Faut-il en finir avec le PIB ?

Faut-il en finir avec le PIB ?

        Dans un discours prononcé le 18 mars 1968, le sénateur américain Robert Kennedy parlait du PIB comme un indicateur qui « mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue ». A l'époque déjà, certains s'élevaient ainsi contre l'utilisation faite du PIB et essayaient d'en montrer ses limites.

        Le PIB est le Produit Intérieur Brut. Il se définit, pour un pays, comme la somme des valeurs ajoutées et prend en compte toutes les activités qui ont lieu sur le sol du pays concerné. Il est calculé de manière annuelle, même si des estimations trimestrielles sont faites par certains instituts statistiques nationaux. Cet indicateur est utilisé à la fois d'un point de vue national au sens où il permet de mesurer la croissance d'un pays, mais il est aussi utilisé dans un but de comparaison internationale, en comparant entre chaque pays les niveaux absolus des PIB. C'est ainsi que la France est récemment passée au 7ème rang pour ce qui est de la puissance économique mondiale, l'Inde ayant eu un PIB plus important en 2017. Toutefois, certains économistes critiquent l'utilisation du PIB car, selon eux, il présenterait des lacunes. En effet, de par sa définition même, on peut se demander si le PIB est, par exemple, un bon indicateur du bien-être de la population, ce qui influe sans nul doute sur le moral, et donc l'économie, d'un pays.

        Au vue des différentes critiques émises, on peut donc se demander si le PIB est toujours un outil pertinent pour analyser le développement et la richesse d'un pays, et s'il faut en finir avec ce dernier pour lui préférer d'autres indicateurs.

        Nous traiterons cette question dans cette dissertation en montrant dans un premier temps que le PIB est un indicateur pratique, mais qu'il est à manipuler avec précaution (I). Dans une seconde partie, nous nous intéresserons au caractère imparfait du PIB, qui a conduit à la création et à l'utilisation de nouveaux indicateurs (II).

***

        Le PIB tel qu'introduit par Simon Kuznets est un indicateur pratique pour les pays, puisqu'il permet un suivi et une comparaison avec les autres pays du monde. Cependant, dans son utilisation, il faut faire preuve de prudence et de précaution. (I)

        On peut dans un premier temps constater que le PIB est un bon indicateur pour ce qui est d'évaluer la richesse et le niveau de vie des habitants d'un pays.

        De par sa définition même, le PIB apparaît comme un bon indicateur de la richesse d'un pays. En effet, le calcul du PIB additionne ce qui concerne le marchand, c'est-à-dire tous les biens et services produits pour être vendus sur un marché, et ce qui concerne le non-marchand, tous les services rendus par les administrations et qui ne font pas l'objet d'une vente sur un marché ou les richesses créés par les ménages. Pour calculer le premier, on additionne toutes les valeurs ajoutées des unités de production résidentes tandis que pour le second, on passe par la valeur des coûts des facteurs de production qui ont servi à la produire. On voit donc que le PIB mesure la production d'un pays, en prenant en compte ce qui est produit à l'intérieur de celui-ci. En cela, il est donc bien le reflet de la richesse de ce pays.

        Par ailleurs, le PIB est aussi un bon indicateur du niveau de vie d'un pays. Déjà, on peut penser que le niveau de vie d'un pays est lié aux richesses qu'il produit. En effet, ces richesses donnent lieu à des revenus qui peuvent ensuite être utilisés. De fait, si les habitants d'un pays sont capables de produire beaucoup de richesses, on pourra distribuer beaucoup de revenus et on aura un flux de capitaux dans l'économie. Le PIB est donc un bon indicateur du revenu global distribué dans l'économie, car la valeur ajoutée se transforme en grande partie en revenus. On peut même, en divisant le PIB par le nombre d'habitants, avoir une idée de la richesse de la population.

        Cependant, par exemple avec le PIB par habitant, il faut faire attention à ce que raconte le chiffre et ce qu'on peut en dire. Ainsi, le PIB ne se répartit pas de manière uniforme entre les habitants et donc il faut garder cela en tête dans l'analyse. De manière plus général, il faut utiliser le PIB avec précaution.

        On peut s'accorder sur le fait que le PIB permet de mesurer une évolution dans le temps et l'espace. En effet, le PIB mesurera, pour chaque unité de temps fixé, souvent un trimestre ou une année, et pour le même lieu, à savoir les frontières de l'espace national du pays concerné, la somme des valeurs ajoutées issues des productions marchandes et non marchandes. De fait, en regardant le PIB d'un pays pour chaque année, on peut effectuer une comparaison et calculer, par exemple, un taux de croissance. De même, en regardant le PIB de deux pays pour la même année, on peut effectuer une comparaison en valeur absolue en regardant lequel des deux a le PIB le plus élevé.

        Cependant, il faut faire attention avec les conclusions que l'on peut tirer de ces comparaisons car la valeur du PIB peut évoluer à cause d'une évolution de la production mais aussi à cause d'une évolution du prix. En effet, si un pays produit autant d'une année sur l'autre mais que les prix augmentent ou baissent pour une raison quelconque, on va mécaniquement avoir un PIB qui augmente ou qui baisse sans que cela ne résulte d'une modification des capacités de production. On voit donc ici une première précaution à prendre et qui est de regarder les évolutions du PIB en volume, c'est-à-dire du PIB déflaté afin de neutraliser l'effet des prix. L'évolution des prix peut être étudiée dans un autre temps et apporter de nouvelles informations ou compléter les analyses faites à partir du PIB.

***

        Au-delà même des précautions d'usage pour le PIB, on se rend vite compte que le PIB est imparfait par sa nature. En effet, sa définition de la richesse ne couvre pas toute la richesse d'un pays et il ne parvient pas à capter d'autres composantes importantes au développement d'un pays.

***

        Le PIB a été conçu comme un indicateur de mesure de la richesse, avec une définition de la richesse qui lui est propre, et exclut donc de son calcul la prise en compte d'autres variables comme le bien-être. De nouveaux indicateurs ont donc vu le jour pour palier à cela. (II)

...