Les fonctions de la poésie

Les fonctions de la poésie sont étroitement liées aux qualités que l’on prête au poète. Les unes comme les autres se superposent et ne peuvent être dissociées, même si elles semblent apparemment antithétiques :

• Partager des sentiments.

Cette fonction lyrique de la poésie, quoique toujours présente, est particulièrement mise en avant par les Romantiques qui souhaitent « expliquer leur inexplicable cœur ». Cette démarche n’est pas égotiste, car la poésie qui exprime l’intime vise en fait l’universel. Hugo explique ainsi dans Les Contemplations : « Ma vie est la vôtre, votre vie est la mienne, vous vivez ce que je vis ; la destinée est une. Prenez donc ce miroir et regardez vous-y ».

• Révéler.

Tandis que le langage commun rejette la complexité et le mystère, le langage poétique peut aller vers l'inconnu, rechercher l'inédit afin d'élargir la pensée : par le travail des mots, de leur polysémie, de leurs sonorités, la poésie peut seule révéler la multiplicité du monde. Pourtant située à l’opposé de la science, la poésie est capable d’accéder à une forme de connaissance et de vérité voire de dévoiler des mystères. Hugo nourrit par exemple ses poèmes de visions ou de paroles qui annoncent un avenir lumineux, comme dans ces deux vers « Tout sera dit. Le mal expirera ; les larmes/Tariront ; plus de fers, plus de deuils, plus d’alarmes » (« Ce que dit la bouche d’ombre », II).

• Célébrer et réenchanter le monde.

La poésie invite le lecteur à se pencher davantage sur les humbles beautés du monde que l’écriture doit célébrer ; la musicalité du langage poétique et la beauté des images peuvent sublimer les objets les plus banals voire les plus laids. Les Fleurs du mal de Baudelaire vise par exemple à faire naître la beauté de la laideur et le poète s’adresse ainsi à Paris : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ». Les calligrammes d’Apollinaire ou les poèmes en prose de Ponge répondent également à la volonté de ré-enchanter le quotidien.

• Guider le peuple, mener au combat.

La puissance évocatrice du langage poétique, la force du rythme et le martèlement des rimes permettent d’utiliser la poésie comme une arme. C’est pourquoi de nombreux poèmes ont pu dénoncer l’injustice née des guerres de religion, des inégalités sociales, du colonialisme, etc. La poésie peut aussi exhorter au combat : elle sait se faire brève, frappante et entêtante comme une chanson. Durant la Seconde Guerre mondiale, ce sont des poèmes – « Liberté » d’Éluard, par exemple – qui étaient distribués aux Résistants pour les encourager à combattre.

• Jouer avec le langage.

Le rapport plus libre et pour ainsi dire gratuit que la poésie entretient avec le langage (elle peut se passer du sens, contrairement à la prose) lui permet de jouer avec la langue, les mots, de les concevoir comme une musique. La poésie peut revendiquer la beauté ou le jeu comme unique but. Gautier affirme même qu’« il n’y a vraiment de beau que ce qui ne peut servir à rien ». La gratuité est aussi une forme d’engagement, contre l’efficacité, la rentabilité voire

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