Spleen de Baudelaire
Fiche : Spleen de Baudelaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Bretzel6844O • 17 Février 2022 • Fiche • 2 274 Mots (10 Pages) • 492 Vues
Lecture linéaire n°3 – « Spleen »
Ce poème, qui appartient à la section « Spleen et Idéal », est le dernier d’une série de quatre textes également intitulés « Spleen », par opposition à « l’Idéal ». Il est comme un écho antithétique du poème « Élévation » qui se trouve au début du recueil et de cette même section. Le spleen, c’est-à-dire le mal de vivre sous toutes ses formes (souffrance physique, morale et métaphysique) est dans le recueil, inspirateur de poésie. Dans cinq quatrains en alexandrins aux rimes croisées, il devient l’objet même de cette poésie, exprimant à travers des images de plus en plus oppressantes la montée progressive du malaise jusqu’au paroxysme d’une crise proche de la mort.
En quoi la structure et les images traduisent-elles l’état d’âme du poète ?
I- La montée de la douleur
1- Une structure signifiante
L’anaphore de « Quand » (v.1, 5 et 9) ouvre sur une énumération de propositions subordonnées circonstancielles de temps. Cette énumération est également sensible à travers la reprise de la subordination « que » associée à la coordination « et » (v. 3 et 11). L’anaphore et le jeu d’analogies syntaxiques créent un effet lancinant, incantatoire qui met en valeur les propositions principales des strophes 4 et 5. Celles-ci se développent dans chacun des quatrains et mettent en évidence l’éclatement de la crise que préparent les trois premières strophes, selon une progression à la fois logique et chronologique.
Les trois sujets des subordonnées introduites par « Quand » indiquent les éléments associés au spleen : les termes « ciel » (v. 1), « terre » (v. 5) se répondent et signalent l’universalité du spleen. A la strophe 3, le terme « pluie », annoncé par « humide » (v. 5), fait apparaître la présence d’un élément qui, lui, est constamment en cet état de tristesse. Les trois termes renvoient à une réduction progressive de l’espace dans lequel évolue le locuteur : le ciel connote l’infini, la terre réduit l’espace et le rabaisse, la pluie est liée à l’univers carcéral par les substantifs « prisons » et « barreaux » au vers 10. A cette réduction de l’espace répond le déclenchement d’une sorte de crise signalée par la locution adverbiale « tout à coup » (v. 13). Au mouvement d’écrasement et d’oppression qui va de l’extérieur vers l’intérieur dans les trois premières strophes, succède dans la strophe 4 un second mouvement qui marque au contraire une expansion vers l’extérieur, expansion sensible dans le complément de lieu « vers le ciel » (v. 14). Ce mouvement suggère une révolte que vient briser la strophe 5, un peu à part car détachée par son tiret, et dans laquelle apparaît un mouvement de chute définitif.
Ainsi, le lien entre les deux groupes de strophes est grammaticalement chronologique, mais sémantiquement et psychologiquement logique, comme le souligne dans l’ensemble du poème l’emploi du présent de vérité générale. Les circonstances du spleen sont en effet la cause du déchaînement de la crise. Elles indiquent l’état mental et physique de l’homme en proie à l’angoisse du spleen.
2- De la comparaison initiale à l’état d’âme du poète
L’image initiale de l’enfermement qui se prolonge et se renforce dans l’ensemble des trois premières strophes est associée à des termes renvoyant à l’univers intérieur du poète. Elle traduit son état d’âme et est révélatrice du climat de cette première partie.
a- L’image de la prison
Les adjectifs qualificatifs « bas » et « lourd » et le verbe « pèse », mis en relief par leur place de part et d’autre de la césure (v. 1), sont renforcés par la comparaison « comme un couvercle », en fin de vers, par la reprise des sonorités en [è] (ciel, pèse, couvercle), et par l’enjambement des vers 1 et 2. Celui-ci met l’accent sur la préposition « sur », qui connote la pesanteur. Cette vision fait appel à la conception antique platonicienne d’un univers où le ciel, au-delà duquel se cache l’idéal, recouvre la terre. Cette image se précise dans la suite de ces trois premières strophes. Les termes « horizon » et « cercle » (v. 3) marquent le passage du vertical à l’horizontal, connotant eux aussi la pesanteur accentuée par l’adjectif « noir » (v. 4) en valeur avant la césure. Dans la strophe 2, le terme « cachot » désigne un espace réduit et malsain, ce que renforce l’expression « plafonds pourris » en relief à la fin de la strophe. Cette expression évoque un espace encore diminué (puisqu’on s’y cogne la tête), et ajoute l’idée de pourriture, dans le prolongement de l’adjectif « humide » (v. 5). Dans la troisième strophe, si le cadre semble plus ample (« vaste », v. 10), les termes « traînées » et « barreaux », en relief à la fin des vers 9 et 10, le terme « prison », en relief à la fin de l’hémistiche au vers 9, insistent par leur densité sur l’image du ciel d’orage. Cette image est encore renforcée dans la dernière subordonnée de temps par le recours au nom « filets ». Le rapprochement par la syntaxe et l’allitération en [f] avec les termes « infâmes » et « fonds » attire l’attention sur le passage entre l’univers extérieur et l’univers intérieur : l’homme est désormais enfermé à l’intérieur de lui-même. Le lexique associe le rétrécissement de l’espace et la souffrance du poète à travers le lien entre les champs lexicaux relatifs à ces deux thèmes.
b- La souffrance du poète
Dès la première strophe, le complément de temps « sur l’esprit gémissant » mis en valeur par l’enjambement et par la reprise de sonorités en [en] et en [i], fait apparaître la relation entre les domaines matériel et spirituel par un jeu de correspondances. Les deux premiers vers expriment donc vigoureusement l’image de l’oppression et de l’enfermement à la fois mentaux et physiques. Cette association est également sensible à la strophe 2, dans la comparaison qui lie l’abstrait (« l’Espérance », avec une majuscule, est une allégorie de l’univers baudelairien), et le concret (la « Chauve-souris », hôte mal-aimé des lieux obscurs, aveugle comme l’Espérance). Cette comparaison souligne, à travers le rythme heurté (5/7, v. 6) et les sonorités en [t] (« battant », « timide », « tête »), l’inutilité de la lutte de l’homme et du poète pour retrouver sa liberté.
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