Racine et le tragique dans Phèdre
Dissertation : Racine et le tragique dans Phèdre. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar elisalfc • 11 Mars 2022 • Dissertation • 2 088 Mots (9 Pages) • 1 562 Vues
Dissertation Elisa LEFRANCOIS
« La tragédie s’applique autant que possible à rester dans une seule révolution solaire, ou à ne la dépasser que de peu de chose. » Dans cette citation de Aristote, on comprend que la tragédie respecte toujours un certain cycle. Dans la pièce de théâtre Phèdre paru en 1677 de Jean Racine, le dramaturge explique à travers sa pièce que Phèdre est amoureuse de son beau-fils, Hippolyte. Cependant elle ne peut pas vivre pleinement son amour car elle est mariée à son père, Thésée : on a donc un amour impossible d’où le terme de tragédie. Par quels moyens Racine montre-il le tragique dans Phèdre ? La tragédie est une œuvre dramatique écrite en vers, plus précisément en alexandrin. Elle représente des personnages de pouvoirs avec des conflits intérieurs, familiaux ainsi qu’un destin malheureux. La tragédie est née à Athènes au VIème siècle avant Jésus Christ. Ce mot vient du grec « tragos » et de « odia » qui veut dire « le chant du bouc ». Celui qui fait une tragédie est celui qui chante et danse lors du sacrifice du bouc émissaire pendant les fêtes athéniennes. Ce sacrifice avait lieu pour purifier la cité. Dès ses origines, la tragédie a donc un lien avec la purification de l’homme. Pour répondre à cette question, il est tout d’abord nécessaire de s’intéresser sur la malédiction et la fatalité de Phèdre à travers ses sentiments, mais aussi sur son impuissance face à cette amour tragique. Puis il convient de découvrir la méthodologie de Racine.
Dans un premier temps, nous analyserons la malédiction à laquelle Phèdre est soumise ainsi que les fatalités auxquelles se rencontrent ses ambitions. Racine met en avant une conception du courant tragique qu’il adapte à ses pensées. Dans son œuvre, Racine nous permet de percevoir un développement de personnages à la fois sombre et grandiose. Les ouvrages ayant comme ambitions d’être dans le courant tragique, respecte une certaine poésie fatale, marque de celui-ci. Phèdre étant une pièce théâtrale se doit de respecter à la fois ce concept tragique mais aussi sa forme poétique. Racine souligne dans sa préface de Bazajet en 1672 que « les personnages tragiques doivent être regardés d’un autre œil » que nous ne regardons d’ordinaire. Phèdre possède une ascendance divine, de par sa mère, Pasiphaé, et de son père Minos. Ceux-ci deviennent des personnages à part, ils sont parmi les hommes, mais ils sont confrontés au colère divine. Leurs malheurs ne peuvent dès lors qu’être exceptionnels. La fatalité remplit une fonction poétique, esthétique : elle nimbe la tragédie de terreur et de pitié. Cette fonction esthétique de la simplicité répond au courant religieux austère qui est le jansénisme. Dans la mythologie grecque, Phèdre est soumise à la volonté des dieux par ses parents. Racine peut, par son art évoquer les origines divines de Phèdre tout en conservant une continuité dans la vraisemblance de son œuvre. Il le fait régulièrement avec une certaine mise à distance. Aucun personnage n’affirme que Thésée soit descendu aux enfers : c’est un « bruit […] partout rependu » dont Ismène se fait l’écho. Théramène n’affirme pas davantage que Neptune affole les chevaux d’Hippolyte : « On dit qu’on a vu même en ce désordre affreux/ Un dieux, qui d’aiguillons présentait leur flanc poudreux ». C’est de nouveau une parole rapportée dont celui ou celle qui la rapporte ne garantit pas l’exactitude. Nous avons pu voir que Phèdre se retrouve face à une fatalité mais aussi une malédiction tant par l’utilisation de la langue que Racine utilise, que par la mythologie grecque d’où provient l’histoire.
Dans un second temps, nous allons voir dans quel mesure Phèdre est impuissante. La langue qu’utilise Racine dans son œuvre cherche à garder une certaine cohérence avec laquelle se déroule l’histoire. Phèdre est une tragédie classique qui respecte les principales règles de la dramaturgie selon Aristote, tel que le phénomène psychique, la catharsis, mais aussi la purgation des passions. Racine écrit dans une langue noble, poétique, c’est-à-dire en alexandrin et aux rythmes et aux sonorités très travaillés. Il maîtrise parfaitement les règles du théâtre classique édictées par Boileau dans son Art poétique : règle des trois unités, la vraisemblance et la bienséance. C’est sans doute là que réside la fascination qu’exerce cette pièce sur les spectateurs : les passions les plus extrêmes et dévastatrices sont exprimées dans une langue mesurée, maîtrisée, chargée de symboles et de références mythologiques. Racine cherche par son œuvre à nous montrer l’assouvissement de l’humanité face à certaine passion par le biais de notre personnage, Phèdre. Thésée aime Phèdre qui aime Hippolyte : l’amour n’est pas pour eux payé de retour. Et quand il l’est par exception, il est condamné. Hippolyte et Aricie s’aiment, ils le paient, lui de sa vie et elle d’un célibat désespéré. Dans la tragédie racinienne, il n’y a pas d’amour heureux. La passion l’est aussi parce qu’elle se heurte à des interdit moraux ou politiques. Aimant son beau-fils, Phèdre « respire à la fois l’inceste et l’imposture ». Hippolyte désobéit à son père qui « par des lois sévères » condamne tout prétendant à la main d’Aricie. Chacun vit sa passion sur le mode de la culpabilité. Racine respecte les règles de la dramaturgie selon Aristote. Née d’un regard et possédant la violence d’un coup de foudre, la passion amoureuse de Phèdre se révèle impossible. Dans une ultime partie, nous allons étudier comment Racine met en œuvre les règles du classicisme. Dans ce mythe, Racine respecte les codes de la bienséance. En soi, l’aveu de Phèdre ne pouvait que heurter les bienséances. Aussi Racine le place-t-il au moment précis où celle-ci se croit veuve. La fausse mort de Thésée rompt le lien familial qui unit Phèdre à son beau-fils. C’est une manière de ruser les bienséances. Par ailleurs, les épisodes sanglants comme le suicide d’Oenone sont rapportés et non montrés sur scène. Théramène relate certes la mort d’Hippolyte avec des détails horribles, mais ceux-ci sont rapidement évoqués. Quant à Phèdre, si elle meurt sur scènes, c’est quelques secondes avant de baisser le rideau. Le spectateur a donc à peine le temps de la voir. Les bienséances n’interdisaient donc rien. Le tout était de savoir comment les respecter, tout en ne les respectant pas. Les pièces de théâtre ont souvent un type d’écriture bien particulière, les pièces tragiques doivent respecter de nombreux codes qui forme la dramaturgie. « Je mourrais ce matin digne d’être pleurée. / J’ai suivi tes conseils, je meurs déshonorée », déclare Phèdre à Oenone. Toute l’action tient en une journée, à l’intérieur de chaque acte, les scènes s’enchainent dans une parfaite continuité temporelle. Les actes eux-mêmes ne sont séparés que par de brefs intervalles de temps, c’est l’unité de temps. L’action se déroule à Trézène, dans le palais de Thésée, et plus précisément encore, dans une antichambre ou les personnages se rencontrent successivement. Ce palais est lui-même proche de la mer et d’une forêt ou Hippolyte chassait. Aux portes même de la ville, près de la mer, s’élève un « temple sacré », ou, sur le chemin de l’exil, Hippolyte se proposait d’épouser Aricie. Ces différents lieux dessinent ainsi un espace resserré, compatible avec l’unité de lieu. La passion de Phèdre pour Hippolyte constitue l’intrigue principale. L’amour d’Aricie et d’Hippolyte puis la crise de succession ouverte par la fausse mort de Thésée formes des intrigues secondaires. Mais toute ces intrigues retentissent les unes sur les autres. La crise de succession contraint Phèdre à s’entretenir avec Hippolyte, à qui elle finira par avouer sa passion. La découverte de l’amour réciproque d’Aricie et d’Hippolyte provoque la jalousie et le désespoir rageur de Phèdre. C’est l’unité d’action. Racine respecte les codes de la bienséance et des trois unités pour que cette pièce soit tragique.
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