Des Cannibales et Des Coches de Montaigne

MERCIER Milly                                                                                                                         106

                         Dissertation sur Des Cannibales et Des Coches de Montaigne

En 1991 le philosophe Michel Serres écrit dans le Tiers-Instruit: «il n’y a pas d’apprentissage sans exposition, souvent dangereuse, à l’autre». Serres, à travers cette citation, affirme que sans rencontrer l’autre, même si cette rencontre s’avère dangereuse, on ne peut pas apprendre ni le connaître.

Montaigne aborde le rapport avec l’autre dans Des Cannibales et Des Coches publiés dans ces essais en 1580. L’écrivain prend comme exemple des peuples que les Européens qualifient de «barbares» ou encore «sauvages». Pour éclairer sa pensée, il s’appuie sur la découverte d’un nouveau monde afin de s’interroger sur notre propre société, nos valeurs, nos mœurs…

Cependant, cette confrontation entre deux mondes opposés peut s’avérer périlleuse. Se pose ainsi la  problématique suivante : la rencontre entre deux cultures distinctes peut-elle être dangereuse ?

Nous allons d’abord voir que la confrontation à l’autre peut être nuisible et mettre en péril un peuple, mais qu’elle peut aussi être un apprentissage et une expérience riche dont peuvent jouir mutuellement les deux parties.

L’apprentissage est une expérience concrète de progrès vers la connaissance, qui peut être une ouverture sur le monde, sur la vie, par la multiplication des expériences, une interrogation sur soi-même, une prise de conscience de nos préjugés.

Dans ces essais , Montaigne dénonce les préjugés ethnocentriques, le goût qu’ont les Européens pour la torture et la violence et leur manière de rejeter tout ce qui leurs est différent. Comme a dit l’auteur dans Des Cannibales, «chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage». Les Européens sont motivés par le fait de coloniser et de s’approprier le Nouveau Monde comme l’Atlantide qui a voulu coloniser ses voisins dans Des Cannibales ou encore les Espagnols dans Des Coches qui, à la recherche de richesses rencontrent un peuple et se comportent comme des conquérants. On peut voir cette tendance qu’ont les hommes a vouloir conquérir et à pervertir les peuples qu’ils colonisent alors qu’avant leurs arrivés les peuples avaient une certaine innocence puisqu’ils avaient des comportements naturels, ils n’était pas pervers. «C’était un monde d’enfant» ou encore «Combien il eût été aisé de tirer parti d’âmes si neuves, si affamées d’apprentissage, ayant pour la plupart de si beaux commencements naturels» dit Montaigne dans Des Cannibales.

Claude Lévi-Strauss, dans son livre sur l’anthropologie «Race et Histoire» publié en 1952 dénonce l’ethnocentrisme. «On refuse donc d’admettre le fait même de la diversité culturelle; on préfère rejeter hors de la culture, dans la nature, tout ce qui ne se conforme pas à la norme sous laquelle on vit.» Lévi-Strauss est du même avis que Montaigne. Le fait que l’homme est ethnocentrique complique d’avance la rencontre puisque on a la quasi-certitude que l’homme ne se pliera pas au mœurs du pays et tentera même de se l’approprier en voulant intégrer ses normes et valeurs. Dans le Supplément au voyage de Bougainville, les Européens ont tenté de coloniser Tahiti et de réduire à l’esclavage ses habitants.  C’est ce que le vieillard tahitien revendique dans son discours. «Celui dont tu veux t’emparer comme de la brute, le Tahitien est ton frère. Vous êtes deux enfants de la nature; quel droit as-tu sur lui qu’il n’ait pas sur toi?» Cela montre bien que quand un peuple en rencontre un autre il y a toujours une sorte d’animosité qui se crée, l’un veut soumettre l’autre.

...