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La mise en tension de l'utopie et la dystopie dans l'oeuvre Nous de Zamiatine

Commentaire de texte : La mise en tension de l'utopie et la dystopie dans l'oeuvre Nous de Zamiatine. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  11 Octobre 2021  •  Commentaire de texte  •  1 487 Mots (6 Pages)  •  1 315 Vues

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Question d’interprétation

        Dans les premières années qui ont suivi la révolution russe, plus précisément en 1920, l’auteur russe Evgueni Zamiatine écrit son œuvre Nous (également appelé Nous autres ), roman d’anticipation politique qui ne sera accessible aux lecteurs russes qu’en 1924. Ce texte, souvent présenté comme la source d’inspiration de nombreux chefs-d’œuvre tels que Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley ou bien 1984 de Georges Orwell, montre la puissance d’un système quasiment imperturbable qui s’immisce dans la conscience de chaque être de façon à garantir l’absolu respect de ses principes. Dans cet ouvrage, et plus particulièrement dans l’extrait que nous pouvons retrouver à la page 317 du manuel, on remarque que Zamiatine lie intrinsèquement les notions d’utopie et de dystopie : comment parvient-il à mettre ces deux termes en tension ? Dans un premier temps, nous étudierons la construction du monde décrit par l’auteur, avant de nous pencher sur la condition des êtres humains vivant au sein de cette société pour comprendre la façon dont l’auteur lie ces deux termes qui semblent pourtant drastiquement opposés.

        Tout d’abord, Zamiatine nous décrit un monde qui se trouve à la frontière entre l’utopie et la dystopie. En effet, la société dans laquelle se déroule notre histoire semble idéale et sans défaut : l’auteur utilise notamment un vocabulaire très mélioratif, qui tend vers une divinisation de ladite société. On retrouve ainsi les termes « divins » ligne 19 et « bénédiction » ligne 11 ou encore l’expression « vous élevez plus haut » ligne 15 qui semble renvoyer à une ascension vers un paradis sociétal. De plus, on observe un régime politique qui semble satisfaire l’ensemble de la communauté : cet État unitaire dominé par un « bienfaiteur » est décrit comme étant magnifique et parfait, comme le montre l’expression « tout est fait d’une manière unique, rayonnante, souriante » ligne 13. L’architecture est présentée comme étant merveilleuse, symbole d’une société pure et idéale : on peut noter les expressions « harmonie quadrangulaire »(l.19), « parallélépipèdes divins »(l.18) ou encore « rues immuablement rectilignes »(l.17), qui emploient un vocabulaire géométrique relativement précis. Enfin, on remarque un rejet de l’ancienne société (qui correspond à celle dans laquelle nous vivons actuellement) : cette dernière est considérée obsolète, perçue comme absurde par les habitants de cet « État unitaire ». Cette négation de leur ancien mode de vie se retrouve des lignes 24 à 29 : le narrateur se souvient d’un tableau vu dans un musée qui représentait la vie du XXe siècle, et l’absurdité totale de cette société le fait « [éclater] de rire » (l.29).L’idéalisation de cette société soi-disant parfaite ainsi que le rejet du passé est en adéquation avec la définition d’utopie. Cependant, certains points de cette description se rapprochent plus de la définition de la dystopie, montrant les limites de ce monde soi-disant idéal. En effet, on comprend que la notion de temps est abolie : on remarque le terme « Heure privative d’après-déjeuner » ligne 2, qui semble signifier que l’ensemble de la société est régi par une temporalité contrôlée par le gouvernement, et que la liberté individuelle est restreinte voire inexistante. Le récit prend donc place dans un cadre temporel particulier où la société est gérée par des lois strictes qui empêchent l’idée de progrès par son refus de considération de l’individualité et de la liberté : cette absence de temporalité définie renforce cet état de stagnation de la société, car cette dernière est dépendante du système pour avancer. La vie du citoyen est par conséquent régie par l’État unitaire (que l’on pourrait éventuellement qualifier de totalitaire), et ce contrôle devient total lorsque la conscience du citoyen est entièrement soumise à l’influence de la propagande : ce texte nous donne l’exemple du « Générateur de musique [qui] trompétait à pleins tubes la Marche de l’État Unitaire » (l.3) : cet air de musique répété en permanence (« Comme toujours » ligne 3) fait office d’outil de propagande utilisé pour soumettre les individus et les faire adhérer au système mis en place. On retrouve donc différents aspects de la notion de dystopie, qui dépeint une société où les dirigeants exercent une autorité totale et sans contraintes sur des citoyens qui ne peuvent plus exercer leur libre arbitre (puisque leur quotidien est dirigé et régi par le gouvernement, ils sont incapables de vivre seuls et par conséquent de réfléchir par eux-mêmes, car leur vie est contrôlée). Par la description de cette société, Zamiatine met en évidence la fine ligne qui sépare l’utopie de la dystopie et met ces deux termes en tension.

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