Serions-nous plus heureux si nous n'étions pas conscients ?

Serions-nous plus heureux si nous n'étions pas conscients ?

I - Il semble que la conscience nous éloigne irrémédiablement du bonheur...

Argt 1: Être conscient, c'est exister (ek-sister) ; autrement dit, l'homme est ce qu'il n'est pas et n'est pas ce qu'il est. Si le bonheur implique un sentiment de plénitude, la conscience représente la faille ou la fêlure qui vient toujours le miner. 

Réf. : la conscience comme ouverture au monde ; DC : être/exister.

Exemple : Lucrèce (disciple d'Epicure) De la nature des choses : « Au ceur même de la source des plaisirs, jaillit quelque chose d'amer qui, au sein des délices, vous reste dans la gorge ». Être heureux signifie implique de se dire qu'on l'est et, par conséquent, de ne plus l'être.

Argt 2: La conscience réflexive nous permet de faire retour sur nous-même, en nous distinguant des autres. Cela peut induire de la gêne, du mal-être > 'self-conscious' : nerveux, embarrassé par son apparence et ce que les autres en pensent.

Réf. : DC : sentiment de soi/conscience de soi :l'enfant, qui n'a pas encore conscience de soi, n'est pas gêné. L'enfance : image de l'innocence, de l'insouciance et, partant, du bonheur. Le sentiment de soi renvoie à l'inconscience et à l'immédiateté de la vie enfantine ; la conscience de soi, médiate, conduit à des rapports compliqués avec soi-même (se mentir à soi-même, être en colère contre soi, ne pas s'aimer, etc.). 

Exemple : L'autobiographie de Sartre (Les Mots): le petit Sartre est opéré de l'appendicite et emmené chez le coiffeur ; alors que les deux événements alarment sa mère, il ne se rend pas compte de la situation et, au contraire, se montre très content.

Agrt 3: La conscience morale nous fait réaliser la portée de nos actes et la responsabilité qui nous incombe. Cette dernière nous renvoie à notre liberté qui est source d'incertitude, voire de tourments.

Réf. : Sartre, L'existentialisme est un humanisme : le concept d'angoisse.

Exemple : le chef militaire qui prend une décision ou interprète les ordres qu'il a reçus.

Agrt 4: La conscience de la temporalité nous empêche d'être réellement heureux. C'est la conscience du temps qui passe ou même de la mort (quel que soit le bonheur que l'on connaît, il ne durera pas). 

Réf. : Pascal : « Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais » ; Schopenhauer : on n'est heureux que sur le mode de la nostalgie ou du regret. 

Exemple : la liberté/la santé/la jeunesse.

Transition : Ainsi, si nous faisons bien l'expérience du bonheur sous la forme du plaisir ou de la joie, le bonheur en tant que sentiment durable ou état permanent ne nous paraît guère atteignable à cause de notre conscience. Cependant, l'absence de conscience est-elle la garantie de davantage de bonheur et, surtout, pouvons-nous y parvenir ? Autrement dit, en tant qu'êtres conscients, pouvons-nous « annuler », voire « annihiler » notre conscience ?

II - L'absence de conscience peut-elle conduire au bonheur ?

Argt 1: Il est possible de chercher à abolir la conscience afin de trouver le bonheur. On cherche alors à endormir ou étourdir la conscience afin d'obtenir une forme de délivrance. L'usage d'alcools, de drogues ou autres sont recherchés pour leur effet sédatif (tranquillisant). 

Réf. : Baudelaire, Les paradis artificiels sur le haschich (qu'il condamne), le vin et l'opium. Cf. extrait : Le goût de l'infini.

Argt 2: Se servir de l'art comme échappatoire. La contemplation esthétique devient une façon de s'arracher au monde et au cycle du désir.

Réf. : Schopenhauer et la contemplation des Idées ; suspension de la volonté et du désir : le sujet devient le « sujet pur de la connaissance ». 

Exemple : Manhattan de Woody Allen (le début film : Manhattan, en noir et blanc, avec la musique de Gershwin).

Argt 3: Si la conscience vise toujours un au-delà du moment présent (passé ou avenir) et s'empresse de juger, l'adhésion à la réalité', sans jugement, permet de se libérer l'esprit (tranquillité de l'âme). Réf. : la phantasia kataleptikè chez les Stoiciens, qui s'exprime sous forme de tautologie (il pleut, donc il pleut ; un tel est mort, donc un tel mort, etc.) et qui permet d'atteindre l'ataraxie par le bon usage de nos représentations

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