Phénoménologie de la perception
Étude de cas : Phénoménologie de la perception. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Yaya987 • 1 Novembre 2017 • Étude de cas • 1 784 Mots (8 Pages) • 656 Vues
En effet, le "travail de la négativité" dont nous parle Hegel est d’abord fondamentalement celui de la conscience. Quand nous disons "La Nature" nous évoquons un vaste ensemble d’êtres et de choses dont nous faisons nous-mêmes partie, mais qui pourrait exister sans nous, qui précéderait notre naissance et subsistera après notre mort. A un niveau élémentaire, la Nature révèle la présence d’un monde pré-humain : elle désigne ce qui existe indépendamment de toute intervention humaine, comme un ensemble de choses produit de manière autonome, et organisé selon un ordre précis. Dans cette Nature, nous ne sommes qu’une poussière fugitive. Et pourtant, cette Nature ne serait rien si nous ne pouvions la percevoir. Elle est un spectacle déployé devant moi dont j’occupe le centre et que je crée en ouvrant les yeux, que j’abolis en les fermant et que je bouleverse dès que je fais un pas. Elle entre dans une perspective qui n’existe que pour moi seul ; elle m’offre une variété innombrable de qualités sensibles, de contacts, de couleurs, de sons, d’odeurs et de saveurs qui me permettent de discerner les choses les unes des autres, de choisir entre elles pour régler mon action, de reconnaître en elles le double caractère d’utilité et de beauté qui leur donne avec moi une certaine affinité. Ainsi, pour l’enfant qui vient à la conscience, cette Nature que chacun touche et sent est le monde qui s’étale sous ses yeux et qui lui semble extérieur et indépendant de lui. Le premier réveil de la conscience face à la Nature qui semble extérieure est un réveil conquérant : il est si bien convaincu de l’extériorité des choses qu’il cherche à les expliquer en les assimilant ; le bébé veut tout ingurgiter pour que rien ne reste à l’extérieur. A cette boulimie digestive, succède une boulimie de l’intelligence qui veut comprendre pourquoi chaque chose est ce qu’elle est, et pas autre. Nous retrouvons ici le questionnement de nature philosophique. Tout philosophe, en effet, adresse au monde un questionnement logique. Ou plutôt, il le lui impose, puisque son entreprise n’a d’autre but que de trouver du sens à ce qui, de prime abord, n’en a pas. Face à ce qui ne se donne pas à penser, le philosophe s’étonne donc : pourquoi de l’existence partout, "cette profusion d’êtres sans origine" ? (cf. Sartre, La nausée) : "La nature dans l’univers entier ne montrait qu’un même visage informe, que les Grecs appelaient chaos, masse brute et confuse" (cf. Ovide, Métamorphoses, I, V.). Cet état de "non-sens", nous l’éprouvons comme une affliction intolérable, une sorte de crime perpétré contre la dignité morale de notre raison. Il faut donc que cette apparente impensable réalité dépende d’un "logos" essentiel, d’une raison universelle dont l’intention cachée pourra se dire dans une "parole fondamentale de la métaphysique" (Heidegger). C’est en ce sens qu’Heidegger montrera que le destin de la métaphysique tient à un coup de force de la pensée humaine, à une décision qui pose en même temps une pensée (logos), une nature (physis), et un cosmos, c’est-à-dire une nature comme ordre. Autrement dit, la philosophie s’impose un dire qui fait écran sur le chaos, sur l’absolu désordre, impensé et impensable. Or, ce logos s’identifie à la puissance ordonnatrice du réel. Le Dieu de la métaphysique, l’entendement divin, est le modèle de l’entendement humain, véritable "créateur" du discours ordonnateur. Et c’est pourquoi le philosophe, en mobilisant sa force conceptuelle voulue sur le modèle de la raison divine, se révèle capable de saisir l’intelligence des choses.
Ainsi, ce qui est en cause dans cette interrogation d’une frange du réel (le sujet) sur le réel dans son entier (la Nature), c’est qu’elle s’effectue au nom d’une structure dont le statut paraît "naturellement" ambigu et paradoxal : notre mode d’appréhension "des choses", c’est-à-dire la conscience, s’offre à la fois comme signe tangible de notre appartenance au monde et aptitude symbolique à distancier ce dernier pour s’en abstraire. La conscience, c’est la volonté d’accueillir la Nature sans jamais l’intégrer. Ce que l’esprit constate, en effet, il s’en détache puisqu’il pourrait le concevoir autrement et qu’il y a en lui plus de possibilités que celles offertes par le réel. Le fait de la conscience est de s’affirmer par-delà toute présence manifeste, bref d’imposer sa culture. La conscience, qui veut rendre compte (ou conte ?) du réel en attestant en nous de la présence du surnaturel, qui cherche à récupérer puis intérioriser quelques bribes de ce réel qui est le non-moi par excellence, peut-elle vraiment prétendre atteindre quelque chose d’effectif en dehors d’elle ? Quel rapport y-a-t-il entre la Nature où je vis et qui me contient, et ce sensible que je vois, que je touche mais que je ne connais que parce que ma conscience l’enveloppe ? D’un côté, la Nature "existe" partout sans nous, mais de l’autre elle n’est (et ne naît) qu’en qualité d’objet fantasmatique (la "loi physique" est d’abord un modèle produit par l’entendement scientifique, de même que le "beau" est le produit de notre sensibilité et imagination dans le domaine artistique…) ; comme une sorte de possible narratif émanant de notre intelligence symbolique, de notre personne métaphysique ou de notre sensibilité métaphorique. Ce langage de la nature, que le philosophe, le scientifique ou le rêveur cherchent à dévoiler partout, n’est-il pas autre chose qu’une illusion fondamentale qu’élabore le discours humain pour résister à l’entropie du monde (la précarité de l’ordre
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