La tragédie, définition.

La tragédie était un genre hautement apprécié au XVIIe siècle. Le public se précipitait à l'Hôtel de Bourgogne pour voir jouer les pièces de Rotrou, d'Alexandre Le Hardy ou de Pierre Corneille. Considéré comme le genre le plus élevé, le plus noble, elle inspirait même les grands ; le cardinal de Richelieu lui-même ne dédaignait pas d'en écrire. Dans une société soumise à un monarque absolu de droit divin, les spectateurs ne voyaient sans doute rien d'invraisemblable aux aventures des rois, des empereurs, ou même des divinités qui livraient leurs déchirements, leurs ambitions et leurs états d'âme sur la scène. Mais les tragédies classiques peuvent-elles encore toucher le public contemporain ? À l'époque où le cinéma a imposé des procédés et des techniques de récit basés sur la dynamique, le mouvement, l'action, l'éclatement spatial et temporel, qu'est-ce que Phèdre ou Britannicus ont encore à nous dire ? Enfermée dans un carcan de règles et de conventions strictes, prenant pour arguments des épisodes de l'Antiquité ou de la mythologie dans un langage codifié très éloigné du nôtre, la tragédie semble avoir désormais sa place dans les rayons poussiéreux des bibliothèques ou dans les livres scolaires. Et pourtant, Corneille et Racine sont toujours à l'affiche des théâtres et des festivals, et Andromaque est programmé cette saison à la Comédie-Française. Bien souvent, la salle est comble et le public recueilli sort ému de la représentation. N'est-ce pas qu'au-delà des styles et des modes, des époques et des contextes sociaux, la tragédie véhicule des émotions et des valeurs humaines qui traversent le temps ? Telle est la problématique que nous essaierons de développer. Nous consacrerons notre première partie à l'étude des procédés qui font de la tragédie un genre littéraire distancié du public. Dans la deuxième, nous nous attacherons à rechercher les éléments intemporels qui rendent la tragédie classique toujours vivante et actuelle.

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