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Le bateau ivre, Rimbaud

Commentaire de texte : Le bateau ivre, Rimbaud. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  6 Mars 2018  •  Commentaire de texte  •  2 780 Mots (12 Pages)  •  2 947 Vues

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LA : « Le bateau ivre »

La vie et l’œuvre d’Arthur Rimbaud sont marquées par le sceau de l’aventure exotique. A 21 ans, après avoir écrit une œuvre qui révolutionne la poésie, il s’embarque pour Java, revient en Europe, d’où il repart en 1880 pour l’Afrique. S’occupant de transactions commerciales, n’hésitant pas à traverser le désert à cheval, il séjourné tantôt à Aden, en Arabie, à Harrar, en Abyssinie.

Cette soif de l’inconnu et d’aventure caractérise également son œuvre. Il aspire à trouver du nouveau : le poète, comme il l’écrit, doit « se faire voyant » en pratiquant « un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens ». Pour parvenir à ce résultat, il recourt à l’hallucination et au rêve. Ce « dérèglement des sens » apparaît principalement dans Une saison en enger (1873) et dans les Illuminations (1874). Mais on le devine déjà dans l’une de ses premières œuvres, « Le bateau ivre » (1871), long poème de 100 vers dont voici les 9 premiers quatrains.

LECTURE

Rompant avec les amarres, un bateau « ivre » de liberté raconte son étonnante navigation à travers un monde de plus en plus étrange.

  • En quoi le bateau est-il ici une représentation du poète ?
  • En quoi ce poème illustre-t-il le thème du « dérèglement des sens » ?
  • En quoi « le Bateau ivre » vous paraît-il illustrer cette affirmation de Rimbaud dans la « Lettre du Voyant » : « Je est un autre » ?
  • Quelle mission Rimbaud assigne-t-il à la poésie dans ce poème ?
  • Dans quelle mesure peut-on dire que « le Bateau ivre » est une allégorie de la révolte adolescente ?

I        Un poème autobiographique

        

        La parole, dans ce poème, est donné au « bateau ivre » qui figure dans le titre. Il nous narre son aventure par le bais de la première personne du singulier à savoir : « je descendais », « je ne me sentis ». Le poème tout entier semble donc une prosopopée.

Le bateau est à plusieurs reprises personnifié à travers des verbes ou des adjectifs désignant des actes ou des états humains et ce notamment grâce à : « je ne me sentis », « j’étais insoucieux », « plus sourd », « je sais » ou encore « j’ai vu ».  On peut ainsi voir dans cette figure un double du poète. Rimbaud nous raconte alors sa progression, son entrée dans le monde.

        A        Une vie initialement monotone

        Initialement, la monotonie semble dominer la vie de notre jeune poète. En effet, l’imparfait avec « je descendais » à valeur d’habitude associé à l’adjectif « impassibles » (qui signifie calmes, imperturbables) soulignent cette monotonie.  De ce fait, le « Fleuves impassibles » représenteraient la société immobile, à laquelle le jeune poète se sent étranger.

Le poète semble condamné au calme et à l’ennui des eaux tranquilles. Condamné car il n’est pas maître de son destin. La tournure passive du vers 2 « guidé par les haleurs » nous laisse à voir un jeune homme dirigé et donc privé de liberté. (Références aux règles de la versification ? autorité parentale ?). Ce jeune homme semble détaché du monde dans lequel il vit, détaché du monde matériel que symbolise les marchandises que transporte le bateau à savoir : « blés flamands ou de cotons anglais ». L’adjectif attribut « insoucieux » souligne son désintérêt pour le monde dans lequel il se trouve tout comme d’ailleurs le rythme régulier des premiers vers en tétramètre qui nous fait ressentir le peu d’agitation de la vie du poète navire. Le poète apparaît donc solitaire, peu soucieux et donc noyé dans sa monotonie. On peut effectivement parler de noyade étant donné qu’au vers 10, celui-ci évoque « l’autre hiver » soit la saison hivernale symbolisant pourquoi pas la mort ou du moins l’enfermement et l’isolement.

        B        Rupture rendant liberté

        Mais cette monotonie est très peu présente étant donné que dès le deuxième vers, l’imparfait laisse sa place au passé simple avec « je ne me sentis ». La monotonie cesse alors ce que souligne également la modalité négative « ne me sentis plus ». Le bateau n’est plus remorqué par les « haleurs ». Une séparation s’est donc opérée. Elle est violente comme le valorise l’image du massacre des haleurs à savoir : « Des peaux-rouges criards les avaient pris pour cibles, / les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs ».  Cette image est renforcée par les assonances en [i] avec « criards », « pris », « cibles ». Cette voyelle pour Rimbaud est associée à de brutales ivresses, à la couleur rouge ; elle met donc en exergue la brutalité de la scène, le sang, le massacre tout comme les allitérations en [R] qui renforcent la dureté de la scène. Cette violence nous laisse comprendre que le poète-navire a hâte de voir ses passagers martyrisés par des « Peaux-rouges criards », il a hâte d’abandonner tout ce qui ressemble à la civilisation et comme tout adolescent, la rupture ne peut s’effectuer tendrement.

        C        De l’enfance à l’adolescence

Nous avons alors la sensation que Rimbaud nous évoque son passage de l’enfance à l’adolescence.  En effet, les références à l’enfance sont assez présentes. Elles apparaissent directement et ce grâce à des comparaisons comme : « plus sourd que les cerveaux d’enfants » (v10) ou encore « plus douces qu’aux enfants ». A cela s’ajoute les références au monde de l’enfance avec les « peaux-rouges », « tohu-bohus » (v12). Ce passage à l’adolescence se traduirait alors par l’affirmation du « moi » au v10. Effectivement ce pronom est mis en exergue par sa place dans le vers ; il est le premier terme du vers 10 et est apposé. D’ailleurs, il est séparé de la comparaison avec « les cerveaux des enfants », comme si Rimbaud affirmait ne plus être un enfant, affirmait son indépendance et donc la suprématie de son être, détaché des parents. A cela s’ajoute le rejet « je courus ! » (v11) qui lui aussi marque le désir du poète-navire de s’éloigner afin d’apprendre désormais par lui-même.

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