Lautréamont, Le Pou, Les Chants de Maldoror, IX, 1868
Commentaire de texte : Lautréamont, Le Pou, Les Chants de Maldoror, IX, 1868. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar alex8497 • 20 Juin 2017 • Commentaire de texte • 1 486 Mots (6 Pages) • 8 450 Vues
LA Lautréamont, « Le Pou », Les Chants de Maldoror, IX, 1868
INTRO : La seconde moitié du XIXe voit émerger la figure du poète maudit, en marge de la société et à contre-courant de la poésie traditionnelle. Le comte de Lautréamont, de son vrai nom Isidore Ducasse, peut entrer dans cette catégorie : né en Uruguay de parents français, il fait ses études dans le Sud-Ouest, puis à Paris où tout le monde remarque qu'il est d'un tempérament mélancolique et secret. Il meurt à 24 ans, vraisemblablement de la tuberculose, n'étant pas reconnu en tant que poète. Ce sont les Surréalistes qui le redécouvrent au début du XXe siècle, et voient en lui un génie de la poésie qui a mis à l'honneur le rêve, l'imagination et les rapports illogiques. Il semblerait qu'il ait emprunté le pseudonyme de Lautréamont à Eugène Sue, auteur des Mystères de Paris, un roman noir du début du XIXe siècle qui explore les bas-fonds de Paris et montre la capitale dans ce qu'elle a de plus noir et de plus repoussant. Le seul recueil qu'il publie sous ce nom est Les Chants de Maldoror, un recueil de poèmes en prose (forme très novatrice à l'époque, qu'on n'avait presque jamais vu) que chante Maldoror, une sorte d'alter ego de Lautréamont lui-même. Les premiers mots du chant premier nous oriente déjà vers une poésie maudite, dangereuse et vénéneuse, puisqu'elle sort de l'esprit d'un poète vicieux et corrompu :
« Plût au ciel que le lecteur, enhardi et devenu momentanément féroce comme ce qu’il lit, trouve, sans se désorienter, son chemin abrupt et sauvage, à travers les marécages désolés de ces pages sombres et pleines de poison ; car, à moins qu’il n’apporte dans sa lecture une logique rigoureuse et une tension d’esprit égale au moins à sa défiance, les émanations mortelles de ce livre imbiberont son âme comme l’eau le sucre. Il n’est pas bon que tout le monde lise les pages qui vont suivre ; quelques-uns seuls savoureront ce fruit amer sans danger. Par conséquent, âme timide, avant de pénétrer plus loin dans de pareilles landes inexplorées, dirige tes talons en arrière et non en avant. Écoute bien ce que je te dis : dirige tes talons en arrière et non en avant (…) »
De plus, le poète y revendique sa haine des hommes, et même du lecteur et l'incompréhension dont il est la victime, avec des tournures provocantes telles que : « Lecteur, c’est peut-être la haine que tu veux que j’invoque dans le commencement de cet ouvrage ! Qui te dit que tu n’en renifleras pas, baigné dans d’innombrables voluptés, tant que tu voudras, avec tes narines orgueilleuses, larges et maigres, en te renversant le ventre, pareil à un requin, dans l’air beau et noir, comme si tu comprenais l’importance de cet acte (...) »
+ « Je t’assure, elles réjouiront les deux trous informes de ton museau hideux, ô monstre, si toutefois tu t’appliques auparavant à respirer trois mille fois de suite la conscience maudite de l’Éternel ! »
Lautréamont est donc représentatif des poètes et de la poésie maudite, ce qui est en particulier visible dans le chant 11, où il invoque et glorifie les poux en tant que bourreaux et persécuteurs de la race humaine qu'il hait. En quoi cet extrait des Chants de Maldoror est-il un condensé de l'esthétique poétique de Lautréamont, qui fait de lui un poète maudit ?
1) Éclatement et négation des conventions poétiques traditionnelles
2) Provocation du poète qui revendique sa haine des hommes et du lecteur
3) L'émergence et l'affirmation d'une poésie maudite, novatrice et provocatrice, aux antipodes de la tradition poétique
I) L'éclatement et la négation des conventions poétiques
A) Le choix de la poésie en prose
- syntaxe prosaïque : phrases construites, SVC, propres à la prose
- vocabulaire et images poétiques s'immiscent dans la prose, ce qui est caractéristique de la prose poétique :
- voc → « quintessence » v.2, « lilliputien » v.15, « enchantement » v.15, « imagination » …
- figures de style et images qui rapprochent les contraires : comparaison v.5, v.14 – périphrase v.7, v.9 (//métaphores, personnifications)
= richesse des images propre à la poésie
- dans la prose, jeu sur le rythme qui prouve qu'on a affaire à de la prose poétique :
- alternance phrases longues/courtes (v.3-5 au service de l'image – v.12 mise en valeur du pou)
- présence de vers blancs v.14, v.18-19
B) L'orientation vers une poésie prosaïque
= polysémie du mot prosaïque :
1) qui appartient à la prose
2) qui est banal, trivial, voire laid
- thématique centrale = pou et ravages qu'il peut opérer cf v.2, v.6
- construction d'images repoussantes du pou qui gratte et qui dévore
cf champ lexical du mal et de la dévoration, surtout verbes
C) Le pou comme figure centrale = éloge paradoxal de la laideur, du repoussant
- omniprésence des poux + alternance singulier/pluriel qui insiste sur son pouvoir
- périphrases mélioratives,qui glorifient le pou comme un héros : il est proche d'une figure militaire héroïque
- la petitesse du pou subit un renversement par plusieurs moyens :
1) le choix d'adversaires énormes qu'il met au tapis (mendiant, cachalot, éléphant, hommes)
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