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Satire VI Boileau

Commentaire de texte : Satire VI Boileau. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  16 Novembre 2022  •  Commentaire de texte  •  2 359 Mots (10 Pages)  •  818 Vues

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Commentaire composé Boileau satire VI

Quelle image Boileau donne-t-il de la ville ?

I. Une description de la ville

II. Une satire assumée

En quelque endroit que j'aille, il faut fendre la presse

D'un peuple d'importuns qui fourmillent sans cesse.

L'un me heurte d'un ais1 dont je suis tout froissé ;

Je vois d'un autre coup mon chapeau renversé.

Là, d'un enterrement la funèbre ordonnance

D'un pas lugubre et lent vers l'église s'avance ;

Et plus loin des laquais l'un l'autre s'agaçants,

Font aboyer les chiens et jurer les passants.

Des paveurs en ce lieu me bouchent le passage ;

Là, je trouve une croix de funeste présage,

Et des couvreurs2 grimpés au toit d'une maison

En font pleuvoir l'ardoise et la tuile à foison.

Là, sur une charrette une poutre branlante3

Vient menaçant de loin la foule qu'elle augmente ;

Six chevaux attelés à ce fardeau pesant

Ont peine à l'émouvoir sur le pavé glissant.

D'un carrosse en tournant il accroche une roue,

Et du choc le renverse en un grand tas de boue :

Quand un autre à l'instant s'efforçant de passer,

Dans le même embarras se vient embarrasser.

Vingt carrosses bientôt arrivant à la file

Y sont en moins de rien suivis de plus de mille ;

Et, pour surcroît de maux, un sort malencontreux

Conduit en cet endroit un grand troupeau de bœufs ;

Chacun prétend passer ; l'un mugit, l'autre jure.

Des mulets en sonnant augmentent le murmure.

Aussitôt cent chevaux dans la foule appelés

De l'embarras qui croît ferment les défilés,

Et partout les passants, enchaînant les brigades,

Au milieu de la paix font voir les barricades.

On n'entend que des cris poussés confusément :

Dieu, pour s'y faire ouïr4, tonnerait vainement.

Nicolas BOILEAU (1636-1711), Les Satires, VI, « Les embarras de Paris », 1666

        « Mentiri nescio » écrivait Juvénal, auteur antique, dans la satire III de son recueil décrivant les embarras de Rome. Quelques siècles plus tard, l’un des représentants du Classicisme et chef de fil des Anciens, Boileau, l’imite dans sa satire I « Je ne puis rien nommer, si ce n’est par son nom/J’appelle un chat un chat, un Rolet un fripon ». Ce credo va motiver tout son recueil de satires. La première parution du recueil, comprenant les sept premières satires, a lieu en 1666. Tout comme le poète latin, Boileau se charge de dénoncer dans la satire VI, entre autres vices contemporains, celui auquel il est sans cesse confronté : les nuisances de la ville. Quelle image Boileau donne-t-il de la ville ? L’auteur peint d’abord une description de la ville, tout en en faisant une satire assumée.

        Dans cet extrait, Boileau fait une description des rues de Paris. Cette description est à la fois réaliste et dynamique.

        L’auteur fait une description réaliste des rues de la ville, il en fait une hypotypose. L’hypotypose est une figure de style consistant à faire une description si réaliste, si frappante, que le lecteur croit la vivre. Grâce à l’emploi de la 1ère personne, Boileau s’implique dans la scène : en tant que narrateur il se porte garant de la véracité des observations aux vers 31, 33, 34, 39, 40 : « Je vois ». Il s’efface ensuite au profit de la description jusqu’au vers 61 où le pronom collectif « on » corrobore sa perception, puis reprend le récit de son expérience personnelle du vers 63 à 70. L’activité de la rue est décrite avec beaucoup de précision. En effet, Boileau passe en revue la diversité de la foule qui l’entoure : plusieurs corporations sont nommées : v. 37 « des laquais », v. 39 « des paveurs », v. 41 « des couvreurs », ainsi que le médecin le plus célèbre de Paris v. 68 « Guénaud sur son cheval ». Les différences sociales de l’époque apparaissent selon les moyens de locomotion : ceux qui travaillent, ceux qui circulent en « carrosses » v. 47 et 51, et les simples « passants » v. 38 et 59. Boileau évoque également les différents animaux qu’il voit dans la rue : v. 38 « les chiens », v. 43-45 « des chevaux » tirant « une charrette », v. 54 « un grand troupeau de bœufs » et v. 56 « des mulets ». Le réalisme apparaît aussi lorsqu’il relate différentes scènes de rue : un convoi funéraire aux v. 35-36, l’accident de circulation et ses conséquences du v. 47 au v. 62 qui sont des événements de la vie courante. Enfin, l’évocation de la saleté des rues participe au réalisme de la description des lieux : v. 46 « le pavé glissant », v. 48 « un grand tas de boue », v. 67 « ruisseaux », v. 68 « en passant m’éclabousse ». Cette description si détaillée a pour objectif de plonger le lecteur au sein du Paris du XVIIe siècle.

        Le temps adopté par Boileau garantit la vivacité du récit. Le présent de narration rend la scène présente à l’esprit du lecteur, comme si elle se jouait sous ses yeux. Cela participe vivement à la mise en place de l’hypotypose. Les nombreux déictiques ou indications de lieux et de temps jouent le même rôle : la répétition de « Là » aux v. 35, 40 et 43, « Et plus loin » v. 37 ou encore « en ce lieu » v. 38 orientent notre « regard » comme si Boileau nous indiquait des directions, et donnent l’impression d’une simultanéité des actions. Cet effet est renforcé par quelques indications temporelles v. 49 « Quand […] à l’instant », v. 51 « bientôt », v. 52 « en moins de rien », v. 57 « Aussitôt » qui indiquent la vitesse et par la parataxe (juxtaposition des phrases sans mot de liaison) qui donne un rythme très rapide au récit afin de souligner la concomitance des actions : v. 33-34, v. 55, mais aussi v. 39-40, 55-58. Boileau insiste aussi sur « la presse » : v. 31, 32, 44, 57, 59 et multiplie les anecdotes en privilégiant les pluriels, les nombres ou encore l’évocation de figures particulières qui démultiplient le peuple qui l’entoure : v. 32 « l’un », v. 33 « d’un autre », v. 37 « l’un l’autre », v. 49 « un autre », v. 55 « Chacun […] l’un […] l’autre » afin de renforcer l’impression de foule. Enfin, pour mieux restituer la frénésie, l’agitation qui règne dans la rue, Boileau souligne tous les bruits de la rue qui virent au vacarme, à la cacophonie : v. 38 « font aboyer les chiens et jurer les passants », auquel fait écho le v. 55 « l’un mugit, l’autre jure », v. 56 « en sonnant augmentent le murmure », v. 61 « On n’entend que des cris poussés confusément ». D’autres bruits, sans être précisément nommés, sont reproduits par les sonorités : v. 47 « D’un carrosse en tournant il accroche une roue ». L’apogée de ce sentiment de cacophonie se fait au vers 62, puisque même Dieu ne peut se faire entendre dans les rues de Paris : « Dieu, pour s’y faire ouïr, tonnerait vainement ».

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