Paul Eluard " Le respect des règles poétiques est-il un frein aux élans du coeur ?"

    Comme l’a dis Paul Eluard : « Rien de plus affreux qu’un poème poétisé, ou les mots s’ajoutent aux mots pour diluer l’effet de surprise, pour atténuer l’audace de la simplicité, la vision crue de la réalité inspirante et inspirée, élémentaire. » Comme on peut le voir ici, Eluard critique les règles poétiques qui sont pour lui un obstacle à la création poétique ou encore à l’expression des  sentiments des poètes.

    Ainsi, nous allons essayer de voir en quoi le respect des règles poétiques peut-il être une difficulté à l’expression des sentiments.

    Pour voir si c’est réellement le cas, nous essaierons d’abord de voir en quoi suivre les règles n’est pas un frein aux élans du cœur puis nous nous efforcerons de voir pourquoi considèrent ces règles poétiques comme étant un obstacle à leur expression.

    Dans un premier temps, nous allons voir que le respect de ces règles n’est pas un frein à l’expression des sentiments par la poésie. En effet, la poésie lyrique convient parfaitement à illustrer cet exemple, cette dernière exprime la sensibilité du poète grâce à l’expression du « moi » et du « je » intérieur. Alfred Musset illustre parfaitement ce respect des règles combinés à l’expression de ses sentiments dans son œuvre « La Nuit de mai ». Dans ce dernier, il exprime ses sentiments et sa sensibilité sans pour autant enfreindre les règles poétiques en utilisant la métaphore du pélican comme Baudelaire l’a fait avec l’Albatros. Ils expriment leurs sentiments par une allégorie poétique. Ces poètes travaillent donc non seulement sur leur sensibilité et l’expression de leurs sentiments mais aussi sur les sonorités comme les assonances ou les allitérations, le rythme de leur poème, souvent des alexandrins et en respectant la césure à l’hémistiche ou encore les images qu’ils utilisent, ici différents oiseaux comme le pélican ou l’albatros. On peut donc voir que le lyrisme parvient à nous transmettre les sentiments du poète tout en respectant les lois de mise au XIXème siècle. Ces règles ne sont pas un obstacle mais une nécessité à la création poétique. On peut confirmer cet exemple avec le spleen Baudelairien. Ce denier exprime son mal-être ainsi que ses émotions dans sa poésie tout en respectant les nombreux codes de la poésie en vigueur.

    Outre le lyrisme, certains poètes peuvent transmettre leurs sentiments dans un registre romantique, ils expriment donc des sentiments amoureux et non un mal être comme dans le spleen. En effet, les poètes romantiques cherche à faire connaître leurs différents sentiments aux autres comme W.H Auden, ce dernier exprime la difficulté de ses relations amoureuses à cause de son homosexualité. Une partie de son œuvre s’adresse donc à un autre homme nommé Chester Kallman et y exprime sa sensibilité, son amour mais aussi toutes ses frustrations car ils eurent souvent une relation tumultueuse et compliquée et expriment cette complexité et ses différents sentiments dans des poèmes comme « Arrêter les pendules ». D’autres poètes expriment des sentiments peu commun pour l’époque comme une nouvelle fois l’homosexualité tel que Verlaine et Rimbaud, ces deux personnes qui font partis de ce que l'on appelle les poètes maudits expriment leur amour, leur sensualité ou leur peine dans chacune de leurs œuvres et  nous transmettent leur vie chaotique et leur amour interdit grâce à des poèmes tel que « Une saison en enfer » ou  « Paris se repeuple » de Rimbaud et « Il pleure dans mon cœur » de Verlaine. Ces auteur transmettent donc leurs sentiments, généralement amoureux et parfois étonnant pour l'époque tout en respectant les nombreux codes de la poésie et parviennent à nous faire ressentir leurs émotions tout comme l'a fait Lamartine avec son œuvre intitulé « Le Lac », ce dernier parvient à nous transmettre la tristesse qu'il a quand il revient sur les lieux ou il est allé avec la personne qu'il aime. Le tout sous une forme très classique composé de quatrains, d'alexandrins et comportant la césure à l’hémistiche. On peut également citer Pablo Neruda qui est un auteur romantique Chilien et qui dans ses textes comme « Le Vers du Capitaine » nous transmet sa sensualité et son exaltation pour le sentiment amoureux.

    Enfin, c'est différentes règles poussaient généralement les auteurs à la recherche de la perfection absolue autant de façon esthétique que dans le fond de leurs œuvres. C'est ainsi qu'est né la poésie parnassienne. C'est un mouvement qui est très présent chez les romantiques afin de décrire un paysage et d'en exalter le plus possible nos sentiments. Comme le disait Horace au Ier siècle avant J.C, la poésie est pour lui une peinture. On peut donc l'utiliser à la manière d'un pinceau pour décrire un sujet mais avec le langage poétique. La poésie descriptive permet donc de représenter souvent des lieux ou des paysages mais également des personnes. C'est un mouvement que l'on retrouve chez Baudelaire dans Tableaux Parisiens ou Baudelaire décrit un certain nombre de paysages. La poésie parnassienne a poussé certains à la pratique de l'art pour l'art ou l'auteur à travers son œuvre n'essaie pas de faire passer un message mais réalise un culte de la beauté. Pour arriver à une telle œuvre, il faut travailler avec acharnement, tout en respectant les différents codes, ce qui ne freinent pas pour autant les élans du cœur. C'est ce que nous montre Théophile Gautier avec ce poème « »J'ai dans mon cœur ». Ce dernier rejetant le culte du « moi » et cherchant à se différencier du romantisme, compare l'utilité d'un poème à quelque chose de laid et préfère retranscrire objectivement les plus belles choses. Ainsi dans son poème composé de quatrains et de vers décasyllabes, Gautier nous ouvre son cœur. Malgré que ce poème soit adressé  la personne qu'il aime, il respecte les codes du parnasse mais aussi de la poésie et malgré les innombrables difficultés, il parvient à réaliser un texte des plus magnifiques, ce qui nous prouve que ces contraintes ne sont pas un frein mais une chose qui leur permet de se surpasser et d'atteindre la perfection.

    Certains auteur comme Baudelaire, Gautier ou Verlaine considèrent les règles comme une bonne chose, certains auteurs sont plus réticents face à ces dernières tel que Paul Eluard et les voit plus comme un obstacle ou frein à leur sentiment.

    La poésie a très peu évolué de l'Antiquité jusqu'à la renaissance. En effet, les règles n'ont pas bougées, de l'antiquité grecque avec « L’Iliade » et « L'Odyssée », de l'antiquité latine avec des auteurs tel que Horace et Juvénal et jusqu'au Moyen Âge avec les troubadours, ce sont les quatrains composés d'alexandrins et de rimes suivies qui dominent.  Au XVème siècle émerge des poètes reconnus comme François Villon et ses textes comme « La Ballade des Pendus ». Ce dernier malgré une certain sentiment de révolte ne s'éloigne pas des sentiers battus et continuent d'écrire en respectant toutes les règles en vigueur en poésie. Au XVIème siècle apparaît un genre lyrique qui respecte les codes et transmet ses sentiments et d'un autre côté Ronsard créé un mouvement engagé en défendant ses convictions religieuses. Les poètes de La Pléiade apparaissent à cette époque et marquent la langue française. Le XVII ème est marqué par une dominance du baroque puis du classicisme et les auteurs français continuent d'écrire en vers et en rimes. On retrouve la poésie dans des genres plus éloignés comme le théâtre. Au XVIIème, la littérature rime avec transmettre ses idées et on retient principalement André Chenier. Ce n'est ainsi qu'au XIXème siècle que la littérature française commence enfin à s'affranchir des règles. Certes le lyrisme et le romantique conservent toujours cette idée mais de nombreux poètes comme Baudelaire, Verlaine ou Rimbaud vont redonner un second souffle à la poésie et à la littérature française.

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