L'aveu de Phèdre à Hippolyte, acte II, scène 5, vers 634-711, Jean Racine
Fiche de lecture : L'aveu de Phèdre à Hippolyte, acte II, scène 5, vers 634-711, Jean Racine. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Agoudoua974 • 14 Octobre 2017 • Fiche de lecture • 3 032 Mots (13 Pages) • 10 586 Vues
L.A n°2
L’aveu de Phèdre à Hippolyte (Acte II, scène 5) Vers 634-711
Introduction : même présentation que la LA n°1 évoquer d'abord Racine + la tragédie classique + sujet de la pièce de Phèdre et inspirations de Racine.
Puis présenter la situation du passage : Phèdre aime en secret son beau-fils Hippolyte et celui-ci l’ignore. Or, à la fin de l’acte I, on a annoncé la mort de Thésée, époux de Phèdre et père du jeune homme. Se croyant désormais libre, Phèdre, après avoir fui Hippolyte, consent à le rencontrer sur les conseils d’Oenone afin d’aborder avec lui les questions de succession du trône. Alors qu’Hippolyte vient de quitter Aricie qu’il aime et que cette entrevue n’est pour lui qu’un « fâcheux entretien » (v580), Phèdre, de son côté, va s’abandonner à un véritable incantation amoureuse et, en proie à une émotion violente, elle va de moins en moins dominer sa passion jusqu’à commettre l’irréparable : laisser échapper une brûlante déclaration d’amour.
Problématique : comment l'héroïne racinienne se laisse-t-elle irrésisteblement emporter par la force de la passion en avouant son amour interdit à Hippolyte ?
I. D’un aveu voilé inspiré par un épisode mythologique célèbre...
Rôle majeur de l’épisode mythologique du Minotaure et du labyrinthe de Minos sur l'île de Crète. Or, ici, cet épisode légendaire devient ambigu car si Phèdre semble évoquer son époux disparu à qui elle déclarerait son amour, elle esquisse, en réalité, le portrait de son fils lui faisant face. Puis, par une reconstruction imaginaire, elle-même prendra la place de sa sœur Ariane, qui fut jadis amoureuse de Thésée.
La substitution des personnages s’opère donc en deux temps.
A) De Thésée à Hippolyte Glissement qui s’effectue en plusieurs temps distincts :
▪ D’abord semblant d’affirmation de fidélité conjugale au v634
Le lien est apparemment fort avec la réplique précédente d’Hippolyte aux vers 631-634. Phèdre marque son adhésion aux propos d’Hippolyte « oui » et reprend le nom propre cité : celui de « Thésée ».
▪ Puis début de la construction fantasmée de portrait de Thésée au vers 635
Effacement de la figure réelle de Thésée puisque l’affirmation première est immédiatement démentie par la formule: « non pas tel que...mais » qui opère une longue rectification du vers 635 au vers 640
Les marqueurs syntaxiques de la modification du portrait canonique (= convenable, conforme) de Thésée sont :
- La structure négative « non point tel que » au vers 63
- La répétition forte de la conjonction de coordination adversative (= qui oppose) « mais » au vers 638
▪ S’ensuit le portrait négatif de Thésée avec lexique dévalorisant. Mise en avant des défauts du Roi.
- Infidélité au vers 636 avec « volage » + rythme croissant en 2 / 4 / 6 qui accentue le travers de Thésée
- Coupable de sacrilège au vers 637. Enjambement sous la forme d’une proposition subordonnée relative faisant allusion à une piteuse aventure de Thésée, qui, après avoir échoué dans tentative d’enlèvement de Proserpine, épouse du « dieu des morts », avait été retenu de longs mois aux Enfers.
▪ Après l’effacement du portrait rejeté de Thésée, recréation d’un portrait imaginaire et mélioratif sous les traits d’Hippolyte.
- Attribution des épithètes caractérisant d’ordinaire le jeune homme « Mais fidèle, mais fier, et même un peu farouche»
- Digne de représentation artistique + divinisation au vers 640
Remarquer le parallélisme des deux hémistiches avec la réduplication de la structure « tel que » associée à la comparaison hyperbolique entre le pluriel « nos dieux » et le singulier « je vous vois ». Ivresse du langage puisque Phèdre glisse d’une comparaison (celle des dieux) à une autre, elle interdite : celle avec Hippolyte. Phèdre emportée par la parole amoureuse.
▪ A partir de là, interpellation directe d’Hippolyte :
- Marques de deuxième personne avec pronoms personnels ( X « vous » aux v640, 645, 647) + déterminants possessifs « votre », « vos » qui saturent notamment le vers 641.
- Paradoxe du père qui ressemble au fils et non l’inverse au vers 641
- Marque de monstration avec le déterminant démonstratif « cette noble pudeur » (fait peut-être un geste en esquissant une caresse sur le visage d’Hippolyte qui recule)
- Citation du prénom au vers 645 placé à la rime et proche des « filles de Minos » au vers précédent.
- Substitution pleine et entière du fils au père puisque Hippolyte devient un héros, comme Thésée au vers 649 en tuant le Minotaure.
B)D’Ariane à Phèdre Le transfert d’identité est plus rapide.
[Si l’on excepte l’imparfait descriptif du vers 659 (« il vous fallait chercher »), la deuxième partie de sa tirade utilise exclusivement le conditionnel passé première forme « aurait péri » et deuxième forme « eût armé » (8 occurrences en l’espace de 11 vers). Nous sommes dans l’irréel du passé, c’est-à-dire l’expression du mode conditionnel dans ce qu’il a de plus hypothétique, de moins réel.]
▪ Elle esquisse à peine la silhouette d’Ariane en la désignant par le lien de parenté « ma sœur » (v652) + allusion à son célèbre attribut mythologique « fil fatal ».
▪ Epanorthose qui suit immédiatement: « Mais non » permettant à Phèdre de se substituer à sa sœur. Force de l’opposition avec la conjonction de coordination « mais » suivie de la négation énergique « non » : réfutation sans appel de la réalité.
▪ Engagement total de Phèdre :
➢ A partir du vers 653, présence grammaticale forte de l’héroïne, à presque tous les vers, et ce, sous des formes variées :
- Marques de première personne à la fonction sujet « je » vers 653, 660
- Marques de première personne à la fonction objet « l’amour m’en eût d’abord » (664), « que de soins m’eût coûtés… » (657)
- Pronom personnel réfléchi « Se serait ...retrouvée ou perdue » (662)
- Répétition anaphorique du présentatif « c’est moi » au vers 655.
La répétition révèle à la fois l’affolement et le plaisir à se dévoiler. Il s’agit presque d’un cri.
- Point culminant de cette auto-désignation avec mention de son propre prénom au v 661.
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