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La poésie est-elle nécessairement musicale ?

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Par   •  7 Mars 2016  •  Dissertation  •  3 476 Mots (14 Pages)  •  5 448 Vues

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Astier

Lucie

La poésie est-elle nécessairement musicale ?

Art qui fait « réfléchir par les couleurs, les sons et les rythmes, toutes les beautés de l'univers" selon Mme de Staël, la poésie, "poiêma" du grec "poiein" « faire, créer », est un genre littéraire qui au cours des siècles, depuis l’antiquité et jusqu’à aujourd’hui a su évoluer et se réinventer. S’il est possible de penser que les lecteurs attendent de la poésie qu’elle soit nécessairement musicale, répondre à cette question soulève une problématique plus ample. En effet, la musique et la poésie sont étroitement liées, dans une même quête d’harmonie, de beauté et d’appel aux sentiments. Le lecteur et l’auditeur recherchent dans la poésie qu’elle soit musicale, lyrique. Pour atteindre cette musicalité, le poète  fait appel a des techniques et des règles, la poésie passe donc par une recherche de formes .Enfin elle trouve pleinement son sens lorsqu’elle parvient à parler au sensible et exprimer une musique des sentiments. C’est ce que nous allons chercher à illustrer au fil de ce développement.

Le lyrisme caractérise l’art poétique. Lorsqu’André Gide décide de concevoir une anthologie de la poésie française, c’est pour répondre à un auteur anglais qui lui demande : « comment expliquez-vous qu’il n’y ait pas de poésie française ». Il choisit alors de relever ce défi et de sélectionner ce que la poésie française offre de plus musical. Pour comprendre la position de  ces intellectuels,  il nous appartient d’expliquer pourquoi la poésie est un art lyrique, en revenant sur ses origines et en prenant en compte une caractéristique de la poésie : elle est faite pour être partagée oralement, parlée et écoutée, mémorisée et appropriée.

Dès la mythologie grecque, Poésie et musique sont indissociables, notamment au travers du mythe d’Orphée. Orphée est l’enfant de la muse de la poésie épique et de l’éloquence, Calliope et d’Apollon, dieux du chant, de  la musique et de la poésie. On considère Orphée comme le premier poète. Il est souvent représenté portant une lyre, instrument de musique symbolique du poète. D’ailleurs la poésie lyrique doit son nom à la lyre qui, dans l’Antiquité, accompagnait ses chants. Orphée est fils de personnages divins, la poésie peut-être ainsi assimilée  à un dont des dieux, comme une parole divine. Ce personnage est très présent dans la littérature grecque comme dans ce passage de Pindare, l’un des plus grands poètes lyriques grecs, "A tous ces héros, se joignit le fils d'Apollon, Orphée chantre divin et père de la poésie lyrique ». Ce thème a été repris par de nombreux opéras. Tel un hommage à ses racines, cette histoire  a beaucoup été reprise dans la poésie française comme dans le recueil de Guillaume Apollinaire Le bestiaire ou Cortège d’Orphée où il dresse des portraits d’animaux.   La légende d’Orphée a d’ailleurs été adaptée par Jean Cocteau dans  Orphée  une version moderne et surprenante du mythe antique. Essence de la poésie, le lyrisme est une forme de « chant de l’âme », une expression personnelle, passionnée, des sentiments. Le lyrisme couvre tous les registres de l’expression de l’âme, de la mort à l’amour, des peines et des joies quotidiennes, de la fuite du temps ainsi que des thèmes divins. Il peut être mélancolique, joyeux, nostalgique…Il est le plus souvent écrit à la première personne du singulier, ce qui donne le sentiment d’un reflet de l’âme de l’auteur. Tonalité privilégiée des poètes qui en ont exprimé les moindres facettes et nuances pour partager leur mal être, bonheur, espoir, angoisse, le lyrisme est essentielle à la poésie. La poésie lyrique est très diverse, et peut revêtir différente forme comme l’ode, sa forme la plus ancienne et la plus noble. Proche de l’hymne, l’ode est le nom donné par les grecs a un poème lyrique qui peut-être chanté. On le retrouve chez Pindare dans l’antiquité mais des poètes comme  Ronsard ou Victor Hugo l’on utilisé. La tempête des émotions, l’énergie des sentiments sont l’essence même de l’ode. Mignonne, allons voir si la rose  l’un des poèmes les plus célèbre de Ronsard est une ode qui évoque l’éclat de la jeunesse, les ravages du temps qui a été mise en musique par de nombreux artistes au fil du temps, véritable exemple de la réunion de la poésie et de la musique. La poésie lyrique se fait confidente des sentiments et présente des qualités intrinsèquement mélodiques.

Lyrique par son contenu, ainsi que nous venons de l’exposer, la poésie tire sa musicalité de la tradition orale qui lui est attachée. La poésie est faite pour être lue à haute voix, déclamée, ou, à l’école, récitée. Déclamer de la poésie a toujours été un moyen de la partager et de lui faire traverser les âges. En effet la poésie antique était  traditionnellement chantée, permettant ainsi par exemple de clamer la gloire et des dieux ou des héros comme dans l’Iliade d’Homère ou les Métamorphoses d’Ovide. Au Moyen Age, les troubadours à la fois poètes et musiciens déclament leurs sentiments en musique. Leur poésie est écrite en vers réguliers, elle chante l’amour courtois, des récits épiques, et la vie des chevaliers. Les troubadours sont à la fois auteurs et compositeurs .A une époque où la majorité des gens ne savent pas lire la transmission orale de leurs œuvres est indispensable car elle permet de ne pas tomber dans l’oubli. Aux 17ème et aux 19ème siècles, dans les salons littéraires dire des poésies et les réciter est un moyen de montrer son savoir et sa culture et de développer l’art de l’esprit. Au 17ème siècle ces salons de conversations sont majoritairement dirigés par des femmes ; on y parlait de littérature, de philosophie, d’art…La culture est ainsi un moyen de briller en société. Ces salons sont réservés à une élite bourgeoise, il faut être invité pour y entrer et aussi ont-ils permis à de nombreux auteurs de l’époque de ce faire connaitre. Des salons comme celui de  Mme de Rambouillet ou  Mme de Scudéry étaient de véritables lieux de vie mondaine où s’organisaient des discussions et débats érudits. Dans « les précieuses ridicules », Molière caricature cette bourgeoisie avec une satire acerbe de leurs réunions. Au 17ème siècle pour briller en société il fallait être érudit avoir de l’esprit et de la culture comme en témoigne cette autre comédie de Molière  « le bourgeois gentilhomme » où  un bourgeois engage un précepteur pour lui apprendre l’art de la société. Le bourgeois souhaite écrire un billet à une femme qu’il aime. Le précepteur lui propose d’écrire le billet en vers ou en prose mais M. Jourdain refuse, il ne veut ni vers ni prose. Le précepteur se rendant compte de l’ignorance de son élève, lui explique  que « Tout ce qui n’est point prose est vers, et tout ce qui n’est point vers est prose » et c’est a son grand étonnement que Le bourgeois apprends qu’il fait de la prose au quotidien sans jamais s’en être aperçu. Molière dénonce ici l’artificialité de cette culture qui sert seulement à parader et à briller en société. Au 19ème siècle Alfred de Musset, Victor Hugo, Balzac étaient des habitués des salons de Mme Récamier. De nos jours de nombreux poèmes sont mit en musique et comme, il est possible d’aller voir des pièces de théâtre de nombreuses lieux de culture organisent des lectures de poésie ; un peu comme on pouvait les faires dans les salons du 17ème et du 19ème. L’école a aussi un rôle important dans la transmission et la découverte de la poésie permettant ainsi à des enfants de se former une culture poétique dont ils garderont forcement des souvenirs. Le rap et le Slam, équivalent moderne, de la poésie jouent aussi sur cette oralité, le texte prenant tous se sens quand il  est chanté a capella ou avec un accompagnement musical.

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