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Lettres persanes : lettre n°12

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Par   •  27 Février 2021  •  Fiche de lecture  •  1 829 Mots (8 Pages)  •  993 Vues

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Séquence 4: Les Lettres Persanes, un autre regard

Lecture n°6

Lettre 12

USBEK AU MÊME.

À Ispahan.

Il y avait dans ce pays deux hommes bien singuliers : ils avaient de l’humanité; ils connaissaient la justice; ils aimaient la vertu; autant liés par la droiture de leur cœur que par la corruption de celui des autres, ils voyaient la désolation générale, et ne la ressentaient que par la pitié: c’était le motif d’une union nouvelle. Ils travaillaient avec une sollicitude commune pour l’intérêt commun; ils n’avaient de différends que ceux qu’une douce et tendre amitié faisait naître; et, dans l’endroit du pays le plus écarté, séparés de leurs compatriotes indignes de leur présence, ils menaient une vie heureuse et tranquille: la terre semblait produire d’elle-même, cultivée par ces vertueuses mains.

   Ils aimaient leurs femmes, et ils en étaient tendrement chéris. Toute leur attention était d’élever leurs enfants à la vertu. Ils leur représentaient sans cesse les malheurs de leurs compatriotes, et leur mettaient devant les yeux cet exemple si touchant ; ils leur faisaient surtout sentir que l’intérêt des particuliers se trouve toujours dans l’intérêt commun ; que vouloir s’en séparer, c’est vouloir se perdre ; que la vertu n’est point une chose qui doive nous coûter ; qu’il ne faut point la regarder comme un exercice pénible ; et que la justice pour autrui est une charité pour nous.

Ils eurent bientôt la consolation des pères vertueux, qui est d’avoir des enfants qui leur ressemblent. Le jeune peuple qui s’éleva sous leurs yeux s’accrut par d’heureux mariages : le nombre augmenta, l’union fut toujours la même ; et la vertu, bien loin de s’affaiblir dans la multitude, fut fortifiée, au contraire, par un plus grand nombre d’exemples.

   Qui pourrait représenter ici le bonheur de ces Troglodytes ? Un peuple si juste devait être chéri des dieux. Dès qu’il ouvrit les yeux pour les connaître, il apprit à les craindre ; et la religion vint adoucir dans les mœurs ce que la nature y avait laissé de trop rude.

Ils instituèrent des fêtes en l’honneur des dieux. Les jeunes filles, ornées de fleurs, et les jeunes garçons, les célébraient par leurs danses, et par les accords d’une musique champêtre ; on faisait ensuite des festins, où la joie ne régnait pas moins que la frugalité. C’était dans ces assemblées que parlait la nature naïve, c’est là qu’on apprenait à donner le cœur et à le recevoir ; c’est là que la pudeur virginale faisait en rougissant un aveu surpris, mais bientôt confirmé par le consentement des pères ; et c’est là que les tendres mères se plaisaient à prévoir de loin une union douce et fidèle.

D’Erzeron, le 6 de la lune de Gemmadi 2, 1711.

Introduction:

        « La justice pour autrui est une charité pour nous. » soutiennent les deux premiers Troglodytes vertueux. Telle est la base de leurs enseignements, tel est le fondement de leur société. Une société portée à la connaissance du lecteur par Usbek, l’un des principaux personnages des Lettres persanes. Ce roman épistolaire écrit par Montesquieu et publié d’abord anonymement en 1721, connaîtra un succès immédiat. A travers cette oeuvre construite essentiellement autour de la correspondance de Rica et Usbek, … (Début 1)

        « Rica et moi sommes peut-être les premiers, (…) qui aient renoncé aux douceurs d’une vie tranquille, pour aller chercher laborieusement la sagesse. » écrit Usbek à son ami Rustan, resté en Perse. Ainsi, l’éloignement  permet l’accès aux savoirs qui mènent à la sagesse, selon les deux voyageurs. C’est aussi cette idée qui guide l’écriture de Montesquieu dans ses Lettres Persanes, roman épistolaire publié anonymement en 1721, et dont le succès sera immédiat. A travers ce roman construit essentiellement autour de la correspondance de Rica et Usbek, … (Début 2)

… (Suite) le philosophe entraîne le lecteur dans l’intrigue du Sérail tout en le menant vers une introspection des moeurs de la société française. En effet, par le biais de ces étrangers et leur regard à la fois étonné et faussement naïf, l’auteur énonce une critique sur la France et les hommes de ce début du 18ème siècle. Ici, dans cette lettre n°12, Usbek éclaire Mirza sur la nature des plaisirs de l’homme. Après lui avoir raconté la déchéance d’un peuple nommé Premiers Troglodytes dans la lettre 11, il lui fait le récit des moeurs et de la vie de celui les ayant succédés, les seconds Troglodytes, vertueux et bons, et dont le seul désir est de vivre paisiblement et en harmonie les uns avec les autres.  

Nous verrons ici que Montesquieu nous présente une société utopique/ un apologue menant vers une critique de la société du 18ème siècle.

        OU bien…

Nous verrons, au cours de cette étude linéaire, que ce récit d’un monde utopique/ cette utopie aboutit probablement à une défense des idées des Lumières.

Cette explication se fera suivant trois mouvements: le premier allant de « Il y avait dans ce pays (…) ces vertueuses mains. » (lignes 1 à 7), nous offre le portrait mélioratif de deux hommes vertueux.

Le second débute à « Ils aimaient leurs femmes, (…) » jusqu’à « par un plus grand nombre d’exemples. »(Lignes 8 à 17), et nous dépeint une société idéale et en cela, utopique.

Et enfin, le troisième mouvement qui va de « Qui pourrait représenter ici le bonheur de ces Troglodytes ?… » (Ligne 18) à la fin « pour leurs compatriotes. », suggère une liberté religieuse par la description d’un peuple polythéiste et harmonieux, et reflète les idées de Montesquieu. 

Mouvement 1: « Il y avait dans ce pays (…) ces vertueuses mains. », nous offre le portrait idéal de deux hommes vertueux à l’origine d’une société idéale.

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