La morte amoureuse de Théophile Gautier

La crédibilité du récit du prêtre dans l'incipit de La Morte amoureuse:

Dans La Morte amoureuse de Gautier, Romuald, un vieil homme de soixante-six ans, prend la parole pour confesser un péché commis dans sa jeunesse et qu’il voudrait éviter à ceux qui le lisent. Le personnage-narrateur est un vieux prêtre qui confie à un homme à l’âme bien trempée, vraisemblablement religieux lui aussi, un souvenir de jeunesse si terrible qu’il ose à peine l’évoquer. Sur un encouragement de son interlocuteur le prêtre se résout à confesser son secret, même s’il le fait en dehors du confessional.

Quoi qu’il en soit, le statut du narrateur (c’est un homme de Dieu, un “pauvre prêtre de campagne”), sa personnalité (il se montre rationnel quand il dit “je ne puis croire”), la réticence à faire le récit-confession (“vous me demandez” et “j’ose à peine remuer…”), tout cela engage le lecteur complice à croire à la véracité du propos.

Le narrateur-personnage est également le héros, ce qui peut être de nature à accroître la recevabilité du témoignage: on n’a pas affaire à quelqu’un qui rapporte l’aventure d’un tiers, avec les possibilités de distorsion, de malentendu que cela comporte.

Toutefois, tout au long de cette confession, le héros se montre lui-même réticent à croire en la réalité de ce qu’il a vécu et il signifie clairement qu’il sait son aventure incroyable et de nature à susciter l’incrédulité, le doute. Autrement dit, le héros prend en charge les réticences du lecteur lui-même: il émet ainsi l’hypothèse d’une hallucination (“Dieu veuille que ce soit un rêve”), mais il raconte en toute conscience des choses qui défient la raison. Ajoutons que le héros n’est pas un personnage extravagant, menant une vie qui le prédispose aux hallucinations, quoique l’on puisse avancer que la chasteté du prêtre est de nature à susciter des rêves luxurieux .

La confession de Romuald, aussi incroyable qu’elle puisse paraître provoque –du fait de toutes les caractéristiques évoquées ci-dessus- l’intérêt d’un lecteur prêt à lui ajouter foi.

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