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Blaise Pascal, Pensées, fragments 313 - 319 - 320

Commentaire de texte : Blaise Pascal, Pensées, fragments 313 - 319 - 320. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  11 Janvier 2021  •  Commentaire de texte  •  2 574 Mots (11 Pages)  •  923 Vues

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Colle de Philosophie – Explication de texte

INTRODUCTION

        Blaise Pascal (philosophe du XVIIe siècle), célèbre auteur des Pensées. Ici, fragments 313, 319 et 320

        Le texte est une réflexion sur le pouvoir monarchique et démocratique/aristocratique (dans le sens aristoï, les meilleurs), et pose la question d’à qui devrait revenir le statut de souverain.

        Pascal est un royaliste chrétien, et on s’attendrait à ce qu’il justifie la légitimité du monarque par le fait qu’il règne en tant que « choisi par Dieu ». Or, il base son idée sur une réflexion logique sans faire intervenir une seule fois le concept du divin. Il pose la question de ce qui est le plus bénéfique à tous et estime que celui qui doit régner n’est pas à choisir parmi les plus vertueux, mais doit être celui qui a le plus de biens physique, de possessions observables. Le but de l’auteur est de justifier sa position, d’en souligner l’évidence et l’indubitabilité. Pascal met en avant un dilemme : vaut-il mieux faire concourir les prétendants à la souveraineté sur les terrains de la vertu et de l’intelligence, au risque de causer une guerre civile ? Ou vaut-il mieux se contenter de celui dont on sait qu’il est celui qui a le plus d’argent, ou le plus grand territoire, ou le plus de serviteurs, au risque de mettre sur le trône un sot, un incapable, un imbécile ?

        La thèse contredite est en fait celle déjà millénaire d’Aristote, pour qui ce sont les hommes vertueux qui devraient avoir le pouvoir dans la Cité, et leur vertu se détermine par leur capacité à dialoguer en bonne intelligence et à déployer dans leur verbe (logos) et dans leurs actions (praxis) les qualités humaines les plus hautes, leur sagesse, leur vertu et leur désintérêt pour leurs basses affaires personnelles, qu’ils délèguent à leur vie privée pour se concentrer, sur l’Agora, au bien commun. Pascal est donc en opposition avec la démocratie, lui préférant le tout-pouvoir d’un Roi.

        Pascal déploie sa thèse en trois parties. En premier lieu (§1, l. 1 – 3) il ouvre sur le fait que la guerre civile est le plus grand des maux, la chose que toute société devrait craindre le plus. Par la suite (§2 l. 3 – 8), l’auteur oppose à cet état de guerre civile la paix souhaitable qu’apporte la souveraineté de celui qui s’affiche comme supérieur. Enfin (§3 l. 8 – fin), il explique que c’est la condition humaine qui fait de cette idée, qui semble absurde, une chose censée et bénéfique.

        Le texte a pour but de réhabiliter la légitimité du monarque face à toute revendication démocratique, et de justifier une sorte de « retour en arrière » depuis l’époque de la Grèce Antique, d’expliquer pourquoi la société a pris une forme qu’Aristote juge apolitique, voire anti-politique, forme qu’il estime incapable de déployer la grandeur de la vertu humaine, la qualité politique de l’Homme (dzoon politikon). Il fait valoir la paix tranquille au-dessus de la vertu dangereuse.

CORPS

l.1 à l.3 : L’état de guerre civile

        Pascal ouvre sa pensée par « Opinions du peuple saines ». C’est la façon dont il catégorise la pensée qui va suivre, beaucoup pensées sont formulées de cette manière (ex : « Ordre » fragment 283 ; « Soumission » fragment 262 ; « Raison des effets » fragment 334). Il parle de santé, des opinions saines du peuple pour le peuple. Il est, comme Aristote, dans une logique du bien commun. Plus intéressant, il parle des « opinions », soit d’un effort de réflexion. L’obéissance à un monarque qui n’a pas été choisi pour ses qualités morales ou son intelligence n’est pas, pour Pascal, une soumission silencieuse, un affaiblissement de la pensée. C’est le choix conscient et compris du peuple, c’est une opinion politique. L’avis de Pascal n’est pas tant opposé que cela à celui d’Aristote en ce sens qu’ils visent les mêmes choses (le bien commun et le déploiement des qualités humaines hautes, de la politique). La discorde vient de ce que l’un et l’autre ont des opinions différentes sur comment ils doivent être atteints ou réalisés, quel régime politique leur convient.

        Par la suite Pascal énonce ce qu’il estime être un fait : « Le plus grand des maux est la guerre civile ». Pour lui, l’état d’un déchirement au sein même des citoyens est ce qui nuit le plus à la cohésion sociale et au bien commun, mais aussi à la grandeur politique de l’Homme : il n’est plus dans le débat, dans l’idée, il est dans la volonté bestiale de tuer ceux qu’il juge coupable, ses détracteurs, ses opposants. Il est dans les bas instincts, dans l’animalité que déjà Aristote jugeait comme indigne d’être d’un intérêt public. Cette remarque sur la guerre civile est d’autant plus intéressante à analyser en sachant que Blaise Pascal était contemporain de la Fronde, ou guerre des lorrains, une guerre civile qui a frappé le royaume de France de 1648 à 1653, née en opposition à la monté de l’autorité monarchique. Ce fragment peut être interprété comme une réponse directe aux opinions « malsaines » donc des Lorrains opposés à la souveraineté du Roi.

        L’auteur justifie son opinion sur la guerre civile par l’idée suivante : « Elles sont si sûres, si on veut récompenser les mérites, car tous diront qu’ils le méritent. » La guerre civile est le déchirement de la société en camps qui se croient chacun être le « camp du bien » et détruisent les autres. Elles sont l’expression de l’individualisme, la conséquence de se penser, de se convaincre d’être le plus grand, le plus vertueux, le plus sage. Chacun, dans la conviction d’être celui qu’il faut pour gouverner, de « mériter » de gouverner, cherche à écraser ses opposants. « Le mal à craindre d’un sot, qui succède par droit de naissance, n’est ni si grand ni si sûr. » Pascal établit les prémices d’un élément important : choisir entre un souverain vertueux et un souverain héritier est un pari qui mise la paix civile.

l.3 à l.8 : Des qualités extérieures

        Ce deuxième fragment commence par une exclamation de Pascal : « Que l’on a bien fait de distinguer les hommes par l’extérieur, plutôt que par les qualités intérieures ! » C’est une idée qui va totalement à l’encontre de toute la pensée philosophique qui a précédé Pascal. Déjà Platon évoquait l’essence des êtres et des choses, la superficialité et la perfidie des apparences face aux âmes, seules capables de s’approcher des Dieux. Aristote, dans Les Politiques, disait que l’excellence du citoyen ne lui venait pas de sa vertu mais de sa résilience, de sa capacité à s’adapter à la constitution de sa cité, mais que si cette constitution était juste et faisait de lui un homme libre et élevé dans le logos et la praxis, alors elle faisait de lui un citoyen vertueux. Par la suite le christianisme – et je rappelle que Pascal était chrétien – a placé l’âme et la valeur morale bien au-dessus du corps et des possessions de la vie mortelle, car au Royaume de Dieu la chair et ses plaisirs n’importaient pas, et la seul clé de ses porte est dans la vie vertueuse. On pourrait presque croire que cette itération de Pascal tient de l’ironie tant on ne l’attendrait pas chez lui, ni même chez n’importe quel théorisant la souveraineté. C’est cette phrase qui crée la rupture avec toute idée existante, cette pensée que les choses extérieures sont de meilleurs attributs pour juger de la valeur d’un souverain que sa droiture morale, sa vertu, sa sagesse, son intelligence, sa stratégie, son habileté bref, ses qualités intérieures.

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