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Corrigé type francais devoir 1 1 ere S

Analyse sectorielle : Corrigé type francais devoir 1 1 ere S. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  3 Juin 2019  •  Analyse sectorielle  •  5 714 Mots (23 Pages)  •  1 291 Vues

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Objet d’étude : La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours [Nous ferons systématiquement apparaître dans nos propositions de corrigés, les différentes étapes qui doivent structurer votre devoir ; cela vous permettra de voir plus facilement comment doivent se construire vos réponses. Cette présentation n’est évidemment pas à reproduire dans vos devoirs.] Question (4 points) Comment ces auteurs nous enseignent-ils à accepter la culture des autres peuples ? Proposition de corrigé Introduction [1. Phrase d’accroche sur le thème du corpus] Les grands voyages d’explorateurs comme Marco Polo ou Vasco de Gama ont ouvert la voie, au XVe siècle, à la découverte de nouveaux peuples, de nouvelles cultures, qu’il a souvent s’agit de rallier, avec plus ou moins de violence, à nos propres cultures. Mais déjà, durant l’Antiquité, les ventes d’esclaves avaient pour conséquences de mettre en rapport des peuples et des cultures différentes. [2. Présentation du corpus dans une phrase rédigée, en lien avec l’accroche] De nombreux auteurs se sont penchés sur ce phénomène, de Plutarque, dans sa Vie de Nicias, au philosophe des Lumières Jean-Jacques Rousseau, dans le Discours sur les fondements et l’origine de l’inégalité parmi les hommes, qu’il publie en 1755 ; l’anthropologue Claude Levi-Strauss poursuit cette réflexion dans son œuvre Race et Histoire, publiée en 1952. [3. Reprise de la question posée, puis annonce du plan]. Ainsi, nous pouvons nous demander comment ces auteurs nous enseignent à accepter la culture des autres peuples. Nous analyserons dans un premier temps les différentes thèses des auteurs sur ces cultures nouvelles, avant de nous pencher sur l’efficacité de leur argumentation. Développement : premier argument Tout d’abord, nous pouvons remarquer que les trois auteurs partagent le même avis sur la confrontation entre les cultures : il s’agit avant tout pour eux de savoir être tolérants face aux différences culturelles, ne pas les rejeter sans réfléchir, ne pas chercher non plus à les assimiler aux nôtres à tout prix. Plutarque fait de ce partage culturel une raison suffisante pour avoir la vie sauve, ou pour retrouver sa liberté. Il prend l’exemple des Athéniens partageant avec leurs geôliers leur connaissance du poète et dramaturge Euripide pour justifier le pouvoir du partage de la culture : « Plusieurs même durent leur salut à Euripide. » Le philosophe précise ensuite « qu’ils avaient été affranchis pour avoir appris à leurs CNED Première – FR11 – 2018 1 Corrigé-type du devoir 1 FRANÇAIS – FR10 maîtres ce qu’ils se rappelaient de ses poèmes, les autres, qu’en errant après le combat ils avaient reçu à manger et à boire pour avoir chanté ses vers. » On perçoit bien ici le pouvoir de la poésie sur la violence de l’esclavagisme ou sur celle liée aux combats. Rousseau déplore quant à lui que l’on veuille toujours « lire » les cultures nouvelles selon nos propres références, sans être capables d’y porter un regard neuf et tolérant ; il le dit en ces termes : « encore paraît-il aux préjugés ridicules qui ne sont pas éteints, même parmi les gens de lettres, que chacun ne fait guère sous le nom pompeux d’étude de l’homme que celle des hommes de son pays. » Revenant plus spécifiquement sur les comptes rendus de voyages, Rousseau regrette qu’ils ne décrivent pas réellement les différences de mœurs et de culture : « On n’ouvre pas un livre de voyages où l’on ne trouve des descriptions de caractères et de mœurs ; mais on est tout étonné d’y voir que ces gens qui ont tant décrit de choses, n’ont dit que ce que chacun savait déjà, n’ont su apercevoir à l’autre bout du monde que ce qu’il n’eût tenu qu’à eux de remarquer sans sortir de leur rue, et que ces traits vrais qui distinguent les nations, et qui frappent les yeux faits pour voir ont presque toujours échappé aux leurs. » Claude Levi-Strauss enfin, peut-être plus clairement encore que Rousseau, dénonce dans cet extrait de Race et Histoire la tendance des hommes à porter un jugement négatif sur les formes culturelles différentes des nôtres. Il le précise dans cette phrase sonnant comme une vérité générale : « L’attitude la plus ancienne, et qui repose sans doute sur des fondements psychologiques solides puisqu’elle tend à réapparaître chez chacun de nous quand nous sommes placés dans une situation inattendue, consiste à répudier purement et simplement les formes culturelles morales, religieuses, sociales, esthétiques, qui sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions. » Comme Rousseau et comme Plutarque qui le font de manière plus implicite, il prône la tolérance culturelle : « En refusant l’humanité à ceux qui apparaissent comme les plus ‘’sauvages’’ ou ‘’barbares’’ de ses représentants, on ne fait que leur emprunter une de leurs attitudes typiques. Le barbare, c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie. » Développement : deuxième argument Par ailleurs, pour convaincre leurs lecteurs, les auteurs utilisent des procédés argumentatifs efficaces. Deux d’entre eux, Rousseau et Levi-Strauss, condamnent l’attitude la plus commune des hommes face aux cultures nouvelles, avant d’en appeler à la tolérance. Plutarque quant à lui passe par un procédé inverse, c’est-à-dire qu’il condamne l’attitude des Siciliens ayant fait prisonniers les Athéniens, pour mieux valoriser l’attitude des Athéniens partageant leur culture avec leurs geôliers. Ainsi, on retrouve chez Plutarque des termes péjoratifs pour décrire l’attitude des Siciliens (« cette ignominie »), tandis que les Athéniens sont décrits en termes mélioratifs, suscitant l’adhésion du lecteur (« leur modestie et leur bonne conduite »). L’échange de culture est également décrit en termes très positifs, l’auteur utilisant des noms appartenant au champ lexical de l’amour et du partage : « Il paraît qu’entre tous les Grecs du dehors, il n’en était pas qui eussent pour ses poésies autant de passion que ceux de Sicile. Chaque fois que les voyageurs leur en apportaient des fragments et leur en faisaient goûter quelques essais, ils les apprenaient par cœur, et se les transmettaient avec amour les uns aux autres. » Rousseau et LeviStrauss sont davantage dans la condamnation d’une attitude ; par exemple, le philosophe des Lumières n’hésite pas à utiliser des termes péjoratifs pour dénoncer l’attitude qui consiste à aller observer sans répit les autres peuples  : «  Depuis trois ou quatre cents ans que les habitants de l’Europe inondent les autres parties du monde et publient sans cesse de nouveaux recueils de voyages et de relations », « chacun ne fait guère sous le nom pompeux d’étude de l’homme que celle des hommes de son pays ». L’auteur manie également l’ironie à plusieurs reprises, pour se moquer des conquêtes religieuses d’une part, mais aussi lorsqu’il emploie l’expression « ce bel adage de morale » pour évoquer le fait que « les hommes sont partout les mêmes » selon ces observateurs. Levi-Strauss attaque également notre attitude de rejet des cultures nouvelles, et condamne l’attitude qui consiste à d’abord répudier ce que l’on ne connaît pas : « on refuse d’admettre le fait même de la diversité culturelle ; on préfère rejeter hors de la culture, dans la nature, tout ce qui ne se conforme pas à la norme sous laquelle on vit. » L’anthropologue utilise différents exemples pour soutenir ses arguments, en particulier des exemples linguistiques : le mot « barbare » dans l’Antiquité et le mot « sauvage » dans nos cultures occidentales. Les deux extraits s’achèvent sur un appel à la tolérance, l’un par une question rhétorique (« Ne verra-t-on jamais renaître ces temps heureux… ? »), l’autre par une phrase sonnant comme un adage : « Le barbare, c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie. ». 2 CNED Première – FR11 – 2018 corrigé 1 Conclusion : bilan Ainsi, ces trois auteurs, à des époques différentes, continuent à en appeler à la tolérance culturelle. L’efficacité de leur argumentation repose sur des procédés différents, mais tous condamnent l’attitude qui consiste à rejeter les nouvelles cultures, ou à vouloir les rapporter à nos propres repères culturels. Travail d’écriture (16 points) Commentaire Rappel du sujet Vous ferez le commentaire du texte de Levi-Strauss. Proposition de corrigé Introduction « en entonnoir » [1. Accroche] Selon l’UNESCO, la « diversité culturelle multiplie les choix, nourrit un éventail de compétences, de valeurs humaines et de visions du monde et tire du passé la sagesse nécessaire pour éclairer l’avenir. » Pourtant, il ne nous est pas toujours évident d’accepter les différences culturelles et de les considérer comme des richesses ; au contraire, ce qui est différent de nos coutumes, de nos mœurs, nous fait généralement peur et suscite une réaction de rejet de notre part. [2. Présentation de l’auteur et de son œuvre en général] C’est d’ailleurs ce qu’affirme l’anthropologue Claude Levi-Strauss, dans l’un de ses ouvrages, Race et Histoire, publié pour la première fois en 1952. Cet ethnologue rencontrera le succès auprès du grand public lors de la parution de son ouvrage Tristes tropiques, en 1955 ; mais déjà apparaissent dans Race et Histoire les thèses de Levi-Strauss, qui condamne le racisme et en appelle à plus de tolérance envers les différentes cultures. [3. Présentation du passage étudié] Le passage soumis à notre étude est extrait du chapitre trois ; dans ce passage, l’auteur cherche à décrire l’attitude des hommes face à la diversité culturelle et, d’une certaine manière, à l’expliquer tout en la condamnant. [4. Annonce de la problématique] Ainsi, nous pouvons nous demander comment l’auteur parvient à rendre son argumentation contre l’intolérance culturelle particulièrement efficace. [5. Annonce du plan] Nous étudierons dans un premier temps la rigueur dans la construction argumentative du passage, avant de nous intéresser à la condamnation faite par l’auteur de l’attitude des hommes. Développement : première partie [1er alinéa : annonce de l’axe et des sous-parties] Dans ce premier mouvement consacré à l’étude de l’efficacité argumentative (=Axe I), nous analyserons tout d’abord la construction rigoureuse du texte (=1er argument), avant de nous pencher sur le développement des arguments et des exemples par l’auteur (2e argument). Enfin, nous nous intéresserons à la thèse de Levi-Strauss, qui défend la diversité culturelle (=3e argument). [2e alinéa  : 1er argument] Nous remarquons en premier lieu que le passage est divisé en trois paragraphes. Les deux premiers paragraphes semblent mettre en opposition deux réactions, comme le prouve l’adverbe « rarement apparue aux hommes », qui s’oppose à une attitude habituelle, qualifiée par le superlatif « la plus ancienne » et qui « tend à réapparaître chez chacun de nous ». La deuxième attitude, la plus commune, est beaucoup plus développée par l’auteur que la première, mais c’est bien dans le premier paragraphe que s’exprime la thèse de Levi-Strauss. La suite différemment. La syntaxe avec mise en emphase de l’expression « Le barbare », reprise par le présentatif « c’est », met en valeur l’aspect universel et véridique de cette affirmation qui clôt notre passage : « Le barbare, c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie. » On note un changement de ton entre ce dernier paragraphe et les deux précédents ; en effet, jusqu’alors, Claude Levi-Strauss avait utilisé de nombreux modalisateurs, comme pour faire mieux accepter ses arguments à un lecteur qui ne serait pas d’emblée convaincu. Nous pouvons relever par exemple les verbes impersonnels « Il semble » ou « il est probable », les locutions adverbiales « plutôt » ou « sans doute », ou encore la formulation « une sorte de ». À l’inverse, dans les dernières lignes du texte, l’ethnologue est tout à fait catégorique dans ses affirmations, et il ne laisse plus de place à l’hésitation. [3e alinéa : 2e argument] Par ailleurs, nous pouvons remarquer que le deuxième paragraphe est plus développé que les deux autres car c’est dans ce passage que l’auteur déploie des exemples venus étayer ses arguments. Ainsi, les premières lignes annoncent l’argument, formulé au présent de vérité générale (« L’attitude la plus ancienne […] consiste à répudier purement et simplement les formes culturelles […] qui sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions. »). S’ensuivent trois exemples, qui font tous appel à des référents linguistiques. En effet, si l’on observe le nombre d’expressions mises entre guillemets (« Habitudes de sauvages », « cela n’est pas de chez nous », « on ne devrait pas permettre cela »), on s’aperçoit que ce qui prouve en partie cette intolérance, c’est le langage ; c’est par le langage que s’exprime notre rejet des autres cultures. L’adverbe « ainsi » amène deux exemples plus précis : celui de l’emploi du mot « barbare » durant l’Antiquité, et celui du mot « sauvage » en Occident. La conjonction « or » annonce l’analyse de ces deux exemples, analyse qui renvoie à une étude étymologique des deux termes : selon Levi-Strauss, nous opposons notre propre culture, que nous plaçons du côté de la civilisation, aux autres cultures, que nous renvoyons au monde « animal ». Ces deux exemples et l’analyse qui en est faite viennent prouver la thèse, que l’auteur formule avec un « on » impersonnel qui semble l’inclure dans l’ensemble de l’humanité, et au présent de vérité générale encore une fois : « Dans les deux cas, on refuse d’admettre le fait même de la diversité culturelle ; on préfère rejeter hors de la culture, dans la nature, tout ce qui ne se conforme pas à la norme sous laquelle on vit. » On voit bien ici que les deux termes « culture » et « nature » sont mis en antithèse, comme pour mieux prouver notre rejet. [4e alinéa : 3e argument] La thèse de l’auteur apparaît donc très clairement, et à deux reprises dans ce passage. En effet, l’expression « pour ce qu’elle est » vient proposer comme vraie une définition de « la diversité des cultures » par l’anthropologue. Cet aspect de définition est d’autant plus claire qu’elle est précédée par deux-points et formulée dans une phrase averbale : « un phénomène naturel, résultant des rapports directs ou indirects entre les sociétés ». On comprend par l’emploi de l’adjectif « naturel » que si la diversité des cultures est « naturelle », c’est bien notre attitude de rejet qui ne l’est pas. Ainsi, Lévi-Strauss dénonce dans ce passage la tendance des hommes à porter un jugement négatif sur les formes culturelles qui sont différentes des leurs. En d’autres termes, il prône la tolérance et l’ouverture culturelle, qui consisteraient à ne pas considérer les autres cultures comme moins bonnes que la nôtre, comme moins civilisées. [5e alinéa : bilan / transition] En usant de procédés argumentatifs particulièrement rigoureux, comme l’exige souvent le genre de l’essai, l’auteur parvient donc à formuler une condamnation vigoureuse de l’intolérance des hommes face à la diversité des cultures. Penchons-nous à présent sur le fond de ses reproches. Deuxième partie [1er alinéa : annonce de l’axe et des sous-parties] À présent, intéressons-nous à la condamnation faite par l’auteur de l’attitude des hommes (=Axe II). Pour cela, nous analyserons dans un premier temps le vocabulaire décrivant notre attitude face aux différentes cultures (=1er argument), avant de nous pencher sur ce que cette attitude dit du caractère de l’homme (2e argument). Enfin, nous nous intéresserons à la nouvelle définition que Claude Levi-Strauss donne du « barbare » (=3e argument). [2e alinéa : 1er argument] Tout d’abord, nous pouvons remarquer que le vocabulaire utilisé par l’auteur pour décrire l’attitude de rejet des hommes est particulièrement agressif. On relève ainsi l’expression « réactions grossières », où l’adjectif qualificatif est à percevoir ici dans le sens de peu élaborées, peu réfléchies, et nous présentent comme des êtres d’impulsion, et non de réflexion. Le parallélisme entre 4 CNED Première – FR11 – 2018 corrigé 1 les deux compléments d’objet « ce même frisson, cette même répulsion », tend à donner la même image de nous, qui laissons parler nos instincts de peur, des instincts presqu’animaux, face aux différentes cultures. L’auteur va plus loin encore lorsqu’il nous accuse, par la comparaison du premier paragraphe, de définir « la diversité des cultures » comme « une sorte de monstruosité ou de scandale ». Le nom commun « monstruosité » est particulièrement fort, et révèle une attitude qui va au-delà du rejet, et se rapproche davantage du dégoût. Rappelons l’étymologie du terme, qui renvoie à « celui que l’on montre » (parce qu’il est différent, parce qu’il est inquiétant). On perçoit bien ici la condamnation formulée par l’auteur de notre attitude face à ce qui est différent. L’énumération du deuxième paragraphe formule par ailleurs le fait qu’aucun domaine n’échappe à notre rejet, ce qui trahit bien notre intolérance ; toutes les « formes culturelles » sont en effet concernées : « formes culturelles morales, religieuses, sociales, esthétiques ». L’homme n’est pas capable, selon l’anthropologue, d’accepter des formes culturelles trop différentes des siennes, comme le prouve le superlatif qui clôt le passage précédemment cité : « les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions ». Cette attitude de rejet en dit donc beaucoup sur le caractère de l’homme, comme nous allons le voir à présent. [3e alinéa  : 2e argument] En effet, l’auteur porte un regard un peu désabusé sur le caractère des hommes ; il semble ne pas nous croire capables d’une forme quelconque de tolérance ou d’évolution dans l’acceptation des autres cultures. Ainsi, dès le premier paragraphe, il précise que nous sommes incapables d’évoluer, comme le prouve l’antithèse entre « le progrès de la connaissance » et « cette illusion », et celle entre « une vue plus exacte » et « l’accepter ou trouver le moyen de s’y résigner ». Toute cette phrase formule donc un constat d’échec, qui tend à prouver qu’une meilleure connaissance des autres cultures ne nous amène pas à plus de tolérance : « dans ces matières, le progrès de la connaissance n’a pas tellement consisté à dissiper cette illusion au profit d’une vue plus exacte qu’à l’accepter ou à trouver le moyen de s’y résigner. » Par ailleurs, l’auteur semble mettre cette incapacité à la tolérance sur le compte de notre condition elle-même. Il explique en effet cette attitude par le fait qu’elle « repose sans doute sur des fondements psychologiques solides puisqu’elle tend à réapparaître chez chacun de nous quand nous sommes placés dans une situation inattendue ». L’emploi de l’expression « fondements psychologiques solides » vient mettre cet aspect en valeur : nous serions tous, en quelque sorte, par notre nature même, condamnés à l’intolérance. Ce fait est d’ailleurs justifié par le développement d’exemples qui remontent jusqu’à l’Antiquité gréco-latine, ce qui tendrait à prouver que l’auteur a raison. Enfin, cette attitude d’intolérance et notre incapacité à évoluer sont également mises en valeur par la formule qui ferme le deuxième paragraphe : «on refuse d’admettre le fait même de la diversité culturelle ». Ici, le verbe « refuser » marque une attitude fermée et butée, qui fait de l’homme un être caractériel, peu capable d’évolution. [4e alinéa : 3e argument] Enfin, le texte s’achève sur une affirmation qui nous renvoie face à notre absurdité. Par un retournement de situation, toute l’argumentation que vient de développer Levi-Strauss se retourne contre nous-mêmes, puisque les arguments qui nous ont été attribués pour rejeter la diversité des cultures finit par faire de nous-mêmes les « barbares ». L’usage des guillemets pour reprendre les termes que l’on est supposés avoir prononcé à l’encontre des cultures différentes (« sauvage », « barbare ») vient prouver que c’est bien nos propres paroles que l’auteur reformule, et qu’il les met à distance de son opinion personnelle. C’est bien de notre attitude de rejet qu’il est encore question dans le dernier paragraphe, et l’on perçoit bien la reformulation de la thèse de l’auteur dans la reprise du verbe « refuser », mis cette fois au participe présent : « En refusant l’humanité à ceux qui apparaissent comme les plus ‘’sauvages’’ ou ‘’barbares’’ de ses représentants, on ne fait que leur emprunter une de leurs attitudes typiques ». Ainsi, la dernière phrase sonne véritablement comme une sentence à notre égard, une condamnation qui ne se cache plus derrière des exemples. « Le barbare, c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie. » : contrairement au reste du passage, l’auteur ici ne s’inclut plus dans un « on » ou un « nous » général, mais il attaque de manière frontale, par un argument ad hominem, le lecteur qui n’accepterait pas la diversité des cultures, nous obligeant à remettre en cause tout un système de pensées profondément ancré dans nos cultures et nos façons de penser, et qui consisterait à considérer que nos cultures sont « civilisées », tandis que les autres sont « sauvages ». Cette attitude, selon l’auteur, nous place du côté même des « barbares » que nous dénonçons, mais auquel lui ne « croit » pas. [5e alinéa : bilan] Ainsi, Claude Levi-Strauss a cherché à démontrer la tendance ancienne des hommes à l’intolérance, par un vocabulaire particulièrement péjoratif ; il réussit par ailleurs le tour de force de retourner nos propres arguments contre nous-mêmes, nous mettant dans une situation absurde, qui nous oblige à prendre le contre-pied de notre propre thèse et à adhérer à la sienne. CNED Première – FR11 – 2018 5 corrigé 1 Conclusion [Bilan / réponse à la problématique] Ce passage célèbre de l’essai Race et Histoire dénonce donc l’attitude de rejet des hommes face à la diversité culturelle, tout en proposant une nouvelle définition du « barbare ». Le lecteur ne peut qu’adhérer à la thèse de l’auteur, qui fait preuve d’une grande rigueur et d’une vraie force de conviction. [Ouverture] Cet extrait n’est pas sans évoquer un passage célèbre de l’œuvre de Montaigne, le chapitre « Des Cannibales », extrait des Essais, dans lequel l’auteur tente lui aussi de définir la notion de « barbarie ». [Vous pouviez choisir d’ouvrir sur un autre texte du corpus proposé, par exemple celui de Rousseau, ou sur l’un des textes que vous avez étudiés durant votre séquence. Dans tous les cas, vous devez justifier le rapprochement.] Écriture d’invention Rappel du sujet Vous êtes un marin, et vous partez à la découverte d’un autre pays, d’un autre peuple, d’une autre culture. Écrivez le « journal de bord » dans lequel vous consignez vos réflexions et vos observations sur les différences entre les deux peuples et sur les découvertes que vous faites en abordant sur une île nouvelle qui vous enchante par son mode de vie. Proposition de corrigé Le 12 octobre 1775 Depuis la frégate « L’oiseau bleu ». Nous approchons des côtes du Brésil. Voilà près de trois mois que nous avons quitté notre beau pays de France, trois mois que nous naviguons sur une mer tour à tour calme ou déchaînée, trois mois de complicité forcée avec tous mes compagnons sur le bateau, matelots et rats… Après des moments de découragement, des instants de doute, voilà enfin les côtes du Brésil en vue ! Tout prend sens aujourd’hui ; nous allons enfin pouvoir observer ce pays encore inconnu de nous, étudier la faune, la flore, rapporter des pierres, des végétaux, dessiner les paysages, et qui sait, peut-être même rencontrer des humains ? Le 14 octobre 1775 Sur l’île. Nous avons accosté il y a de cela quelques heures à peine. Nous sommes arrivés en pleine nuit, avons laissé la frégate en pleine mer et pris les rafiots pour rejoindre l’île. Nous avons alors décidé de dormir sur l’étendue de sable noir en attendant que le soleil soit suffisamment haut pour nous permettre de découvrir les côtes dans de bonnes conditions. Il faisait doux, nous étions épuisés, notre sommeil fut très lourd… À notre réveil, nous étions encerclés par des hommes à la peau mate, des traits de peinture rouge sur les joues, une lance à la main. Ils étaient absolument terrifiants ! Mais pour tout dire, ils semblaient aussi effrayés de nous voir là, couchés sur leur plage dans nos guenilles d’Européens, que nous de les découvrir penchés sur nos visages à notre réveil ! Etait-ce la fatigue, la surprise ? Je ne pus m’empêcher de partir d’un grand éclat de rire en nous observant ainsi, terrorisés les uns par les autres, sur cette plage à l’autre bout du monde. Celui qui paraissait être le chef, après un instant d’hésitation, rit à son tour, d’un rire saccadé, ouvrant grand sa bouche sur des dents éclatantes de blancheur. Ce rire commun fut le signe de l’entente, et tous les hommes se jetèrent alors sur nous pour toucher nos cheveux, nos vêtements. Nous n’étions pas en reste, et avec plus de pudeur mais pas moins de curiosité, nous découvrions à notre tour leurs colliers d’os et de feuilles, leurs cheveux d’ébène, les peintures sur leur peau dorée. Alors, l’un d’entre eux poussa ce qui nous sembla être un cri inarticulé, mais dans la minute qui suivit, des femmes et des enfants arrivaient sur le bord de mer. Ce fut une liesse générale, qui ne s’acheva qu’à 6 CNED Première – FR11 – 2018 corrigé 1 la nuit tombée. Nous découvrîmes leur village, les huttes de paille, toutes semblables, nous mangeâmes des fruits sucrés et ce qui nous parut être quelque graine proche de notre blé européen. Le peuple du Brésil nous accueillit avec chaleur, et installa chacun d’entre nous dans une hutte déjà habitée ; en ma qualité de capitaine de la frégate, je fus désigné comme le chef, et je fus reçu pour ma part dans la hutte de l’homme le plus peinturluré du village – ce qui m’amène à croire qu’il est lui aussi le chef, bien que sa demeure ne diffère en rien de celles des autres habitants. Quand je songe aux demeures de nos princes, je ne peux qu’être plongé dans la confusion… Le 18 octobre 1775 À l’aide de signes, de sons, nous arrivons à nous faire plus ou moins comprendre. Leur chef s’appelle Apak, et leur tribu porte vraisemblablement le nom d’Arumbaya – même si notre prononciation les fait hurler de rire à chaque fois. Ils ont une manière de rouler les R qui rappelle la langue espagnole ou allemande, et ont un dialecte très mélodieux, qui monte loin dans les aigus et descend profondément dans les graves, à tel point que notre appareil vocal d’Européen ne semble pas capable de tout prononcer. Nous nous amusons beaucoup à tenter de reproduire les sons de leur dialecte. Eux nous appellent par nos prénoms, en faisant chanter les voyelles. Mais la joie de notre rencontre a été ternie par la mort, le jour de notre arrivée, de l’un des hommes de la tribu. Pour tout dire, je dis « ternie », mais les Arumbayas ne semblaient pas vraiment tristes. Nous avons pu assister à leur rite funéraire. Le vieil homme était sans doute mort de façon naturelle, il paraissait très âgé. Son teint était devenu gris, ses yeux et ses lèvres avaient été clos et peints en noir, ce qui rendait son visage particulièrement impressionnant, pour nous, habitués à plus de poudre sur les visages des morts… Nous avons pu comprendre, par leur cérémonie, que l’enterrement consistait à renvoyer le corps du mort à la Terre, à le rendre à la nature. Un petit bûcher avait été dressé sur la plage même où nous avons accosté, un bûcher de bois entouré de fleurs et de feuilles. Le corps a été posé à l’intérieur de ce bûcher, puis le chef a allumé un feu qui a consumé le bois, les fleurs, les feuilles et l’homme. Tout le monde chantait autour du feu, mais non pas des chants tristes comme on pourrait l’imaginer dans nos contrées, des chants de joie ! Les femmes, tout en psalmodiant, jetaient des fleurs blanches dans l’écume des vagues, les hommes tapaient le sol de leur lance, dans un rythme entraînant. Les enfants autour jouaient à s’attraper, ou ils dansaient. Nous étions sans voix mes camarades et moi. Les Arumbayas ne paraissaient pas affligés par ce décès, bien au contraire. Je crus comprendre, en essayant de discuter après cette cérémonie avec Apak, que pour eux, la mort signifiait un retour à la nature. Il me fit un dessin sur le sable qui donnait à peu près ceci : une feuille (la nature) -> un bébé -> un visage de mort, avec les yeux et les lèvres noirs -> de nouveau une feuille. Cette conception pourtant évidente de notre condition humaine me remplit à la fois d’une grande sérénité, mais aussi d’une grande tristesse. Comment envisager ainsi la mort, dans nos pays européens, où nous n’avons pour ainsi dire plus aucun contact avec la Terre, où l’argent, les possessions matérielles ont pris le dessus sur les rapports humains ? Comment avons-nous pu, à ce point, oublier que nous sommes avant tout fils et filles de la Nature ? Le 20 octobre 1775 Mes matelots et moi avons décidé de partir à la découverte du reste de l’île. Nous avons pris quelques vivres, des gourdes de peau remplies d’une eau bien fraîche, et sommes partis au fond de la forêt tropicale qui entoure le village de nos Indiens. Nous avons pu observer une faune et une flore étonnantes. Le dessinateur de notre équipée fit des aquarelles merveilleuses de cette flore luxuriante, et il dessina de petits insectes étonnants, mille-pattes colorés et papillons géants. Mais la tribu nous manquait et nous sommes assez vite rentrés au village. À notre retour, nous arrivâmes au moment de ce qui paraissait être un conseil de village. Des hommes et des femmes étaient réunis, assis en cercle. Chacun, tour à tour, prenait une pierre plate et parlait ; une fois qu’il avait terminé, il donnait la pierre à une autre personne, qui parlait à son tour. Parfois, on les voyait rire à l’une des remarques, d’autres fois leurs visages devenaient plus sérieux. Tous pouvaient parler. Le chef était installé au milieu des autres hommes et femmes, il hochait la tête mais lui ne prenait pas la parole. Il écoutait. Au bout d’un long moment d’échange, Apak prit la pierre à son tour, et s’adressa à chacun d’entre eux, comme s’il leur répondait. Alors chacun se leva et partit, non sans avoir tapé l’épaule d’Apak ou l’avoir pris dans ses bras, une seconde à peine. Certaines femmes se contentaient de poser leur front contre le sien, puis elles partaient à leur tour. Nous étions médusés, mes compagnons et moi. Était-ce leur « conseil des ministres » ? Qui étaient ces hommes et ces femmes, par rapport au reste du village ? Là encore, Apak put me faire comprendre que cette réunion CNED Première – FR11 – 2018 7 corrigé 1 avait lieu tous les six jours (il semble qu’ils n’aient pas de semaine de sept jours comme chez nous), et qu’y assistaient tous ceux qui avaient une réclamation, une question, quelque chose à transmettre au chef du village. Alors, les décisions étaient prises en commun, car tous pouvaient également proposer une solution. Les seules règles étaient de savoir écouter, et de ne parler qu’avec la pierre en main. Ainsi, vu qu’il n’y avait qu’une pierre, personne ne pouvait couper la parole aux autres, et tous étaient contraints d’écouter avant de parler à leur tour. Cela m’a parut un système très judicieux, et très respectueux de la parole de l’autre, et je me promis de soumettre l’idée de la pierre plate à mon retour en France. Le 30 octobre 1775 Nous avons été chassés de cette île paradisiaque ! Tout cela par ma faute, par la faute de cet amour inattendu qui m’a pour ainsi dire englouti… Je suis au désespoir, je perds un ami, Apak, et un amour, Lidor ! Comment n’ai-je pu retenir cette passion qui m’a littéralement submergé lorsque mes yeux se sont posés sur elle ? Elle était sur la plage, seule, à l’écart d’une cérémonie que nous appellerions cérémonie de mariage chez nous, mais qui, chez les Arumbayas, consiste à unir un futur père et une future mère d’un même enfant, sans pour autant qu’ils ne s’installent en couple, comme c’est le cas chez nous pour des époux, et des parents. Les Arumbayas vivent chacun dans leur hutte, les enfants sont pour ainsi dire élevés en commun, sauf le temps de leurs premiers mois, durant lesquels ils restent auprès de leur mère naturelle qui les allaite. On célébrait cette future naissance donc, dans la liesse, comme toujours chez ce peuple, les fruits et les sirops sucrés remplissaient des coupes faites en feuilles de bananiers, les hommes et les femmes chantaient, dansaient, revêtus de tenues colorées. Les futurs parents avaient été peints d’une couleur commune, et les enfants avaient dessiné des fleurs et des sourires sur le ventre déjà rond de la future mère. Je commençais à être fatigué par les chants et l’agitation, et décidai donc d’aller me mettre un instant à l’écart, sur la plage où nous avions accosté le premier jour. C’est sur cette plage que je la vis. Elle était assise au bord de l’eau, les pieds dans les petits cailloux roulant dans la mousse des flots. Il me sembla que mon cœur s’arrêta de battre à l’instant où je la vis. Elle se retourna, troublée par mon souffle. Et les choses se firent très simplement. Elle mit sa main sur son cœur, prononça son nom, Lidor. Je fis de même, mis la main sur mon cœur et prononçai le mien, François. Elle rit, murmura quelques mots qui semblaient dire qu’elle le savait déjà. Je ris à mon tour. Elle posa sa main sur mon bras, je crus défaillir, elle me regardait en souriant toujours. Elle glissa alors ses lèvres sur les miennes, et au moment où mes yeux se fermaient de tant de délices, j’entendis un hurlement. C’était Apak qui nous rejoignait, lance à la main, il semblait furieux. Il me rejeta loin de Lidor, me poussa dans le sable et me battit comme on bat un ennemi. J’étais totalement désorienté ! Que m’arrivait-il donc ? En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, mes compagnons et moi fûmes remis de force sur notre bateau, avec des vivres et des gourdes de peau emplies d’eau. J’avais vraisemblablement franchi une limite, j’avais enfreint une règle dont j’ignorais tout. Et par ma faute, nous étions condamnée à repartir chez nous, dans ce pays froid, pluvieux, sale, loin des Arumbayas, de leur joie, de leur chaleur. Loin de Lidor…

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