Le réveil identitaire en Europe

Aujourd'hui, on assiste à un "réveil" identitaire en Europe. Partout, régionalismes, nationalismes et religions connaissent un regain d'intensité. C'est le grand paradoxe de la mondialisation qui, bien loin d'effacer les revendications identitaires, les renforce.

Du non français au projet de Constitution européenne en 2005 au Brexit anglais de 2016, de la montée du vote FN en France aux rejets hongrois et polonais du multiculturalisme, des indépendantistes catalans aux séparatistes écossais et à la percée du salafisme dans les communautés issues de l’immigration musulmane, le réveil identitaire – ethnique ou religieux - est la grande question de notre temps.

___________________________________________________________________________

La France est un pays qui a toujours été isolé sur la question religieuse. Bien avant la loi de 1905, on pouvait déjà voir qu'il y avait des conflits d'autorité entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel, de Philipe le Bel qui emprisonne Boniface VIII à Napoléon Bonaparte qui instrumentalise l’Eglise, on ne peut pas dire que le christianisme est un principe immuable de l’identité française.

Attention, la France reste tout de même un pays avec des racines chrétiennes comme le montre l’histoire, mais on est très loin de l’attachement de l’Espagne à l’Eglise ou encore la Pologne, pour qui c’est ciment unificateur qui assure une certaine cohésion sociale.

La laïcité est par contre une composante essentielle de l'identité nationale française. Elle se définit comme le principe de séparation dans l'État de la société civile et de la société religieuse. Apporté en 1905, elle a démarré le processus de laïcisation, un processus inscrit dans la logique du mouvement démocratique des sociétés modernes.

C'est la pierre angulaire du modèle républicain, et le miroir où se reconnaît la France aujourd'hui. Cette "laïcité" est très particulière en France. Parfois qualifié de laïcisme, on pourrait penser que l’absolue laïcité à la française a quelque peu hérité du statut de l’ancienne religion d’Etat catholique et sa revendication absolutiste.

Il est très difficile de trouver un terme rigoureusement équivalent au mot "laïcité" dans les autres langues, ce qui explique parfois la méconnaissance de ce principe. Le néologisme secularism, même si très proche de laïcité, reste diffèrent car il ne se contente pas de simplement renvoyer l'activité religieuse à la sphère privée.

Cette spécificité va loin, jusqu’à l’incompréhension parfois de la laïcité française au-delà des frontières nationales. Par exemple, la commission américaine sur les libertés religieuses internationales, qui est un organe consultatif du gouvernement américain observe la liberté religieuse dans le monde et délivre chaque année un rapport.

Le rapport annuel de 2013 parle de «laïcité agressive" concernant la France, car je cite « elle place les personnes religieuses dans des positions inconfortables et difficiles en ce qui concerne le plein exercice de leurs convictions et croyances »

Ce rapport critique également l’action antisectes de la France qui soulève l’inquiétude des commissaires américains, ces derniers dénoncent le flou entourant la désignation de certains groupes religieux comme étant des "sectes" ainsi que des mesures discriminantes prises à leur égard.

L’évolution de la laïcité française a donné lieu aujourd’hui à une sécularisation considérablement avancé qui est vue comme une menace par beaucoup de catholiques identitaires.

Pendant très longtemps, les catholiques ont vécu leur foi d’une manière discrète et ne sentaient pas la nécessité de se mobiliser car la République et la société ne remettaient pas en cause leurs valeurs fondamentales.

Mais progressivement lors du XXe siècle, les catholiques commençaient à faire l’expérience de la minorité. Ils n’étaient plus les organisateurs symboliques et éthiques de la structure française, mais simplement un groupe parmi tant d’autres.

Non seulement la société française se déchristianisait à grande vitesse mais l’influence croissante d’une autre religion leur apparaissait de façon spectaculaire 

L'islam, porté par le réveil religieux d’une population issue de l’immigration arabo-musulmane, faisait preuve d’un dynamisme incontestable.

Face à une sécularisation et une déchristianisation accrues, mais aussi à une montée en puissance de l’islam, un processus de réveil identitaire a saisi la France.

De plus, les crimes djihadistes ont conduit à diaboliser l’islam lui-même, et par capillarité, ils ont discrédité les religions en tant que telles. Certains clâment que c’est de là d’où viendrait tout le mal et toute la violence du monde, un poncif devenu ritournelle.

Face à l’islam devenu deuxième culte du pays, la France se proclame ainsi championne mondiale de la laïcité, mais devient surtout prosélyte d’un athéisme douteux, voire inquisitorial qui ne rassure guère les catholiques de France.

L’actualité montre que bien qu’il y a un problème avec la diversité des religions et leur visibilité dans l’espace public.

"Le chrétien laisse venir tout le monde", dit le pape François. Alors que l'Europe, n’ayant pas pas réussi à intégrer les précédentes générations d'immigrés, est soumise à un afflux de migrants sans précédent, l'Eglise catholique, martèle impératif de l'accueil, donnant l'impression de se faire complice de ce que le pape lui-même a qualifié "d'invasion". Déchirés entre leur fidélité à l'Eglise et le souci de protéger leur identité et leur civilisation, beaucoup de catholiques ressentent un malaise croissant.

Je vais parler de la Manif pour Tous. Cela a été un point de basculement qui a permis de rendre manifeste ce qui était latent pendant plus d’un siècle. Alors ce mouvement se veut apolitique et areligieuse mais ses militants comme ses cadres sont difficilement détachables du catholicisme. Le mouvement né de la contestation du Mariage pour tous en 2012 a été l’un des principaux mouvements d’opposition du quinquennat de François Hollande. Devenu un parti politique en 2015, il s’est grandement essoufflé comme le prouve ces chiffres.

La promulgation de la loi Taubira malgré une forte opposition symbolise l’impuissance d’une communauté jadis structurante de la société française, et qui est désormais obligée de se rabattre sur un vote pour le FN pour faire entendre son cri. En effet, d’après un sondage de l’institut IFOP, les catholiques pratiquants ont voté MLP à 38 % lors du second tour des dernières élections présidentielles, chiffre record et historique puisque les catholiques ont toujours privilégié un vote à droite, et ont toujours été rétifs à l’égard de l’extrême droite

...