Littérature, sociétés du Moyen âge
Cours : Littérature, sociétés du Moyen âge. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Ana Isabel Andrades • 17 Octobre 2018 • Cours • 4 268 Mots (18 Pages) • 591 Vues
1.-LE CONTEXTE HISTORIQUE ET SOCIAL: « »
La société, pour les médiévaux, repose sur ces trois ordres qui sont pour G. Duby
«l’imaginaire du féodalisme», et dont l’idéologie a été vigoureusement exprimée, parmi d’autres, par l’évêque Adalbéron de Laon au XIe siècle dans son Poème au roi Robert: la maison de Dieu, la société chrétienne, perdure grâce à la collaboration de ces trois ordres immuables, à la fois séparés et unis, que constituent ceux qui prient, ceux qui combattent, et ceux qui travaillent. Pour les médiévaux, cela fut de toute éternité et ne saurait avoir de fin jusqu’au Jugement Dernier: la société humaine est à l’image de la Trinité divine, à la fois une et triple. La société n’a pas d’histoire: elle se résume dans cette structure immuable.
Cependant, si la doctrine perdure (on sait que les trois ordres existeront jusqu’à la
Révolution française), la réalité se transforme progressivement entre le XI et le XVe siècle. Des environs de 1100 jusque dans les années 1270, la France connaît une phase d’expansion économique sans précédent, en même temps qu’une transformation des conditions de vie de l’aristocratie. Au IXe siècle encore, Charlemagne entraînait sa noblesse dans des guerres de conquête et de christianisation lointaines (guerres de Saxe x ex.), et la ppale source de revenus de cette noblesse était liée à cette activité (butin, possessions nouvelles). 7
À présent, cette phase d’expansion est terminée (les limites de la chrétienté s’identifient à celles de l’Europe), et des progrès techniques (charrue à plusieurs socs, utilisation du cheval, plus rapide que le boeuf,pour les labours) donnent une rentabilité plus grande aux activités agricoles, qui profitent directement à l’aristocratie.
Celle-ci dispose donc à la fois de plus de loisirs et de revenus plus importants: son mode
de vie va progressivement changer, et l’intérêt pour les arts et pour la culture va s’éveiller d’autant mieux que le savoir commence à se répandre. À la fin du XIIe siècle, et surtout au XIIIe, l’expansion économique fondée sur le commerce et l’industrie (textile en particulier) va permettre un développement urbain sans précédent. Ainsi, même si les trois ordres subsistent, la richesse cesse de se concentrer dans les seules mains des nobles, et la sociologie du tiers ordre se diversifie: à côté de la traditionnelle classe paysanne se multiplient les artisans, les boutiquiers, tandis que le développement des universités favorise l’émergence d’une classe d’hommes de savoir, juristes, notaires, médecins, dont l’influence sera grandissante dans l’entourage même des rois et des princes. De nombreux textes, d’inspiration aristocratique, déplorent cette évolution, cette ascension des vilains, des hommes de basse naissance, et une évolution qui impose quelquefois à des filles de nobles appauvris par la guerre ou par un mode de vie dispendieux d’épouser d’épouser des paysans enrichis: on en rencontre plus d’un exemple dans les fabliaux.
Le dernier quart du XIIIe s voit apparaître les 1ers signes d’une récession économique,
en même temps que cessent, de fait, les grandes entreprises militaro-religieuses de la croisade d’outremer qui avaient caractérisé les 2 siècles précédents (la dernière a lieu en 1291). Les famines, qui avaient disparu depuis près d’un siècle, reparaissent (1315-1317), et l’Europe connaît les 1ers grands troubles sociaux du Moyen Âge (1280-1306). S’y ajoute une crise financière et monétaire (1335-1345), qui s’accompagne d’une récession démographique dramatique à partir de 1350. La rivalité franco-anglaise, constante depuis les règnes d’Henri II et ses fils, +/- larvée au cours du XIIe s., connaît un regain meurtrier avec la Guerre de Cent Ans, qui se poursuivra jusqu’au 1er tiers du XVe s.: les défaites de Poitiers, de Crécy et d’Azincourt saignent, physiquement et financièrement (rançons exigées pour la libération des prisonniers), la chevalerie française. La Grande Peste de 1348 achève le tableau de cet effondrement général. Les campagnes se dépeuplent en raison des morts et de l’abandon de terres devenues peu rentables du fait de la chute des cours. Au milieu du XVe s., il y a dans le monde rural 2 fois moins de feu qu’au début du XIIIe s. Ces migrants vont accroître la population des villes, où ils contribuent à entretenir un climat d’agitation +/- larvée: révolte des Jacques dans le Beauvaisis en 1358, soutenue pendant quelque temps par Étienne Marcel et l’élite parisienne; entre 1379 et 1383, mouvements de la Harelle à Lyon, conduite par les drapiers, des Maillotins à Paris. Ces mouvs intéressent toute l’Europe. ce n’est pas un hasard si le XVe s. est celui de la «mélancolie».
Les 1ers signes de relèvement apparaissent dans le deuxième tiers du XVe s..
L’agriculture reconquiert les friches, tandis que les villes connaissent un essor considérable. Elles dominent la campagne environnante, où la bourgeoisie acquiert de plus en plus de propriétés. Trois univers cohabitent à la fin du M.Â.: une société qui profite de la naissance du capitalisme urbain et s’organise d’une façon de + en + structurée autour des corporations, une aristocratie tournée vers son propre culte qui est aussi celui du passé, dans des fêtes ostentatoires, enfin un monde de déracinés et de marginaux (dont Villon sera un ex.), qui ne trouvent pas leur place dans ce nouvel ordre et restent à l’écart de cet essor. C’est une période de bouleversements sociaux et économiques, où les mentalités se transforment profondément, même lorsque le regard paraît encore s’appuyer sur des schémas traditionnels.
Tel est le cadre dans lequel a été appelé à émerger, puis à s’imposer, une littérature
nouvelle, en langue vulgaire.
2.-BILINGUISME, PLURILINGUISME
Le M Â. est marqué par un bilinguisme qui s’accentue avec le temps. Les langues
vulgaires se détachent lentement du latin, avec leurs différents dialectes: ainsi, pour le fr., les dialectes champenois, anglo-normand, picard, lorrain, et, à la frontière avec les dialectes d’oc, poitevin ou bourguignon, pour ne citer que ceux que l’on rencontre le + fréquemment dans les textes littéraires. Le latin demeure la langue des clercs, la langue savante: elle est le véhicule des ouvrages de théologie ou de science (encyclopédies, généralement dérivées de cette matrice essentielle que sont les Etymologiae d’Isidore de Séville, VIe-VIIe ss.), mais aussi de toute une littérature profane généralement inspirée de l’Antiquité gréco-romaine: poésie (en particulier la poésie du cour carolingienne, largement fondée sur l’éloge du prince), comédie (inspirée en Plaute), épopée marquée par l’influence de Virgile (Waltharius au XIe s., Alexandréide de Gautier de Châtillon au XIIe s.), poésie philosophique (Anticlaudianus d’Alain de Lille au XIIe s.), et bien, entendu, historiographie (hªs nationales, chroniques locales, hª des croisades...) et hagiographie. C’est donc à côté de cet ensemble linguistique que se développent, accidentellement entre le IXe et le XIe s., massivement à partir du XIIe s., des littératures en langue vulgaire dans tous les pays d’Europe (surtout d’Europe occidentale: l’Europe orientale connaîtra un développement + tardif d’un ou 2 ss.).
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