Peut-on désobéir à l'Etat ?
Dissertation : Peut-on désobéir à l'Etat ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar rosa.bergeon • 9 Septembre 2021 • Dissertation • 5 693 Mots (23 Pages) • 564 Vues
Rosalie Bergeon
Terminale 2
PHILOSOPHIE
Peut-on désobéir à l’Etat ?
La question: "Peut-on désobéir à l’Etat ?” nous amène à analyser les différents sens du verbe pouvoir. Le verbe pouvoir signifie une aptitude, une capacité, une possibilité d’action. Mais, il existe un second sens, qui indique la permission de faire quelque chose. C’est celui-ci que nous retiendrons: nous verrons si désobéir à l’Etat est possible sur le plan légal, sous entendant “a-t-on le droit de désobéir ?”, sur le plan moral: “est-il légitime et moralement souhaitable de désobéir ?”, mais aussi sur le plan politique, “quel est l'impact de la désobéissance dans un État?". Ces trois dimensions, légale, morale et politique, seront les axes de notre réflexion. Le verbe pouvoir, qu’il soit en termes de capacité ou de droit, se réfère la plupart du temps à des règles, des conventions : des lois. Alors la notion d’Etat prend son sens en tant que puissance structurée juridiquement, qui a la vocation d’être une autorité légale et légitime. Du latin status, qui signifie « forme de gouvernement, régime », l’Etat avec une majuscule, désigne la personne morale de droit public qui, sur le plan juridique, représente une collectivité, un peuple ou une nation, à l'intérieur ou à l'extérieur d'un territoire déterminé sur lequel elle exerce le pouvoir suprême, la souveraineté L'Etat est la forme la plus élaborée de la vie commune d'une société humaine. Il exerce son pouvoir par le biais du gouvernement. Par extension, l'Etat désigne l'ensemble des institutions et des services qui permettent de gouverner et d'administrer un pays : ministères, directions, préfectures, délégations, administrations ... L’Etat apparaît alors comme la charpente essentielle de la société qui régit et organise le pays en assurant le respect des lois. Pour le philosophe Kant, la société repose sur: liberté et loi. Il défend la république au sens de “pouvoir avec liberté et loi” et affirme que “le maintien de l’organisation de l’Etat, une fois qu’elle est établie” est la règle la plus importante qui permet le maintien de la société. Pour le philosophe anglais Hobbes, qui théorise dans son ouvrage, Le Léviathan, « le pacte social », l’homme doit abandonner sa liberté naturelle pour gagner la sécurité et l’ordre en remettant l’autorité judiciaire et législative dans les mains d’un homme. Ainsi l’Etat peut être considéré comme instrument de sécurité, qui fait respecter les lois pour garantir à ses citoyens leurs libertés, leurs droits et leurs devoirs. Dans n’importe quel Etat, l’obéissance des individus est une condition essentielle pour pouvoir gouverner, c’est d’ailleurs Socrate, inébranlable, qui lors de sa condamnation à mort, refuse de s’enfuir, car sinon il enfreindrait les lois d’Athènes et refuse cela. Son ami Criton ne comprend pas sa décision, puisqu'il a été accusé à tort, mais Socrate répond qu’il préfère rester fidèle aux lois athéniennes et a donc le devoir de ne pas désobéir aux lois, peu importe les conséquences. S’il suivait le conseil de son ami, en revanche il serait coupable de désobéir à la ville, alors que Socrate dit qu’il « n’est jamais bien d’être injuste, ni de répondre à l’injustice par l’injustice.». La question de la désobéissance est clairement politique, et peut être polémique, voire condamnable. Pour ce qui est de la désobéissance envers l’Etat, ici nous traiterons cette question uniquement dans le cadre d’un Etat dit démocratique, appuyé par des institutions clairement établies et légitimes, qui ne procèdent pas de l’arbitraire d’un homme ou d’un groupe. On peut cependant retenir de l’histoire quelques grands enseignements. Le premier est que par une obéissance aveugle à un gouvernement d’un Etat de droit, il est possible de laisser advenir un État autocratique, comme par exemple le gouvernement de Vichy en France en 1940. Le second est que dans des situations de non droit, désobéir relève davantage d’un acte de courage, voire de résistance, puisque dans un Etat autocratique, la propension naturelle des peuples paraît être l’obéissance. En effet l’obéissance, dans un cas de soumission, assujettit et déresponsabilise l’individu qui ne peut exercer son jugement critique et ne peut donc pas participer à la vie politique. En ce sens, l'obéissance protège parce qu’elle conditionne l’individu et l’empêche de s’opposer à l’Etat, le bride de toute potentielle révolte, qui dans un régime tyrannique serait fortement punie et condamnée. S’attaquer à un Etat de non droit, c’est accepter de sortir de la sécurité de l’immobilisme et de la soumission, et c’est prendre parfois d’immenses risques. Le troisième enseignement qui peut en être tiré réfère à des situations de non droit (ségrégation, dictature ou régime autoritaire) : en ces circonstances il paraît simple de légitimer la désobéissance en invoquant simplement le besoin de justice. Mais alors, dans une démocratie ou un Etat de droit, pouvons-nous désobéir ?
Tout d’abord, nous définirons ce qu’est la désobéissance, puis à travers le « peut-on » nous verrons à la fois le pendant juridique et moral de cette possibilité de désobéir.
La désobéissance à l’Etat peut se manifester sous différentes formes, allant de la violation pure et simple de la loi dans l’exemple de la délinquance, jusqu’à la contestation et remise en cause du régime existant, à travers l’action de militants, de révolutionnaires, parfois prêts à user de la violence pour obtenir ce qu’ils veulent. Pour les penseurs anarchistes l’Etat est à rejeter en bloc, parce qu'il broie les individus d’après Proudhon, ou parce qu’il représente toujours la domination d’une classe privilégiée, élite, sur les masses d’après le philosophe Bakounine, et ce quelque soit les pratiques démocratiques qui l’ont amené à exercer l’autorité. Pour autant, certains auteurs pensent la désobéissance à l’Etat de manière moins radicale, on trouve alors dans la désobéissance, celle au nom de la conscience : la « désobéissance civile », traduction littérale de l’expression américaine civil disobedience. Ce terme fut théorisé par le philosophe américain Henry David Thoreau, dans l’ouvrage Résistance au gouvernement civil (1849). Il refusa d’abord de payer un impôt destiné à soutenir la guerre contre le Mexique, puis par opposition à la politique esclavagiste de l’époque. Parti en guerre contre l’esclavage, il décide de ne plus respecter la loi qu’on souhaite lui imposer : « En fait, je déclare tranquillement la guerre à l’Etat à ma manière, bien que je continue à avoir recours autant que possible à tous les avantages qu’il offre, comme il est d’usage en de pareils cas. ». Pour Thoreau, la loi est une forme de violence que l’on doit refuser, tout comme l’autorité d’un gouvernement civil, au nom de la responsabilité individuelle. La révolte reste donc un acte personnel, et il n’est pas question chez lui de lancer un appel à une émancipation collective. Il fut emprisonné une nuit pour ses écrits et sa pensée. Sa réflexion fut une source d’inspiration pour de grandes figures comme Gandhi, qui découvrit ses écrits alors qu’il était lui-même incarcéré en Afrique du Sud pour avoir de la même façon refusé de payer ses impôts. Il ne pouvait qu’être sensible à ces théories qui serviront de base à son propre combat, ou encore à Martin Luther King et Nelson Mandela.
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