Explication d’un texte d’Alain : « L’âme, c’est ce qui refuse le corps »
Cours : Explication d’un texte d’Alain : « L’âme, c’est ce qui refuse le corps ». Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Benjamin138 • 2 Mai 2022 • Cours • 2 824 Mots (12 Pages) • 654 Vues
Explication d’un texte d’Alain : « L’âme, c’est ce qui refuse le corps »
Éric Delassus
L’âme c’est ce qui refuse le corps. Par exemple, ce qui refuse de fuir quand le corps tremble, ce qui refuse de frapper quand le corps s’irrite, ce qui refuse de boire quand le corps a soif, ce qui refuse de prendre quand le corps désire, ce qui refuse d’abandonner quand le corps a horreur. Ces refus sont des faits de l’homme. Le total refus est la sainteté ; l’examen avant de suivre est la sagesse ; et cette force de refus, c’est l’âme. Le fou n’a aucune force de refus : il n’a plus d’âme. On dit aussi qu’il n’a plus de conscience, et c’est vrai. Qui cède absolument à son corps, soit pour frapper, soit pour fuir, soit seulement pour parler, ne sait plus ce qu’il fait ni ce qu’il dit. On ne prend conscience que par opposition de soi à soi. Exemple : Alexandre à la traversée d’un désert reçoit un casque plein d’eau ; il remercie et le verse par terre devant toute l’armée. Magnanimité ; âme c’est-à-dire grande âme. Ce beau mot ne désigne nullement un être mais toujours une action.
Notions en jeu
La matière et l’esprit, le sujet, la conscience, la morale, la liberté.
Introduction
À la question de savoir en quoi consiste l’âme et quel rapport elle entretient avec le corps, Alain répond ici que « l’âme, c’est ce qui refuse le corps ». On pourrait donc croire, après une première lecture qu’il oppose l’âme et le corps comme s’il s’agissait de deux réalités distinctes qui s’affronteraient en un même être qui serait l’homme. Cependant, si on lit ce texte de manière plus détaillée, on peut remarquer que la manière dont Alain appréhende la
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Alain, Définitions.
question de l’âme et du corps est tout à fait originale, dans la mesure où elle ne consiste pas à opérer une distinction métaphysique et substantielle entre ce qui relèverait en l’homme de la matière et ce qui serait de l’ordre de l’esprit. En effet, Alain traite la question des rapports entre l’âme et le corps sous un angle uniquement morale, c’est-à-dire en montrant quelle place occupe ce qu’il désigne par le terme d’âme, lorsque nous agissons en pleine conscience dans un autre but que celui de satisfaire les impulsions immédiates du corps. Néanmoins, sa position n’est pas, à proprement parler, dualiste, il ne prétend pas que l’homme est un composé de deux natures distinctes, l’une matérielle, le corps, et l’autre spirituelle, l’âme. L’âme, écrit-il, n’est pas un être, mais une action. Autrement dit, il semblerait qu’elle n’existe, qu’elle ne se manifeste que lorsque l’homme ne se laisse pas aller à ses impulsions premières, qu’elle émerge lorsque l’être humain prend conscience du caractère indigne de certains actes qu’il serait tenté d’accomplir et qu’il réprime pour être pleinement actif, c’est-à-dire pour être pleinement sujet de son existence. Toute la question est alors de savoir d’où vient cette prise de conscience, si elle n’est pas celle d’une réalité préexistante à l’action, d’un être qui serait comme le maître du corps. Ne viendrait-elle pas du corps lui-même, mais d’un corps qui alors ne se réduirait pas à un simple mécanisme aveugle, d’un corps conscient de lui-même et capable d’opérer sur lui-même un retour réflexif ?
Développement
Première partie
Ce texte début de manière très abrupte par une affirmation : « L’âme c’est ce qui refuse le corps ». Toute la première étape de cette définition de l’âme (du début du texte jusqu’à « ...quand le corps a horreur ») va ensuite être constituée d’une succession d’exemples illus- trant cette idée. Chacun de ces exemples décrit une situation dans laquelle le corps, mu par sa tendance naturelle à se conserver, à se protéger ou à s’affirmer, se trouve confronté à une force de refus qui l’empêche d’aller au terme du mouvement qu’il serait tenté d’accomplir. Cette force n’est pourtant pas extérieure à l’homme lui-même, mais est présente en lui, elle correspond à ce qu’Alain définit comme étant l’âme. Ce n’est donc pas par un raisonnement s’appuyant sur un travail d’analyse conceptuelle ou sur une réflexion métaphysique qu’Alain va attester la présence de l’âme, mais par un constat portant sur ses manifestations. On peut dire qu’ici l’existence de l’âme n’est pas démontrée, mais montrée. Il y a, dans certaines cir- constances ou situations, manifestation d’une force d’opposition aux tendances immédiates du corps.
Le premier exemple est celui de la peur : « ce qui refuse de fuir quand le corps tremble ». ⃝c Éric Delassus 2 2016
Face à un danger réel ou supposé, le corps n’a d’autre souci que d’échapper à ce danger, il ressent ce sentiment qu’est la peur. Il a pu être déjà affecté par ce qu’il perçoit comme dangereux ou voir d’autre corps semblable à lui détruit ou altéré par ce danger, il anticipe donc sur les effets que pourrait produire sur lui la chose jugée dangereuse et il fait tout pour l’éviter ou s’en éloigner, il la fuit. Ainsi, le tout jeune enfant qui s’est déjà brûlé une fois, fuira la proximité d’une flamme pour éviter de ressentir à nouveau la douleur de la brûlure. N’est-ce pas d’ailleurs de cette manière que l’on apprend aux enfants à être prudent face au feu? C’est en approchant leur main de la flamme et en leur montrant que la chaleur agréable qu’elle prodigue peut progressivement se transformer en douleur qu’on leur apprend à éloigner leur corps du feu dès que la sensation devient difficilement supportable. Néanmoins, il est des circonstances où il nous faut nous opposer aux tendances spontanées de notre corps. Ainsi, si je suis devant une maison en flamme et que je découvre qu’une personne est restée à l’intérieur et que je peux la sauver, il va me falloir vaincre ma peur, refuser de laisser parler ce qui dans mon corps m’incite à m’éloigner du feu pour tenter de lui venir en aide.
Le second exemple concerne la colère, « ce qui refuse de frapper lorsque le corps s’irrite », lorsque le corps face à ce qu’il perçoit comme un agression n’a d’autre désir que de détruire ce qui est pour lui une menace et de faire preuve de violence à son égard.
Le troisième concerne les besoins du corps, ici la soif,
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