Le tragique selon Racine

Le tragique selon Racine:

La passion tragique :

La passion, tragique par essence, apparaît comme une force irrésistible qui envahit l’être, incapable de résister. Révélant progressivement la puissance du sentiment amoureux qui l’anime, Hermione, « amante en fureur », montre, à travers une longue tirade, semblable à un immense cri de douleur, que la passion déchire et qu’elle conduit inexorablement à la mort. La rhétorique poétique qui met à nu le cœur d’Hermione exacerbe la passion dans une scène qui oscille entre l’aveu et la rupture. Dans cette scène, c’est pourtant Hermione qui est magnifique dans sa souffrance et sa colère, Pyrrhus, lui, est odieux. Quel besoin malsain a-t-il de venir humilier Hermione en lui faisant « une scène de rupture » alors qu’il n’a pas daigné la voir jusqu’alors ? C’est bien ce que ses contemporains ont reproché entre autres à Racine. Pourtant, cette scène a son importance car elle était l’ultime chance d’arrêter la catastrophe. Cet ultimatum est aussi l’occasion de montrer la violence des mots qui tuent plus sûrement que le poignard ou du silence insupportable qui pousse au crime … Parler ou se taire ? La passion est plus forte que le langage.

Le dilemme tragique :

Il implique la notion d'un choix impossible entre deux valeurs tout aussi importantes et estimables l'une que l'autre à savoir le devoir (= l'honneur ici) et l'amour. Quelque soit l'option choisie, il y aura des conséquences négatives. Hermione est partagée entre son honneur, en laissant Pyrrhus épouser Andromaque mais en se vengeant par la même occasion, et entre son amour pour lui. Effectivement, les sentiments qu'elle éprouve à son égard sont si puissants et si intenses qu'elle a préféré faire honte à son peuple, trahir, que de renoncer à lui. Se voir refuser cet amour la conduira au suicide. Ainsi peu importe l'issue, elle sera si malheureuse qu'elle décidera de s'ôter la vie.

Le héros tragique de Racine:

Le héros tragique de Racine, bien qu'il soit de haute noblesse, ne possède pas pour autant des qualités exceptionnelles. Fidèle aux préceptes d'Aristote, le dramaturge le rend mi-coupable mi-innocent. Ainsi Hermione est innocente dans le sens où elle est la fiancée légitime de Pyrrhus que celui-ci va rejeter pour une autre. Mais elle est coupable d'avoir trahi son peuple, les Grecs, pour lui. Plus tard, elle sera coupable de l'assassinat de son ex-fiancé.

Bien que le héros racinien soit plein de pouvoir, il éprouve à son détriment les limites de son autorité. Ici Hermione est la princesse des Grecs, Pyrrhus doit l'épouser puisque qu'elle l'aime d'une part et que d'autre part il y est contraint politiquement. Pourtant sa passion se heurte à la résistance et à l'indifférence de l'être aimé. Aussi, déçue dans ses attentes, elle est désespérée. Ses paroles traduisent souvent le désarroi, la résignation et/ou la volonté de mourir.

Ainsi, le héros racinien se sait voué au malheur. Hermione a finalement compris que Pyrrhus ne l'aimera jamais puisqu'il en aime une autre. Quoi qu'il se passe, son destin est scellé,

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