriche, la Tchécoslovaquie mais menaçait la paix mondiale. La scène où l'on voit Hynkel jouer avec une mappemonde montre bien la mégalomanie du personnage, c'est-à-dire sa folie consistant à croire qu'il peut devenir le maître du monde.
Un dernier détail trahit également la mégalomanie de Hynkel/Hitler, sa volonté de toute-puissance : la démesure de son palais où il est obligé d'appeler sa secrétaire avec une trompette! La folie des grandeurs de Hitler s'est en effet traduite par des constructions monumentales comme la «Chancellerie du Reich» construite en 1938 où la salle des ministres faisait, paraît-il, plus de 600m2.
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Autour de Hynkel, on trouve des personnages secondaires qui sont également inspirés de personnalités authentiques du régime nazi. Ainsi, le conseiller Garbitsch, qui accompagne notamment Hynkel pendant les «négociations» avec Napaloni, est certainement inspiré de Joseph Goebbels qui était le ministre de l'Information et de la propagande dans le régime hitlérien: c'est lui en particulier qui diffusa de façon la plus active la haine des Juifs dans l'Allemagne nazie. Le conseiller militaire Herring est quant à lui la caricature évidente de Hermann Göring, le commandant de l'armée de l'air allemande: comme Herring, Göring se caractérisait par sa large taille, son goût pour les décorations et les uniformes voyants, son arrogance mais également sa soumission à Hitler.
(En revanche, le personnage de Schultz auquel le barbier sauve la vie pendant la première guerre mondiale ne parait pas inspiré d'une personnalité nazie précise: il s'agit essentiellement d'un personnage de fiction.)
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Plus important sans doute est Napaloni, le dictateur de «Bacteria», rival de Hynkel, et qui est directement inspiré deBenito Mussolini, le dictateur fasciste italien. Il faut savoir que Mussolini prit le pouvoir en Italie dès 1922 et qu'il apparaissait ainsi un peu comme le «modèle» ou «l'aîné» de Hitler. Il y eut pendant toute l'avant-guerre une petite concurrence entre Hitler et Mussolini qui étaient en fait alliés contre les démocraties mais qui prétendaient chacun être «le plus grand dictateur»: c'est pour cela que Garbitsch a l'idée par exemple de «rabaisser» Napaloni en le faisant s'asseoir sur un fauteuil à ras de terre, ou que Napaloni se félicite d'être plus acclamé que Hynkel lui-même. (La seconde Guerre mondiale modifiera cependant les rapports entre Hitler et Mussolini, l'armée allemande se révélant très supérieure dans ses conquêtes à l'armée italienne, au moins jusqu'en 1942).
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Il y a bien d'autres détails historiques très reconnaissables dans le film: ainsi, la «grosse Bertha» était bien un énorme canon utilisé par les Allemands pendant la première Guerre mondiale pour bombarder Paris; les uniformes des troupes de choc de Hynkel ressemblent aux uniformes nazis (notamment ceux des SA qui étaient surnommés «les chemises brunes») tandis que la forme de leurs casques rappelle celle des casques allemands à pointe de la première Guerre mondiale; et bien sûr l'insigne du parti de Hynkel, une double croix affichée partout, est un décalque ironique de la croix gammée...
Analyse du discours de Hynkel (début du film)
1) Le spectateur comprend très vite que Hynkel est en réalité Hitler : quels éléments de ressemblance existent entre le personnage de Hynkel et Hitler ? moustache, coupe de cheveux, costume militaire, omniprésence de la double croix qui rappelle la croix gammée du parti nazi (unique), gestes de la main et ton de la voix.
2) Quels sont les thèmes évoqués dans le discours ? - discours contre les libertés (de parole notamment)- discours militariste- appel au sacrifice individuel ( se serrer la ceinture) pour la patrie, le régime nazi- les jeunes filles aryennes doivent faire de nombreux enfants pour venir grossir les rangs des soldats au service de Hynkel- antisémitisme- Hynkel fait la liste des pays d’Europe qu’il compte envahir. Dénonciation du contenu des discours d’Hitler, qui apparaît comme un homme dangereux.
3) Comment s’exprime Hynkel ? Pourquoi sa manière de s’exprimer semble-t-elle ridicule ?
- gestuelle très théâtrale- vocifération- langue à moitié incompréhensible : mélange des langues (anglais, allemand et des mots visiblement inventés), auquel se mêlent des borborygmes, des toussotements : tout cela suscite le rire mais aussi l’inquiétude face à la brutalité et à la violence du discours qui ressort à travers les gestes, le ton, le regard de fanatique de Hitler. = parodie des discours de Hitler pour la théâtralité des gestes, le ton vindicatif, mais cela est exagéré par la violence sur les micros (qui se plient de terreur quand Hynkel s’emporte contre les Juifs) et aussi tourné en ridicule (toussotements, épisodes des verres d’eau, discours à moitié incompréhensible…)
4) Pourquoi les commentaires de l’interprète après chaque grande tirade de Hynkel donnent-ils une touche d’humour supplémentaire à l’ensemble de la séquence ?
Décalage entre le temps de parole de Hynkel (long) et le résumé très succinct du commentateur = impression que Hynkel parle beaucoup pour ne rien direDécalage entre les propos apparemment tenus (ton violent de Hitler contre les Juifs # le commentateur adoucit en disant que Hynkel a fait « allusion aux Juifs » !)Enfin, alors que Hynkel énumère les pays qu’il veut envahir, le commentateur déclare que « Hynkel porte la paix en son c?ur » ! Malhonnêteté caractérisée (dénonciation de la propagande).
5) Comment s’appellent les 2 ministres présents aux côtés de Hynkel ?
Herring (hareng en allemand, avec une blague sur le Bismarck Herring qui est un plat) qui veut obéir en se serrant la ceinture comme le demande Hitler mais est à l’évidence gras et Garbitsch (Garbage signifie ordure en anglais), qui est le responsable de la propagande (= Goebbels dans la réalité).
6) Quels éléments de cette séquence montrent et tournent en ridicule le culte de la personnalité dans le régime nazi ?
Derrière Hynkel, des dignitaires du régime ; il s’adresse à une foule qui l’applaudit après chaque grande tirade, fait le salut nazi ; mais d’un simple geste (lui-même grotesque), Hynkel fait applaudir ou arrêter d’applaudir la foule : signe de l’obéissance totale des masses au dictateur. Ce qui est à la fois drôle et inquiétant != Chaplin a bien observé la mise en scène dans les manifestations de masse comme lecongrès du parti nazi à Nuremberg.
7)Que veut montrer Chaplin à travers ce discours ?
En nous faisant rire aux dépens de Hynkel, Chaplin nous fait réfléchir (et a fait réfléchir ses contemporains) sur les aspects inquiétants de Hitler et de son régime :- la violence de son discours (expansionnisme, antisémitisme…)- la mise en scène soigneuse des discours de Hitler devant les masses.- l’obéissance aveugle des foules (culte de la personnalité)Hitler apparaît comme un véritable fou qu’il faut combattre. Pour un artiste comme Chaplin, les armes sont d’abord celle de l’humour, du burlesque.
Le film fut pourtant accueilli froidement : isolationnisme américain (refus d’entrer en guerre), et dans certains pays comme la France, il n’est sorti sur les écrans qu’à la fin de la guerre. Ce film est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs de l’histoire du cinéma, tant par le talent humoristique de Chaplin que par le courage et la perspicacité dont il fit preuve à l’époque où Hitler tout puissant se lançait à la conquête de l’Europe…
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