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La courbe de tes yeux, Paul Eluard

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Par   •  24 Novembre 2019  •  Commentaire de texte  •  2 673 Mots (11 Pages)  •  2 218 Vues

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La Courbe de tes yeux

Eluard

La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

Paul ELUARD, Capitale de la douleur, (1926)

Introduction

Paul Eluard, poète de la première moitié du XXème, a été un des chefs de file du mouvement  surréaliste qui s'intéresse à l'imaginaire, au rêve et à l'inconscient dans les années 1920. Après une crise personnelle existentielle qui a entraîné son voyage-fuite en 1924, Eluard publie son premier recueil en 1926, qui sera le plus important: Capitale de la douleur. Ce recueil est dédié à sa muse et 1ère épouse: Gala.

Le poème La courbe de tes yeux est l'avant dernier du recueil. Il est placé sous le signe de la joie d'aimer et du partage amoureux. Nous allons étudier l'éloge de la femme fait à partir de la courbe de ses yeux, puis le bonheur de ce couple heureux et enfin l'ouverture sur le monde. 

Ce poème, constitué de trois quintils (3 strophes de 5 vers), de décasyllabes pour les deux derniers et de vers de trois mesures différentes – trois alexandrins, un octosyllabe et un décasyllabe – pour le premier, est un éloge de la femme aimée, dont le pouvoir des yeux est source de vie.

Le poème comprend des vers de formes traditionnelles : "trois alexandrins (1er et 3e et 4e vers) un octosyllabe (le 2e vers) et le reste du poème en décasyllabes : on remarquera que les trois alexandrins sont trois tétramètres tout à fait classiques (avec quatre accents d’intensité chacun).

Si ces vers sont parmi les plus employés de la poésie, en revanche leur association dans un même poème l’est moins ;

  • cette liberté se retrouve dans l’absence d’un véritable système de rimes même si les deux premières strophes en proposent (coeur / douceur ; vécu / vu / ; rosée / parfumées ; lumière / mer) ;
  • la musicalité du poème se fonde sur des jeux d’allitération et d’assonance (danse / douceur ; jour / mousse ; rosée / roseaux ; chasseurs/sources des couleurs ; toujours / jour) ;
  • sur l’omniprésence de la dentale [t] dans la première et la troisième strophe ;
  • sur des ruptures rythmiques comme dans les deux vers introduits par la conjonction « et » où l’emploi de mots d’une syllabe introduit un rythme syncopé comme le martèlement d’une conviction (vers 4, 5 et 15).

Par ailleurs, si la troisième strophe ne propose aucune rime de sons elle met en place des « rimes de sens » : la métaphore « couvée d’aurores » trouve en écho au vers suivant « la paille des astres » : Éluard cristallise, en filigrane, à travers les thématiques de la naissance, du sacré (la paille et les astres évoquent la scène de la Nativité) et de la lumière, l’image idéalisée d’un amour vécu comme une véritable re-naissance.

Les deux vers suivants proposent aussi une « rime de sens » plus directe avec deux termes dont les connotations sont très proches, « innocence » / « purs ». (V 13 – 14)

Ainsi, bien que son poème contienne de nombreux échos d’une filiation poétique, tant dans la forme que sur le fond (le lyrisme amoureux et la figure féminine sont des expressions constantes et majeures dans la poésie française), Éluard, fidèle à l’esprit surréaliste dont il est un des chantres, s’affranchit des contraintes liées à un poème versifié selon les règles traditionnelles."

Tentative pour ordonner ce poème : 3 strophes de 5 vers.

Mais les vers ne sont pas du tout ordonnés.

La 3ème strophe est un résumé de tout le reste. L’effet est inattendu : couver d’horreur, paille des astres = antithèses magiques. Qui git … astres = les astres sont normalement ds le ciel !

I) L'éloge des yeux

a) Un blason (= poème qui fait l'éloge d'une femme par un détail physique):

C'est un éloge insolite > courbe des yeux mais aussi courbe du regard.

Les yeux et le regard sont au centre du poème et constituent une synecdoque, car ils désignent la femme aimée.  Ce poème est un blason (= poème versifié, à rimes plates, qui ait un éloge d’un être ou d’un objet - le plus souvent le corps féminin - à partir d’un de ses constituants. A la mode au XVIème siècle, il est revenu en vogue au XXème siècle avec Eluard, Breton, Brassens).

On trouve un champ lexical très riche :

- Dénotation claire de la courbe: "tour", "courbe", "rond", de la figure géométrique du cercle, de l'ondoiement de la courbe.

- Connotation poétique: de nombreux mots suggère la courbe : « auréole », "feuilles", "gouttes de rosées", "les roseaux", "les ailes", "astres", "bateau", "berceau", "danse".

Ce sont les yeux qui sont au centre mais on retrouve aussi les lèvres.

Le titre lui-même évoque l’oeil et son contour.

Le regard circulaire enveloppe le « cœur » du poète, le siège de ses sentiments. V 1

Accent mis sur les 2 éléments les plus importants : les yeux et le cœur par la longueur du 1er vers (alexandrin), deux images très fréquentes chez Eluard et les surréalistes.

b) Structure circulaire du poème:

Tout dans ce poème est ondoyant.

- Le vers 15 revient au vers 1 >> il ferme le poème par un retour au vers 1.

Le regard de la femme fait battre le cœur du poète // le sang du poète s’écoule dans le regard de la femme = cycle de la vie, symbiose totale : la vie de chacun des deux est source de vie pour l’autre.

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