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Le langage fait-il de l'homme un animal à part ?

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Par   •  6 Mars 2022  •  Cours  •  6 493 Mots (26 Pages)  •  420 Vues

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Le langage fait-il de l’homme un animal à part ?

Si nous demandions à l’homme de la rue à quoi sert le langage, il nous répondrait sans doute à communiquer. Dans le monde très médiatique dans lequel nous vivons, il semble aller de soi que le langage soit d’abord voué à la communication. La communication est aujourd’hui un mot à la mode plus encore c’est un impératif contemporain : « il faut communiquer. Il y a des spécialistes en communication, des conseillers en communication, des outils de communication ; la communication est une discipline enseignée et incontournable dans les formations politiques ou commerciales. On nomme souvent une époque par une caractéristique technique dominante, et bien, de la même manière qu’il y a eu l’âge du fer, l’âge du bronze, l’ère industrielle, nous somme aujourd’hui dans l’ère de la communication

Mais si par langage, on entend un moyen de communication, alors les animaux eux aussi ont un langage parce qu’il est évident qu’ils communiquent si l’on entend par communication la capacité de transmettre des informations à ses congénères.

Alors le langage humain est-il un instrument de communication particulier parmi d’autres ou bien y a-t-il une spécificité du langage humain ? Le langage n’est-il pas le propre de l’homme ? Le langage ne fait-il pas de l’homme un animal à part ?

C’est incontestable les animaux, en tous cas, de nombreuses espèces animales, disposent d’un système de communication. Ainsi quand vous approchez d’un buisson où se tiennent des oiseaux ou des cigales, vous remarquez aussitôt des transformations de leurs chants, des modifications dans la modulation de leurs chants. Ces animaux en effet modulent leurs chants en fonction de la présence d’une espèce hostile, neutre ou amicale. L’animal ne le fait pas évidemment pour lui-même, mais pour ses congénères qu’il avertit de cette manière. On peut dire que l’animal émet une information vers ses congénères. Et chacun a pu observer que beaucoup d’animaux expriment leurs besoins ou leurs sensations par toute sorte de signaux.

Les signaux dont les animaux font usage pour communiquer sont de nature extrêmement variée. Il peut s’agir principalement : • de signaux comportementaux : attitudes, postures, mouvements, gestes; • de signaux sonores et le cas échéant vocaux : cris, chants, claquements de bec chez la cigogne, stridulations chez les sauterelles, battements d’ailes, etc. • de signaux olfactifs : phéromones, dépôt de fluides, notamment pour marquer le territoire de chasse ou de reproduction • de signaux tactiles : particulièrement prépondérants dans les relations parents-enfants chez certains mammifères. L’épouillage, dans les groupes de singes, qui implique d’importants contacts corporels, est également un moyen majeur de communication, qui contribue à tisser et renforcer les rapports sociaux.

Comme Montaigne alors on peut dire que les animaux ont un langage. Montaigne écrivait en effet : « qu’est-ce que parler sinon cette faculté que nous leur voyons de se plaindre, de se réjouir, de s’entrappeler au secours… »

Ainsi certains animaux supérieurs comme les singes vervets possèdent 3 ou 4 cris différents pour désigner les divers prédateurs : - Lorsqu’une sentinelle perchée en haut d’un arbre aperçoit un aigle au loin, elle lance un cri d’alarme, et tous les vervets nichés dans des branches hautes descendent précipitamment, tandis que ceux qui sont au sol se mettent à couvert. - Un autre cri signale la panthère et provoque l’effet inverse. - En cas d’alerte au python, les singes se tiennent tous à l’affût (redressement sur les pattes arrière) afin de repérer le prédateur.

Autre exemple, le chant chez les baleines dont les principales fonctions consistent à séduire les femelles lors des périodes de reproduction, marquer le territoire ou intimider des concurrents. - Autre fonction possible : signaler l’identité et la position géographique

Mais doit-on analyser leur mode d’expression de la même manière que le fait Montaigne, ou bien ne doit-on pas tenter de penser le langage animal sans l’assimiler au nôtre ? Pensez le mode d’expression animal comme un langage, n’est-ce pas déjà présupposé comme acquise l’idée d’une identité entre l’homme et l’animal qui est elle-même à approfondir ?

Il est peut-être possible d’éviter une telle confusion en suivant les analyses de la psychologie du comportement tirées de PAVLOV qui explique les comportements des êtres vivants essentiellement à partir d’une description des stimuli en provenance de l’environnement) et des réactions de l’individu). Ainsi quand le chimpanzé voit un prédateur s’approcher de lui il réagit par la fuite. On dit alors qu’un stimulus déclenche une réaction. De même quand le guetteur pousse un cri en direction de la tribu, il émet un signal qui semble jouer le rôle d’un stimulus indirect, celui qui correspondrait au stimulus direct de la vue d’un prédateur. Les singes réagissent aussitôt et se dispersent dans les arbres.

Indéniablement donc, les animaux disposent de signaux innés ou acquis, en nombre très variable selon les espèces, qui leur permettent de transmettre des informations mais pour parler, stricto sensu, de langage il faudrait prouver qu’en réalité ils disposent non pas seulement d’un système de signaux mais d’un système de signes porteurs d’une pensée. Pour mieux comprendre la différence entre un signal et un signe, je vous invite à faire un peu de linguistique, science du langage fondée par de Saussure et à lire le texte du linguiste français Émile Benveniste portant sur les travaux de Karl Frisch.

 Karl von Frisch a écrit un livre qui s’appelle Vie et mœurs des abeilles. Il montre que les abeilles ont un système de signaux différenciés extrêmement complexes, qui constitue pleinement un langage par lequel les abeilles se donnent des ordres ou des signaux par des danses dont l’orientation et la vitesse varient. Par exemple, l’ordre d’aller chercher de la nourriture pour la ruche ou le signal d’alerte qui prévient toutes les abeilles que la ruche est attaquée. On a remarqué aussi qu’elles volent en traçant des huit plus ou moins grands pour indiquer à la ruche la distance à laquelle elles ont aperçu un gisement de nourriture.

 La danse en cercle annonce que l’emplacement de la nourriture doit être cherché à une faible distance, dans un rayon de cent mètres environ autour de la ruche. Les abeilles sortent alors et se répandent autour de la ruche jusqu’à ce qu’elles l’aient trouvé. L’autre danse, que la butineuse accomplit en frétillant et en décrivant des huit (wagging dance), indique que le point est situé à une distance supérieure, au-delà de l’cent mètres et jusqu’à six kilomètres. Ce message comporte deux indications distinctes, l’une sur la distance propre, l’autre sur la direction. La distance est impliquée par le nombre de figures dessinées en un temps déterminé; elle varie toujours en raison inverse de leur fréquence. Par exemple, l’abeille décrit neuf à dix «huit» complets en quinze secondes quand la distance est de cent mètres, sept pour deux cent mètres, quatre et demi pour un kilomètre, et deux seulement pour six kilomètres. Plus la distance est grande, plus la danse est lente. Quant à la direction où le butin doit être cherché, c’est l’axe du «huit» qui la signale par rapport au soleil; selon qu’il incline à droite ou à gauche, cet axe indique l’angle que le lieu de la découverte forme avec le soleil. Et les abeilles sont capables de s’orienter même par temps couvert, en vertu d’une sensibilité particulière à la lumière polarisée. Les abeilles, percevant l’odeur de la butineuse ou absorbant le nectar qu’elle déglutit, apprennent en outre la nature du butin. Elles prennent leur vol à leur tour et atteignent à coup sûr l’endroit. L’observateur peut dès lors, d’après le type et le rythme de la danse, prévoir le comportement de la ruche et vérifier les indications qui ont été transmises.

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