Domaine réservé du président
Cours : Domaine réservé du président. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar cloebtr • 1 Mai 2019 • Cours • 2 612 Mots (11 Pages) • 918 Vues
Cloé Bitter
TD3
Le domaine réservé du Président de la République
Louis XIV affirmait “l’État, c’est moi”: par cette affirmation, il indiquait l’étendue de son pouvoir symbolique et la concentration en ses mains de tous les pouvoirs. De façon générale, tous les chefs d’état français ont eu à assurer la sûreté générale de l’État en le préservant des agressions extérieures, d’où l’importance des secteurs tels que la Défense et les relations étrangères, dans la fonction du chef de l’état. Dans la V ème République, les institutions attribuent un poids et des compétences importantes au président. Cependant, il n’apparaît nulle part la notion de “domaine réservé”.
On a attribué la naissance de la notion de “domaine réservé” à J. Chaban Delmas, paternité justifiée pour le sens mais non pour la formulation. Le 15 novembre 1959, lors d’un Congrès de l’Union pour la Nouvelle République, (le parti créé pour soutenir l’action du général de Gaulle), J. Chaban Delmas délimite deux secteurs : un premier “secteur présidentiel” qui recouvre l’Algérie, le Sahara, la Communauté, les Affaires étrangères, la Défense et dans lequel le gouvernement n’a qu’une fonction d’exécution des décisions présidentielles, le deuxième secteur comprenant “le reste... un reste d’ailleurs considérable, puisqu’il réunit les éléments mêmes de la condition humaine”. Il reprend en fait la distinction effectuée par G.Vedel dans un article paru quelque semaines avant (Revue de l’action populaire, 1959), dans lequel est distingué dans un premier temps, le domaine réservé au chef de l’État, qui concerne la politique, puis les affaires déléguées au Parlement et au gouvernement, et enfin les affaires “surveillées” pour lesquelles la délégation s’accompagne d’un contrôle plus ou moins étroit. De Gaulle, partage tout à fait cette conception puisqu’il déclare le 8 février 1862 dans une lettre à son premier ministre, M. Debré : “ Les affaires concernant l’Algérie, les Armées, les Affaires étrangères, et la Communauté doivent être traitées directement auprès de moi”. Ses successeurs iront dans le même sens. On assiste donc à une présidentialisation de certains domaines politiques, ce qui a suscité débats et critiques nombreuses depuis 1958, débats qui n’ont fait que redoubler depuis les expériences de cohabitation.
Ce “domaine réservé” existe-t-il et s’il existe quelle forme prend-t-il ? Qu’en est-il en alors de la répartition des pouvoirs au sein de l’appareil exécutif ?
I. Le “domaine réservé” s’affirme clairement et prend son plein essor sous la Vème République...
A. La Constitution confère certes un rôle majeur au président mais ne mentionne pas de “domaine réservé”, portant ainsi à confusion.
La Constitution et plus précisément les articles 5 et 15, confèrent au Président de la République un rôle majeur en matière de défense nationale. En effet, l’article 5 fait du chef de l’Etat le “garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités” et l’article 15 précise que le Président de la République est le "chef des armées". On note également que le Président se trouve à la tête du Conseil de la Défense Nationale, l’organe interministériel arrêtant les grandes lignes de la politique de défense. Il “préside les conseils et les comités supérieurs de la Défense Nationale”. En revanche, il ne décide plus de l’emploi de la force nucléaire française. Le décret du 14 janvier 1964 qui conférait au président cette prérogative a été abrogé en 1996, avec la parution d’un nouveau texte qui fait du chef d’état-major des armées l’unique responsable de l’exécution des opérations nucléaires. L’expérience des récents conflits dans lesquels la France s’est trouvée impliquée montre cependant le rôle prééminent du chef de l’Etat en matière de défense nationale. Par ailleurs, la diplomatie constitue le second domaine de compétences privilégiées du Président de la République. Selon l’article 14 de la Constitution, “Le Président de la République accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères ; les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires étrangers sont accrédités auprès de lui”. L’article 52 précise son rôle en matière de droit international. “Le Président de la République négocie et ratifie les traités. Il est informé de toute négociation tendant à la conclusion d'un accord international non soumis à ratification”. Enfin, le président peut avec l’article 16, prendre les pleins pouvoirs mais seulement en cas de crise majeure : “Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu”.
Cependant, le domaine réservé n’existe pas juridiquement : rien dans la Constitution n’indique que les relations extérieures relèvent exclusivement du chef d’État. De plus, d’autres acteurs sont censés participer à la direction de ces domaines : le Premier Ministre a la charge de déterminer et de conduire la politique de la nation (article 20) et il est “responsable de la Défense nationale” (article 20). Quant au Ministre des Affaires étrangères, la politique étrangère et la Défense appartiennent au champ de compétences de sa fonction. Cette main mise présidentielle a donc été vivement critiquée par bon nombre d’hommes politiques qui la considéraient illégitime. Son auteur, Jacques Chaban-Delmas, a lui-même reconnu ultérieurement (1970) que le domaine réservé n’existait pas et que celle-ci avait été faite en 1959, "à l'intention exclusive des militants gaullistes”. Tous les présidents de la V ème République l’ont récusé, avant d’accéder à la présidence. Tout d’abord, le général De Gaulle écrit dans ses Mémoires d’espoir : "Dans le champ des affaires, il n’y a pas pour moi de domaine qui soit, ou négligé ou réservé". Puis, en 1964 dans une intervention devant l’Assemblée nationale, Georges Pompidou, alors Premier ministre conteste l’existence d’un tel domaine. La gauche fait de même, avec dès 1982 l’affirmation de Pierre Mauroy devant l’Assemblée nationale : "Il n’y a pas de frontière fixée une fois pour toutes entre les activités du Président de la République et celles du Premier ministre" et plus tard, en 1985 François Mitterrand qui nie l’existence d’un domaine réservé, en précisant qu’ "il ne doit pas y avoir de domaine réservé, expression (…) qui n’a pas de réalité constitutionnelle” et que “le Premier ministre a une vocation éminente à participer à tout débat de politique étrangère aux côtés du Président de la République".
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