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Singes de cour, Bellay

Commentaire d'oeuvre : Singes de cour, Bellay. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  12 Janvier 2023  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 519 Mots (7 Pages)  •  564 Vues

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Seigneur, je ne saurais regarder d’un bon œil

Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire, Sinon en leur marcher les princes contrefaire,

Et se vêtir, comme eux, d’un pompeux appareil.

Si leur maître se moque, ils feront le pareil ;

S’il ment, ce ne sont eux qui diront du contraire :

Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire, La lune en plein midi, à minuit le soleil.

Si quelqu’un devant eux reçoit un bon visage, Ils le vont caresser, bien qu’ils crèvent de rage ; S’il le reçoit mauvais, ils le montrent au doigt.

Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite, C’est quand, devant le roi, d’un visage hypocrite, Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi.

Joachim du Bellay, Les Regrets, sonnet CL (1558)

En 1558, Henri II vit les dernières années de son règne ; à sa cour règne déjà un esprit courtisan : le système féodal a disparu depuis longtemps, et il faut se faire aimer du prince et de ses favoris — ou de sa favorite, Diane de Poitiers. Le fameux roman historique de Mme de La Fayette, La princesse de Clèves, qui se passe à la cour de Henri II, laisse parfois transparaître un peu ce qu’est alors l’esprit courtisan. Mais le poète de la « Pléiade » Joachim du Bellay, qui a eu aussi l’expérience des cours italiennes lorsqu’il accompagna son oncle le cardinal Jean du Bellay à Rome, ne laisse pas seulement transparaître incidemment cette ambiance : il s’y attaque de front, dans Les Regrets, qu’il publia à son retour de Rome. Le sonnet en alexandrins « Seigneur, je ne saurais regarder d’un bon œil... », dénonce en effet l’esprit courtisan, en montrant d’abord, dans les quatrains, leur servilité répugnante, puis, dans les tercets, que cette servilité confine à la sottise et au ridicule le plus vil. Cette satire des courtisans est particulièrement cruelle : nous allons nous efforcer d’expliquer comment Du Bellay s’y prend pour la rendre si cruelle. Nous le ferons en suivant le mouvement du texte : nous verrons d’abord pourquoi, dans les quatrains, la servilité des courtisans paraît particulièrement répugnante ; nous verrons ensuite pourquoi, dans les tercets, cette servilité apparaît si caricaturale qu’elle en est comique.

Le propre d’un courtisan, c’est d’être servile, c’est évident. Mais la façon dont Du Bellay présente leur servilité la rend terriblement répugnante. Tout d’abord, l’interpellation initiale, « Seigneur », donne le sentiment que Du Bellay s’adresse à un roi, un duc, ou à un autre grand seigneur qui a lui-même une cour de courtisans : il se place ainsi en quelque sorte à égalité avec celui-ci pour regarder les courtisans de haut. D’autre part, le premier vers lui permet d’insister sur le sentiment personnel qu’il éprouve en les regardant, puisqu’il s’agit d’un regard qu’il porte en personne sur les courtisans (« Je ne saurais regarder d’un bon œil ») : il ne s’agit pas seulement d’une satire générale des courtisans, mais aussi de l’expression d’un sentiment profond. C’est pourquoi nous pouvons affirmer que les courtisans apparaissent ici comme véritablement répugnants : il ne s’agit pas seulement de pensée, mais de sentiment.

D’autre part, la métaphore qui court du vers 2 au vers 4 en faisant des courtisans des « vieux singes de cour » est particulièrement comique, parce que l’image est à la fois tout à fait absurde et tout à fait vraie. Elle est vraie parce qu’on sait que les singes savent particulièrement bien imiter les humains, qu’ils savent tout faire comme les humains. Elle est absurde et donc cocasse parce que Du Bellay amène le lecteur à imaginer une cour véritablement peuplée de singes qu’on voit « marcher », mais d’une façon artificielle et surjouée, puisqu’ils ne réussissent qu’à « contrefaire » la marche de leur maître. Ils sont comiques comme est comique un singe qui fait l’humain. On voit même ces singes vêtus de riches habits grâce à l’image proposée par Du Bellay : le « pompeux appareil » dont ils se vêtent paraît d’autant plus ridicule qu’on en imagine dépasser, çà et là, de longs poils noirs de chimpanzés et de gorilles.


La partie de l’introduction en bleu clair est facultative

Repérez ici où se trouvent les différentes étapes d’une introduction

On aurait pu aussi ici commenter l’opposition entre « je » et

« ils »

Mais elle est particulièrement cruelle parce que Du Bellay y ajoute l’idée qu’hors l’imitation, les partisans sont parfaitement incapables : on sent à travers l’hémistiche « qui ne savent rien faire » le plus souverain mépris à l’égard de l’impéritie et de la sottise des courtisans.

Après avoir ridiculisé leur attitude, dans le second quatrain Du Bellay s’attaque à leurs paroles, qu’ils reprennent toutes à leur maître. Mais pour marquer leur caractère vil, il n’évoque que des paroles moralement méprisables, puisqu’il s’agit de se moquer (v. 5), ou de mentir (v. 6-8). En outre, leur aptitude à mentir est dénoncée d’une manière particulièrement vive, à travers une hyperbole : les courtisans seraient, d’après Du Bellay, capables de défendre ce qui est physiquement impossible : voir « La lune en plein midi, à minuit le soleil ».

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